Rex Heller a été un comédien adulé dans la série Cheval rouge. Il y interprétait un cow-boy revenu d’entre les morts, doté de pouvoirs surnaturels, et montant un destrier également doué de facultés incroyables. Mais le temps a tourné : désormais paraplégique, richissime, il a monté dans le Texas un parc d’attraction, « Rodeoman City », où les visiteurs peuvent s’immerger dans l’Ouest sauvage des westerns d’antan. Un lieu où les règles sont strictes, et où nul ne peut désormais vivre, comme n’importe quel Américain, dans le vingt-et-unième siècle. Un endroit où Heller règne en dictateur, quoi que ses nombreux employés bénéficient d’une large prise en charge financière et humaine. Mais Heller a déjà l’esprit ailleurs : il a très envie de faire de Mia, sa fille, l’héritière de son parc. Au risque de déclencher une tempête de colères et de plomb.
Quelqu’un ignorerait-il encore qui est Serge Brussolo ? L’auteur si prolifique, ayant arpenté tant de territoires littéraires, et qui parvient, à soixante-six ans, à donner encore d’amples leçons aux jeunes écrivains et des surprises à son lectorat ? Non. Alors ne perdons pas de temps et venons-en à cet ouvrage. Un roman extraordinaire, comme tant d’autres de l’auteur, et qui, intéressant paradoxe, nous emmène sur les chemins habituellement pratiqués par son génial créateur tout en surprenant. On reconnaît immédiatement cette patte narrative, et ce goût prononcé pour les scènes si visuelles et marquantes. Le premier chapitre, où Heller procède à des explosions de taureaux lancés à vive allure sur son trône roulant, détruisant ces monstres de force au risque de perdre la vie, est un régal de démesure et d’inventivité. Et le reste de l’opus est du même acabit. Il bouillonne d’idées extravagantes, de saynètes démentes, et de personnages croustillants. Rex Heller, bien sûr, en ancien roi du petit écran, devenu handicapé. Mais aussi Mia – ressemblant beaucoup, physiquement et psychologiquement – aux autres héroïnes de Serge Brussolo, ayant vécu sans connaître son géniteur, et aux prises dans sa jeunesse avec une tante dévote jusqu’à la folie. La mère de Mia, Zelda Marlowe, vedette de cinéma dévorée par les excès. Jonah, le compagnon de Mia, également star éphémère. Et tous ces anciens acteurs qui peuplent Rodeoman City, victimes d’un succès trop fugace et les a laissés effondrés après que les projecteurs se sont éteints, tels de modernes Icare ayant trop approché la gloire, au point de s’en brûler les ailes. Au passage, une peinture au vitriol du milieu cinématographique, à la fois fine et lucide du milieu cinématographique. Et il y a ce lieu, le parc d’attraction, que l’on se plaît à parcourir, imaginé et décrit avec maestria par Serge Brussolo, et qui fourmille de références au monde du far west et de la culture américaine, comme autant de clins d’œil. Une jubilation totale. Dans un précédent roman, Tambours de guerre, l’écrivain s’essoufflait un peu sur la fin du récit, avec une histoire qui s’effilochait, même si ce livre n’en demeurait pas moins remarquable. Ici aussi, le dernier tiers part dans une direction imprévue… et nous ravit. Ah, ce Don Mercurio… Impossible d’en dire plus sans rien dévoiler, mais ce passeur, chirurgien esthétique, complète habilement l’histoire en la majorant d’un épisode inattendu.
Parfois, on rêve d’amnésie. Oublier tout ce que Serge Brussolo a pu écrire, pour la pure jouissance de pouvoir tout relire avec des yeux renouvelés. Mais, à la réflexion, cette idée serait fort inutile : dans le cas de ce Cheval rouge comme de tant d’autres productions du grand homme, elle nous priverait d’une chevauchée toute personnelle avec les protagonistes, intrigues et décors qu’il aura plantés pour nous. Car, même une fois le roman achevé et les lumières éteintes, il reste encore en nous des images et des émotions presque indélébiles, délivrées par des maniaques, des psychopathes, des tueurs en série, des extraterrestres, mais également des cow-boys inoubliables.
Rex Heller a été un comédien adulé dans la série Cheval rouge. Il y interprétait un cow-boy revenu d’entre les morts, doté de pouvoirs surnaturels, et montant un destrier également doué de facultés incroyables. Mais le temps a tourné : désormais paraplégique, richissime, il a monté dans le Texas un parc d’attraction, « Rodeoman City », où les visiteurs peuvent s’immerger dans l’Ouest sauvage des westerns d’antan. Un lieu où les règles sont strictes, et où nul ne peut désormais vivre, comme n’importe quel Américain, dans le vingt-et-unième siècle. Un endroit où Heller règne en dictateur, quoi que ses nombreux employés bénéficient d’une large prise en charge financière et humaine. Mais Heller a déjà l’esprit ailleurs : il a très envie de faire de Mia, sa fille, l’héritière de son parc. Au risque de déclencher une tempête de colères et de plomb.
Quelqu’un ignorerait-il encore qui est Serge Brussolo ? L’auteur si prolifique, ayant arpenté tant de territoires littéraires, et qui parvient, à soixante-six ans, à donner encore d’amples leçons aux jeunes écrivains et des surprises à son lectorat ? Non. Alors ne perdons pas de temps et venons-en à cet ouvrage. Un roman extraordinaire, comme tant d’autres de l’auteur, et qui, intéressant paradoxe, nous emmène sur les chemins habituellement pratiqués par son génial créateur tout en surprenant. On reconnaît immédiatement cette patte narrative, et ce goût prononcé pour les scènes si visuelles et marquantes. Le premier chapitre, où Heller procède à des explosions de taureaux lancés à vive allure sur son trône roulant, détruisant ces monstres de force au risque de perdre la vie, est un régal de démesure et d’inventivité. Et le reste de l’opus est du même acabit. Il bouillonne d’idées extravagantes, de saynètes démentes, et de personnages croustillants. Rex Heller, bien sûr, en ancien roi du petit écran, devenu handicapé. Mais aussi Mia – ressemblant beaucoup, physiquement et psychologiquement – aux autres héroïnes de Serge Brussolo, ayant vécu sans connaître son géniteur, et aux prises dans sa jeunesse avec une tante dévote jusqu’à la folie. La mère de Mia, Zelda Marlowe, vedette de cinéma dévorée par les excès. Jonah, le compagnon de Mia, également star éphémère. Et tous ces anciens acteurs qui peuplent Rodeoman City, victimes d’un succès trop fugace et les a laissés effondrés après que les projecteurs se sont éteints, tels de modernes Icare ayant trop approché la gloire, au point de s’en brûler les ailes. Au passage, une peinture au vitriol du milieu cinématographique, à la fois fine et lucide du milieu cinématographique. Et il y a ce lieu, le parc d’attraction, que l’on se plaît à parcourir, imaginé et décrit avec maestria par Serge Brussolo, et qui fourmille de références au monde du far west et de la culture américaine, comme autant de clins d’œil. Une jubilation totale. Dans un précédent roman, Tambours de guerre, l’écrivain s’essoufflait un peu sur la fin du récit, avec une histoire qui s’effilochait, même si ce livre n’en demeurait pas moins remarquable. Ici aussi, le dernier tiers part dans une direction imprévue… et nous ravit. Ah, ce Don Mercurio… Impossible d’en dire plus sans rien dévoiler, mais ce passeur, chirurgien esthétique, complète habilement l’histoire en la majorant d’un épisode inattendu.
Parfois, on rêve d’amnésie. Oublier tout ce que Serge Brussolo a pu écrire, pour la pure jouissance de pouvoir tout relire avec des yeux renouvelés. Mais, à la réflexion, cette idée serait fort inutile : dans le cas de ce Cheval rouge comme de tant d’autres productions du grand homme, elle nous priverait d’une chevauchée toute personnelle avec les protagonistes, intrigues et décors qu’il aura plantés pour nous. Car, même une fois le roman achevé et les lumières éteintes, il reste encore en nous des images et des émotions presque indélébiles, délivrées par des maniaques, des psychopathes, des tueurs en série, des extraterrestres, mais également des cow-boys inoubliables.