Les 400 Coups du Kronprinz

  1. Paniers de crabes

    En 1907, au Crotoy, une femme découvre la tête tranchée de son cuisinier d’époux déposée dans une glacière et préparée comme un mets. Ce sont deux autres restaurateurs qui subissent le même sort. Pour des raisons politiques, Georges Clemenceau s’inquiète de cette vague de crimes et envoie sur place le commissaire Jean-Baptiste Lemercier afin de tirer cette affaire au clair. Dans le même temps, le Kronprinz, fils de Guillaume II d’Allemagne, entend venir profiter de la côte picarde, de ses paysages de chasse et de ses jolies dames. Mais il se pourrait qu’un complot s’y trame contre lui.

    Après Le Trésor de la Baie de Somme, voici le deuxième ouvrage de Jacques Thelen. C’est un véritable plaisir que de se promener en sa compagnie durant la Belle Epoque dans la contrée picarde. Les personnages y sont attachants, notamment Lemecier et Fiory, les deux principaux enquêteurs. Là où le roman de Jacques Thelen séduit également, c’est parce qu’il met en scène des personnages ayant réellement existé, et qu’ils prennent une part importante dans le récit : Guillaume de Prusse, Guillaume II d’Allemagne, Georges Clemenceau, mais également Anatole Deibler, authentique « Exécuteur en chef des arrêts criminels », autrement dit bourreau. A ses côtés, on en apprend beaucoup sur le fonctionnement de l’échafaud, avec à la fois beaucoup de technicité sans verser dans les détails de mauvais aloi. L’intrigue est en soi réussie et très agréable à lire, même si l’on regrette peut-être que les motifs expliquant la route sanguinaire du tueur soient un peu simplistes ou expédiés à la va-vite. C’est en fait la concision du roman tout entier qui déçoit un peu : on aurait tant aimé que Jacques Thelen creuse davantage les personnages et qu’Anatole Deibler soit plus présent encore dans l’enquête, tant ils constituaient d’indéniables promesses de bonheur littéraire. Mais il est impossible de bouder son plaisir devant ce livre : c’est court, instruit, original, et très divertissant. Un opus alléchant après lequel vous ne regarderez probablement plus jamais un crabe de la même manière. Il est à noter qu’il s’agit aussi du quatrième ouvrage de la collection Belle Epoque, et qu’une telle lecture ne peut que donner envie de poursuivre le voyage temporel.

    /5