Bouche d'ombre

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  • 9/10 Ils sont trois à se retrouver à l’étude de maître Douard, trois personnes qui connaissaient bien Daniel Lestrade qui vient de décéder et dont on va procéder à l’ouverture du testament. Il y a Elvire, sa sœur, Simon Chanfreau, un SDF que le défunt avait extirpé de la rue pour en faire son chauffeur, et Julia Rosso, sa maîtresse. Tous les trois avaient une excellente raison de vouloir tuer Daniel, qui n’était qu’un monstre, et quand certains aspects du testament sont révélés, les trois sont fixés sur un point indéniable : le mort n’en a pas tout à fait fini avec les vivants.

    Voilà une excellente idée de la part de François Guérif que de vouloir remettre sous les projecteurs quelques-uns de ces « iconiques » – ces ouvrages qu’il a publiés et qui l’ont marqué. Ce roman de Pascal Dessaint date de 1996 et c’est avec un plaisir intact qu’on le lit près de trois décennies plus tard. Plutôt court, ce livre est un bijou de noirceur. De façon chorale, chacun des protagonistes nous permet de comprendre les liens qui l’unissaient à Daniel Lestrade, un personnage sacrément ambivalent : castrateur, volontiers incestueux, capable de puissantes amours comme de haines tenaces, il était également un manipulateur de première, obsédé par sa dernière lubie qui consistait à vouloir tracer les grands malades par un biais informatique afin de dégager de belles sommes d’argent qui n’auraient plus à être versées à ces moribonds. Parallèlement, les autres individus de ce récit sont également torturés : Simon va tomber sous le charme d’Elvire, celle-ci nouant une curieuse connexion avec une mygale, et Julia va lentement se faire à l’idée que Daniel doit mourir. Des spécimens humains fracassés, porteurs d’autant de lézardes que de zones d’ombre, mutilés par un destin qui n’en a pas tout à fait fini avec les trajectoires heurtées de leurs petites vies. Avec un style très maîtrisé, Pascal Dessaint nous offre le tragique spectacle de ces mortels déjà consumés de tant de feux, balayés par des vents contraires et soumis à des farces sordides ourdies par le sort. Après un clin d’œil amical à Claude Mesplède dont le nom a à peine été modifié pour l’occasion afin d’incarner un policier, l’auteur livre son épilogue aux multiples rebondissements, mais qui ont comme dénominateur commun la noirceur – à faire passer la dynastie des Atrides pour une dynastie de clowns aux péripéties enjouées.

    Un roman d’une rare densité humaine, à la fois féroce et meurtri. C’est la lampe glissant à l’intérieur d’un puits et inondant de sa lumière les parois enténébrées pour mieux y deviner la vermine.

    13/01/2025 à 06:52 El Marco (3492 votes, 7.2/10 de moyenne) 6

  • 6/10 C'est assez bien mené, on ne s'ennuie pas. Mais il manque ce petit quelque chose qui fait que le livre restera dans la mémoire

    24/02/2015 à 12:46 Kafka65 (80 votes, 7.4/10 de moyenne)