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9/10 Basé sur des faits réels, le livre raconte l'histoire des sœurs Valenzuela qui a défrayé la chronique en 1964 au Mexique, connue sous le nom de "Las Poquianchis". Quatre sœurs maquerelles exploitaient des jeunes filles séquestrées dans des bordels à 200km de Mexico. L'histoire criminelle est tellement exceptionnelle que Dominique Fisher, traducteur et préfacier la présente comme canonique des tueurs en série au Mexique. Las Poquianchis sont à ce pays ce que Landru est à la France, Jack l'éventreur à l'Angleterre ou Al Capone aux Etats-Unis. L'auteur raconte les faits de façon romanesque et détachée, à grand renfort d'humour noir, dans une ambiance semblable à celle de L'Auberge rouge de Claude Autant-Lara, Fernandel en moins. Jorge Ibargüengoitia est un écrivain reconnu et son style littéraire rend la lecture très agréable. On frémit souvent face aux traitements que subissent les prostituées contraintes malgré le ton très neutre volontairement adopté par l'auteur. Au delà des nombreuses exactions commises par les sœurs, le livre dénonce toutes les complicités et corruptions de militaires, notables, avocats, policiers, élus, fonctionnaires ... qui ont permis à cette tragédie de se dérouler sur 20 ans dans un État (Guanajuato) aux portes de Mexico. Souvent enlevées à des familles pauvres, revendues pour quelques milliers de pesos illustrant bien l'adage mexicain "la vida no vale nada", nourries avec quelques tortillas et haricots quotidiens, le sort des filles étaient abominable. Mais plutôt que de se complaire dans des descriptions sordides, l'auteur a choisi de privilégier l'étude de l'atmosphère générale du pays qui a permis que ces faits se déroulent sur une période aussi longue avant que la justice ne s'en mêle. Si le livre n'aborde "que" le cas d'une dizaine d'assassinats, les sœurs Valenzuela ont été condamnées pour la mort de 91 personnes, et on estime à 150 le nombre total de victimes. Pour l'auteur, là est le véritable scandale, la véritable honte pour le pays : le niveau de corruption qui gangrène déjà la haute société, l'absence de considération pour les femmes de ces clients appréciant la jeunesse de filles parfois de moins de 15 ans, l'exploitation de la pauvreté, la traite d'êtres humains et l'absence de réaction de la police de la justice et de la société avant que l'affaire n'éclate. A la lecture de ce livre écrit en 1977 sur des faits jugés en 1964 donne un début d’explication à la montée de la violence et aux pouvoirs pris par le crime organisé dans le Mexique contemporain.
13/01/2022 à 10:22 Surcouf (411 votes, 7.3/10 de moyenne) 3