Il était un petit navire

  1. Piège en haute mer

    A bord du ferry La Manche, Pierre Mangin quitte la France et s’apprête à rejoindre l’Angleterre. L’homme transite sous une fausse identité : il s’appelle en réalité Raad Thaer. C’est un réfugié irakien chrétien et il compte bien rejoindre le Royaume-Uni pour mettre le plus de distance possible avec son pays natal, les horreurs vécues là-bas, la guerre menée par les Occidentaux et l’oppression des fidèles catholiques. Mais sur le bateau, il tombe sur plusieurs vieilles connaissances, de sinistres personnages d’obédience islamiste, et il se doute que ces types ont de sales intentions.

    Jack Narval a déjà signé plusieurs romans chez Pavillon noir et on a particulièrement apprécié de sa part La mort était servie à l’heure. Il nous est revenu en 2021 avec ce livre dont le pitch rappelle d’entrée de jeu ces films des années 80 et 90 – Piège de cristal ou Piège en haute mer pour ne citer qu’eux – où un homme se trouvait aux prises avec des terroristes en un lieu fermé. Cependant, l’auteur nous épargne ici un énième thriller de ce type où le héros, invincible et irréprochable, tatane du méchant et en tartine les murs tout en lâchant des punchlines mémorables. Pierre est un individu lambda, meurtri par les atrocités multiples – de l’invasion de sa patrie par les Américains aux persécutions des fidèles chrétiens en passant par le poison islamiste, et il n’a qu’un projet : gagner les rives anglaises et tourner définitivement la page. Mais les cinglés qu’il va malheureusement croiser sur ce ferry vont vite doucher ses nouveaux espoirs. Est-il indestructible ? Non. Il a peur, doute, subit plusieurs passages à tabac, et ses capacités au combat se révèlent avec un sbire tué presque accidentellement… avec une brosse à récurer les toilettes. Le style de Jack Narval est impeccable, sobre et efficace, ménageant de beaux moments de tension sur ce navire jusqu’à ce que le chaos finisse par réellement s’installer. Tâchant d’empêcher le pire, pour lui comme pour les autres passagers et surtout pour Petra, une jeune femme pleine de ressources dont il s’est épris, Pierre déploiera des trésors de courage et d’abnégation pour contrer les plans diaboliques de ces monstres fanatisés. On regrette d’autant le final, beaucoup trop abrupt et hollywoodien, venant presque à contre-courant de tout ce qu’avait instauré et mené l’auteur jusqu’à ce moment-là.

    Un bon roman à suspense, distillant les sensations fortes autant que les sueurs froides espérées, et formulant dans le même temps de justes réflexions quant à l’altruisme, au fondamentalisme religieux, au sort des immigrés ou encore celui des chrétiens d’Orient.

    /5