La Loge noire

  1. A la poursuite de la Kabbalah Denudata

    Le rapporteur des questions navales au parlement anglais meurt après la rencontre avec ses frères francs-maçons. Le mage Aleister Crowley charge dans le même temps le jeune courtier Mark Bowen de retrouver un exemplaire rarissime de la Kabbalah Denudata, un ouvrage de magie noire. Un tueur en série, que la presse surnomme avec fort peu d’esprit « L’Egorgeur », vient de perpétrer son troisième assassinat dans les rues londoniennes. Nous en sommes en mai 1914, et les nuages ne font alors que commencer à s’amonceler au-dessus du royaume britannique…

    Ce livre de Jean-Pierre Croquet séduit dès les premières pages, en raison d’un rythme particulièrement soutenu. Un autre indice démontre la vélocité de la plume de l’auteur : environ trois cents pages découpées en quatre-vingt-dix chapitres. Tout y est rapide, les événements s’enchaînent à toute vitesse, et l’on ne peut qu’avaler avec gourmandise ce récit. Les personnages sont particulièrement nombreux, et les interactions entre eux se multiplient : des enjeux nationalistes, d’autres bellicistes, des courses au pouvoir politique, des espions et contre-espions, de la sorcellerie, des tueurs à gages, et même du vaudou. Autant dire que les thèmes ne manquent guère. La cadence ne faiblit jamais, et c’est presque avec un certain vertige que certaines parties s’achèvent en raison de la diversité des protagonistes mis en scène, des interférences entre eux et les univers interlopes auxquels ils appartiennent, et des événements qui en découlent. D’ailleurs, il faut louer le choix scénaristique de Jean-Pierre Croquet qui nous évite un de ces énièmes effets téléphonés et très hollywoodiens, puisque son roman effréné s’achève en plusieurs temps, dont aucun n’est véritablement devinable. Cependant, et c’est presque la rançon de cette fébrilité dans l’écriture, certains personnages manquent de chair et d’âme, au point que les retournements de situation qu’ils opèrent nous laissent parfois froid, dans la mesure où l’on n’a jamais eu l’impression de pénétrer véritablement leur psychologie. Il est d’ailleurs à noter que certains d’entre eux, réels, comme Aleister Crowley, Winston Churchill ou Arthur Conan Doyle méritaient vraisemblablement une part plus importante dans l’histoire. De même, quelques passages auraient pu être plus sombres ou détaillés, afin de restituer la tension qu’attendaient probablement des lecteurs.

    Un récit échevelé, sans le moindre temps mort, propre à divertir.

    /5