De nos jours, dix femmes sont retenues prisonnières dans le désert australien. Trois geôliers pour veiller sur elles : Boncer, Teddy et Nancy. Aucune d’entre elles ne sait pourquoi on les a enlevées ni pour quelle raison elles sont ainsi captives du bush. Une seule certitude : un certain Hardings doit venir. Mais dans cette promiscuité poisseuse et délétère, il se peut que la folie vienne chambouler les pièces posées sur l’échiquier.
Ce premier ouvrage de Charlotte Wood frappe fort. Très fort. Dès les premières pages, et jusqu’à l’épilogue, le lecteur est tenu en haleine. Le degré d’empathie et de sympathie qu’il peut ressentir à l’égard de ces malheureuses victimes, têtes d’un bétail humain séquestré au milieu de nulle part, est exacerbé par le fait que nul ne connaît les raisons de ces enlèvements et claustrations, si bien que tout un chacun peut s’imaginer à la place de ces femmes. L’atmosphère y est bien évidemment lourde, anxiogène, pestilentielle. Ce huis clos s’accompagne nécessairement des tracas, qui deviennent rapidement de terribles tourments, comme le manque d’hygiène, la soif, les envies d’évasions. Et surtout la faim. Car, lorsque les denrées vont venir à manquer, il va bien falloir trouver un moyen de se sustenter. Yolanda apprendra à manier les pièges – quitte à s’en servir comme d’un fléau d’arme pour éloigner un importun, à attraper des lapins et les décortiquer pour qu’ils deviennent la nourriture ordinaire, d’où cette énigmatique image de couverture du roman. Verla sera la proie de songes étranges, souvent en rapport avec un mystérieux « cheval de lune » et se fera une spécialité de la cuisine de champignons. Hetty acceptera un commerce obscène, non sans monter au front accompagnée d’une poupée prénommée « Rançon » et créée de cheveux et de peaux d’animaux. Cet opus de Charlotte Wood est une véritable révélation, d’une rare intelligence, avec ses successions savoureuses et barbares de métaphores et de symboles quant à la féminité, l’espérance, l’humanité, la démence, l’animalité. Les mots de l’écrivaine sont également rêches, abrupts, désespérés, désespérants. Un banquet de mots et de maux, et autour de cette ample table, de pauvres proies, esclaves et pâtures, qui sauront nouer des liens interlopes et dérangeants avec leurs vigiles jusqu’à renverser les rôles. D’ailleurs, il y a tant et tant à dire à propos de cet ouvrage, noir comme une ébène brute, depuis sa construction compacte qui se refuse à toute tentative de séduction du lectorat jusqu’au multiples niveaux de lectures, en passant par cette fin, provocante. Encensé par Paula Hawkins et Megan Abbott, il y a comme ça, entre l’enchantement et le maléfice, des livres qui se soustraient d’eux-mêmes à toute tentative objective d’exégèse. Parce qu’ils parlent plus à l’âme et aux tripes qu’à l’intellect, au-delà des normes préétablies, des éventuelles attentes et autres antécédents littéraires. Un festin de noirceur qui est certes clivant mais profondément marquant. Lisez-le, vous comprendrez pourquoi.
De nos jours, dix femmes sont retenues prisonnières dans le désert australien. Trois geôliers pour veiller sur elles : Boncer, Teddy et Nancy. Aucune d’entre elles ne sait pourquoi on les a enlevées ni pour quelle raison elles sont ainsi captives du bush. Une seule certitude : un certain Hardings doit venir. Mais dans cette promiscuité poisseuse et délétère, il se peut que la folie vienne chambouler les pièces posées sur l’échiquier.
Ce premier ouvrage de Charlotte Wood frappe fort. Très fort. Dès les premières pages, et jusqu’à l’épilogue, le lecteur est tenu en haleine. Le degré d’empathie et de sympathie qu’il peut ressentir à l’égard de ces malheureuses victimes, têtes d’un bétail humain séquestré au milieu de nulle part, est exacerbé par le fait que nul ne connaît les raisons de ces enlèvements et claustrations, si bien que tout un chacun peut s’imaginer à la place de ces femmes. L’atmosphère y est bien évidemment lourde, anxiogène, pestilentielle. Ce huis clos s’accompagne nécessairement des tracas, qui deviennent rapidement de terribles tourments, comme le manque d’hygiène, la soif, les envies d’évasions. Et surtout la faim. Car, lorsque les denrées vont venir à manquer, il va bien falloir trouver un moyen de se sustenter. Yolanda apprendra à manier les pièges – quitte à s’en servir comme d’un fléau d’arme pour éloigner un importun, à attraper des lapins et les décortiquer pour qu’ils deviennent la nourriture ordinaire, d’où cette énigmatique image de couverture du roman. Verla sera la proie de songes étranges, souvent en rapport avec un mystérieux « cheval de lune » et se fera une spécialité de la cuisine de champignons. Hetty acceptera un commerce obscène, non sans monter au front accompagnée d’une poupée prénommée « Rançon » et créée de cheveux et de peaux d’animaux. Cet opus de Charlotte Wood est une véritable révélation, d’une rare intelligence, avec ses successions savoureuses et barbares de métaphores et de symboles quant à la féminité, l’espérance, l’humanité, la démence, l’animalité. Les mots de l’écrivaine sont également rêches, abrupts, désespérés, désespérants. Un banquet de mots et de maux, et autour de cette ample table, de pauvres proies, esclaves et pâtures, qui sauront nouer des liens interlopes et dérangeants avec leurs vigiles jusqu’à renverser les rôles. D’ailleurs, il y a tant et tant à dire à propos de cet ouvrage, noir comme une ébène brute, depuis sa construction compacte qui se refuse à toute tentative de séduction du lectorat jusqu’au multiples niveaux de lectures, en passant par cette fin, provocante. Encensé par Paula Hawkins et Megan Abbott, il y a comme ça, entre l’enchantement et le maléfice, des livres qui se soustraient d’eux-mêmes à toute tentative objective d’exégèse. Parce qu’ils parlent plus à l’âme et aux tripes qu’à l’intellect, au-delà des normes préétablies, des éventuelles attentes et autres antécédents littéraires. Un festin de noirceur qui est certes clivant mais profondément marquant. Lisez-le, vous comprendrez pourquoi.