Vintage

  1. Me And The Devil Blues

    Thomas Dupré n’a rien d’un aventurier. Vingt-cinq ans, il a actuellement un emploi dans un magasin de guitares à Paris, et il écrit des piges obscures pour des revues musicales. Quand le propriétaire du commerce lui demande de se rendre en Ecosse pour apporter à un fortuné châtelain une guitare, ce n’est que le début d’une sacrée série de péripéties, à la recherche d’un instrument mythique : la Gibson Moderne.

    Grégoire Hervier signe ici un ouvrage on ne peut guère plus rock ‘n’ roll. Tonitruant, mené tambour battant, c’est une excellente partition qu’il compose et suit, avec une réelle fougue. Indéniablement fan de rock et de blues, l’auteur ponctue cette quête de riches informations sur nombre de guitaristes éminents et adulés : Jeff Beck, Jimmy Page, Eric Clapton, Muddy Waters, Billy Gibbons, et Robert Johnson pour ne citer qu’eux. Thomas Dupré, intrépide et attachant personnage, va alors se mettre à la recherche d’un instrument qui n’a peut-être jamais existé, et dont la simple évocation suffit à retourner les sangs des aficionados de musique. Une six-cordes exclusive, millésimée, à la sonorité exceptionnelle, et pour laquelle on est tenté, au choix, de débourser des sommes astronomiques pour l’acquérir, ou tuer. La France, l’Ecosse, Sydney, Memphis, Clarksdale, Chicago, New York, la Louisiane : un incroyable périple, fécond en rencontres où alternent accords majeurs (personnages hauts en couleur et croustillants) et mineurs (découvertes souvent sombres à propos d’un joueur appelé "Li Grand Zombi"). Le ton de Grégoire Hervier est primesautier, efficace, usant de toute son énergie pour des dialogues au cordeau, une remontée vers le passé fertile en renseignements, et la traque d’une guitare si mythique qu’elle se substitue sans mal aux trésors des romans d’aventure et autres repaires de tueurs en série. Bien évidemment, ce livre s’adresse en priorité aux fans de musique – et plus précisément de blues et de rock ‘n’ roll, mais son enthousiasme est si communicatif que l’on prend un indéniable plaisir à suivre la chasse de Thomas pour cet objet de convoitise, qui se situe quelque part entre le domaine de l’art et celui de la religiosité.

    Un immense moment de ferveur littéraire et musicale, sacrément original, culotté et jubilatoire, loin d’être anecdotique et superficiel, et dont le titre alternatif aurait pu être From The Cradle To The Grave, à tous les sens du terme.

    /5