Le Sergent Bucaille

Si j’avais pu prévoir que les batailles allaient, pendant trois années, se succéder presque sans interruption, j’eusse été moins confiant et peut-être aurais-je fait comme certains jeunes gens qui, pour éviter la conscription, s’étaient réfugiés dans les îles. J’aurais emmené mes parents avec
moi, et nous aurions vécu soit à Aurigny, soit à Guernesey, jusqu’à la fin des hostilités. Mais tout le monde était persuadé que lorsque l’Empereur aurait réduit l’Angleterre, ce qui ne pouvait tarder, la paix régnerait de nouveau sur le monde. Ce ne fut point sans regret que je quittai mes parents pour suivre un sergent recruteur, sorte de soudard toujours ivre, aux façons grossières et brutales, qui arborait avec orgueil un uniforme tout rapiécé, rempli de taches, un bicorne cabossé et des bottes éculées. Malgré l’état sordide de ses vêtements, il ne manquait cependant pas d’allure avec son grand nez busqué, ses sourcils broussailleux et sa longue moustache jaune toujours humide de vin. Il s’appelait Rossignol et était originaire de l’Anjou. Il avait combattu à Savenay, à Quiberon, pendant la guerre de Vendée, avait fait Jemmapes, Fleurus, Woerth et Coblentz… puis, après le 18 Brumaire, Marengo, Hohenlinden, Ulm, Austerlitz, Eylau. Blessé quatre fois, il eût pu prendre une retraite bien gagnée, mais, soldat de carrière, n’ayant pas de métier, il avait refusé de redevenir un « affreux péquin » comme il disait et s’était fait recruteur...

Non polar

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Soumis le 29/08/2015 par El Marco

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