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9/10 Dans un futur assez éloigné, Jack Randall, ancien policier dont la famille a été massacrée par le criminel Vinaldi, s’est recyclé dans la protection d’une ferme d’alters. On appelle ainsi des clones qui vivent isolés, parqués comme du bétail, en attendant que leur double, celui disposant d’une réelle existence, ait besoin de tout ou partie de leur corps de dépannage. Mais après s’être occupé de ces alters, Randall ne supporte plus que l’on se serve d’eux, et s’enfuit avec eux. C’est pour l’ex-flic le début d’une descente aux enfers, ponctuée notamment par un retour dans La Brèche, cet univers parallèle que gouverne la peur.
Ce thriller fantastique de Michael Marshall Smith date de 1996, et pourtant, à sa (re)lecture, le temps passé depuis sa création n’a pas amoindri ses qualités ou son impact. Le genre de l’anticipation est parfois rendu impénétrable par un langage, une vision du monde ou des codes littéraires qui le rendent inintelligible pour nombre de lecteurs ; ici, indéniablement, ce n’est pas le cas. La plume de l’auteur est particulièrement alerte, conjuguant des moments très sombres à des répliques humoristiques particulièrement savoureuses et que l’on imaginerait sans peine dites par des acteurs de blockbusters hollywoodiens. Les scènes d’action sont également nombreuses, très bien écrites, et c’est avec un plaisir soutenu que l’on suit le périple de Jack Randall dans cet avenir empreint de nouvelles technologies.
D’ailleurs, au-delà du décor et de l’ambiance futuristes, saisissants d’efficacité et, pourrait-on dire, de réalisme, c’est aussi la personnalité de cet ancien policier qui retient l’attention. Marqué à jamais par les combats dans La Brèche, drogué au point d’être devenu un véritable zombi, meurtri par le massacre des siens, c’est au contact des alters, ces petits êtres sans existence officielle et réduits au rang de pièces humaines de rechange qu’il va reconquérir sa part d’humanité. Michael Marshall Smith excelle dans l’art des portraits, par petites touches et flash-backs successifs, jusqu’à peindre des âmes denses et d’une rare profondeur. D’autres auteurs auraient pu se contenter d’esquisser des protagonistes effacés, édulcorés, insipides, au gré d’une intrigue qui n’aurait été que le prétexte à des scènes d’action échevelées. Michael Marshall Smith prend le contrepied de ces facilités, en imaginant un paysage futuriste détonnant, une histoire singulière, et des personnages complexes.
Ce Frères de chair se situe à la confluence de l’univers inventif de Philip K. Dick, du cinéma spectaculaire couché sur papier et de l’intelligence quant à l’emploi des sciences. Pour se divertir, s’émouvoir ou réfléchir, il s’agit d’un opus de très grande qualité.04/07/2012 à 18:53 El Marco (3455 votes, 7.2/10 de moyenne)