Connexions dangereuses

  1. Mourir d’aimer

    Pour tromper l’ennui qui la guette, une élève de troisième, Virginie, propose à l’un de ses amis, Bastien, un jeu assez pervers : qu’il sorte avec Delphine, une nouvelle venue au collège, qui a des allures de nonne. Le début d’une correspondance par courriels, et l’issue de ce prétendu divertissement pourrait se montrer fatale.

    Connue de nombre de jeunes lecteurs, Sarah Cohen-Scali livre ici une relecture remarquable d’un classique de la littérature du dix-huitième siècle, à savoir Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos. Transposée dans un vingt-et-unième siècle dans lequel les mails ont remplacé les courriers papier, l’intrigue n’a absolument rien perdu de sa tragique modernité. Elle met donc en scène plusieurs adolescents, tous collégiens, dont les interactions vont avoir des conséquences désastreuses. Virginie, presque petite amie de Bastien, dont l’oisiveté la pousse à proposer ce défi immoral. Bastien, photographe amateur mais talentueux, d’abord enclin à accepter avant de se prendre au jeu de l’amour. Delphine, fraîchement arrivée d’Afrique du Sud, et dont l’aspect rigoriste dissimule un corps à se damner. Audrey, gamine au physique plus qu’ingrat, passionnée d’équitation, ravagée par des attouchements incestueux, et qui va lentement se transformer pour réapprendre à plaire. Il y a également Francis, un bas du front éperdument épris de Delphine, proche de l’extrême droite. Ce sont là les principaux protagonistes de cette sombre histoire, qui seront tous malmenés voire broyés par les enchaînements d’événements. Sarah Cohen-Scali se glisse à merveille dans les âmes et cerveaux de tous ces jeunes, depuis la manipulatrice jusqu’au comparse, de la pauvre môme au bord de la déchirure mentale à la triste chenille ayant oublié le magnifique papillon qui sommeillait en elle. Et ce qui est surprenant dans ce roman, c’est également sa forme : uniquement des mails, de la bonne vieille correspondance papier ou des extraits de journaux intimes. En cent quatre-vingts pages, l’écrivaine nous fait vivre toutes les émotions ressenties par ses personnages, que ces derniers se montrent cruels, complices de lâcheté, sur le chemin de la rédemption psychique ou désarçonnés par des amours imprévues.

    Une excellente transposition d’un ouvrage majeur, à l’intrigue toujours aussi efficace et crédible. Un tour de force de la part de Sarah Cohen-Scali.

    /5