Les Brûlures de la ville

(We Were Kings)

  1. Juin 1954. Boston croule sous la canicule. Un homme est retrouvé près des docks. Abattu d’une balle dans la tête, le corps recouvert de goudron et de plumes. L’inspecteur en charge de l’enquête, Owen, guettait l’arrivée d’un bateau, le Midir, censé contenir des armes. Parce qu’il est son cousin, Owen demande de l’aide à Cal O’Brien, ancien policier recyclé dans la surveillance, et à son ami Dante Cooper. Une investigation éprouvante les attend tous les trois, avec du sang et des larmes, et au bout de laquelle s’impatiente l’ombre terrible de l’IRA.

    Après l’excellent Les Morsures du froid, on ne pouvait qu’attendre de pied ferme Thomas O’Malley et Douglas Graham Purdy pour ce deuxième opus extrait de la saga consacrée à Boston. On retrouve immédiatement le style si puissant des deux auteurs, qui met en valeur avec une rare maestria la capitale du Massachussetts. On s’y balade avec une joie immense, avec deux remarquables guides pour mener la visite, entremêlant informations politiques, géographiques et historiques, mais également musicales. Dans le même temps, Cal et Dante continuent de survivre au gré d’existences unies par le malheur et la désespérance : Cal retrouvera une forme de respiration grâce à la boxe (certaines descriptions de matches sont remarquables) tandis que Dante ne cesse d’éconduire ses vieux démons de l’addiction, parfois au contact d’un simple piano. L’intrigue est également très prenante : partant de ce qui ressemble à un simple fait divers, l’affaire ne va cesser de rebondir, combinant trafic d’armes, manœuvres géopolitiques, vengeances et commerces interlopes. Difficile de ne pas en dire plus sans spoiler certains éléments, mais Thomas O’Malley et Douglas Graham Purdy ont bâti un scénario frappant et mémorable. C’est aussi l’occasion de créer et mettre en valeur des personnages sombres et inquiétants, saturés de forces contradictoires et malveillantes, comme le Pionnier ou Butler : une marquante brochette d’individus forts, aptes à marquer durablement l’esprit des lecteurs, comme sait si bien le faire John Connolly. Et puis il y cet épilogue. Non : ces épilogues. Une salve de scènes époustouflantes, qu’elles appellent un troisième tome de cette saga avec une puissante riposte émanant de l’Irlande, nous fassent assister à une exécution poignante dans l’Arizona, ou nous montrent à quel point la rédemption n’a rien d’acquis.

    Un roman noir de tout premier ordre, aussi saisissant que Les Morsures du froid, ce qui n’est pas peu dire.

    /5