Le Projet K

(The Kraken Project)

  1. Quand Dorothy passe de l’autre côté du miroir

    Dorothy est une intelligence artificielle mise au point par l’ingénieure Melissa Shepherd. Ce programme informatique doit permettre le pilotage d’une sonde devant aller sur Titan, l’une des lunes de Saturne. Mais au cours d’un simple exercice, Dorothy se sent en danger, réalise une opération de protection qui détruit le bâtiment et entraîne la mort de sept personnes, avant de s’enfuir sur Internet. Missionné par le Président des Etats-Unis, l’agent Wyman Ford doit retrouver Melissa ainsi que sa créature avant que le pire ne se déroule.

    Ce quatrième opus de la série consacrée à Wyman Ford séduit d’entrée de jeu. Le scénario est intelligent : un programme informatique, se mettant à ressentir et penser comme un être humain, décide de se rebeller. Dorothy passera d’ailleurs par de nombreuses phases, depuis la colère (un grand moment de suspense quand elle s’adresse à sa créatrice via Skype dans la chambre d’hôpital) jusqu’à la découverte nauséabonde du monde tel qu’il apparaît sur la Toile, en passant par l’amitié. Douglas Preston maîtrise indéniablement son œuvre : tout y est adroitement réfléchi et bâti, sans même parler de l’écriture, simple et efficace, presque addictive, au point que les cinq cents pages de la version poche défilent avec vélocité. C’est un roman très hollywoodien par certains côtés, visuel et inventif, parfait pour une adaptation sur grand écran, avec son lot de scènes d’action et autres moments fort mémorables. Mais c’est également un livre qui met un peu Wyman Ford en retrait, laissant d’autres personnages prendre une place prépondérante. Parmi eux, Moro et Lansing, deux traders prêts à tout pour récupérer Dorothy après avoir tant perdu en bourse, des frères kirghizes qui tiennent avant tout des animaux meurtriers, mais surtout Jacob Gould, un adolescent de quatorze ans, handicapé par un accident de voiture et que le hasard des inventions infructueuses de son père va conduire à rencontrer Dorothy au gré d’une magnifique histoire d’affection. Les lecteurs les plus sévères pourront reprocher à Douglas Preston certains passages trop invraisemblables, comme le fait que Wyman ne mette que cinq pages à retrouver Melissa, pourtant traquée, ou d’autres trop téléphonés, à l’instar de l’épilogue qui se laisse deviner bien trop tôt, sans compter qu’il est un peu trop naïf. Mais l’essentiel demeure : le roman est absolument remarquable de réussite et d’efficacité, multipliant les clins d’œil à d’illustres prédécesseurs comme 2001, l’Odyssée de l’espace ou E.T., avec une belle dose d’érudition – jamais assommante – sur les nouvelles technologies, en plus d’égrener de belles réflexions quant à la création et le progrès, à la puissance des machines, mais aussi leur capacité à s’humaniser. A cet égard, on ne peut que se réjouir quand Douglas Preston fait référence à Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, et peut-être aussi au Robot qui rêvait d’Isaac Asimov. Un livre qui sait divertir tout en instruisant, et s’achevant sur une bien belle note d’espoir et de confiance en notre avenir.

    /5