Rémi Martingon est journaliste et également « nègre », à savoir « écrivain de l’ombre ». Son éditeur lui a confié la tâche de rédiger la prétendue autobiographie de René Courtois, un gendarme. Ce dernier s’est illustré en reprenant, presque à titre personnel, l’enquête quant à l’affaire de la disparition de la petite Irène Fraq, et que l’on n’a jamais retrouvée. Mais une nouvelle brutale vient chambouler les plans de Martingon : Courtois vient de se suicider. Et si l’auteur, pour achever le livre déjà bien entamé, menait sa propre investigation ?
Jérémy Bouquin, à la bibliographie déjà imposante et dont on avait particulièrement apprécié son Règlements de contes, nous est revenu en 2016 avec ce roman noir. Dès les premiers chapitres, les premiers paragraphes, les premières phrases, l’auteur nous bouscule avec son style si particulier et sa cadence de narration : des phrases courtes qui claquent, souvent verbales, des dialogues justes, et un entrelacs de propos où chaque mot est soigné, juste, évident. Tout au cours du récit, pas le moindre temps mort ni fusillade : il s’agit d’une histoire particulièrement crédible, foncièrement (in)humaine, où les comportements de tous les protagonistes sont éclatants. Rémi Martingon est fort sympathique en journaliste usé qui tente de joindre les deux bouts, divorcé et père de Max, un adolescent parfois difficile. Les autres personnages, de Jules, l’autre reporter, à Claude Girard, collègue du gendarme, en passant par Odette, l’aimable vieille dame qui loge Martingon, et la famille de la disparue, sont ciselés avec une belle sobriété, ce qui n’empêche nullement l’habile mise en lumière d’attitudes plausibles. Mais celui qui retient le plus l’attention, c’est le défunt. Était-il borné ? Antipathique ? Obnubilé par des mirages ? Ce qui se dit de lui dans le village de Vineuil, de la part des uns et des autres, et de ce qu’apprendra notre écrivain de l’ombre constituera autant de pièces d’un puzzle qui s’agencent avec adresse et intelligence. On est vite sidéré par la façon, si fluide, si naturelle, qu’a Jérémy Bouquin de nous mener d’un bout à l’autre de son opus, sans le moindre effet facile ni recherche du rebondissement à l’américaine. Pourtant, le lecteur est ferré, appâté par cette histoire qui intrigue et qui, même si l’auteur pourra éventuellement le démentir, rappellera furieusement de sinistres faits divers comme l’affaire Grégory Villemin, la traque d’Emile Louis menée par le gendarme Christian Jambert, ou encore l’histoire de Dieter Krombach. Et il y a la révélation : sombre, froide, brute, abrupte, si dérangeante que l’on se demande où s’arrête la fiction et où commence la réalité, à moins que ça ne soit l’inverse. Seul véritable défaut de cet ouvrage : le nombre absolument catastrophique de coquilles qui le polluent.
Un très bon roman noir, pétri de qualités littéraires et humaines. On ne remerciera jamais assez Jérémy Bouquin de nous avoir offert un tel bouquet de fleurs du mal en nous ayant épargné les épines du voyeurisme et du malsain.
Rémi Martingon est journaliste et également « nègre », à savoir « écrivain de l’ombre ». Son éditeur lui a confié la tâche de rédiger la prétendue autobiographie de René Courtois, un gendarme. Ce dernier s’est illustré en reprenant, presque à titre personnel, l’enquête quant à l’affaire de la disparition de la petite Irène Fraq, et que l’on n’a jamais retrouvée. Mais une nouvelle brutale vient chambouler les plans de Martingon : Courtois vient de se suicider. Et si l’auteur, pour achever le livre déjà bien entamé, menait sa propre investigation ?
Jérémy Bouquin, à la bibliographie déjà imposante et dont on avait particulièrement apprécié son Règlements de contes, nous est revenu en 2016 avec ce roman noir. Dès les premiers chapitres, les premiers paragraphes, les premières phrases, l’auteur nous bouscule avec son style si particulier et sa cadence de narration : des phrases courtes qui claquent, souvent verbales, des dialogues justes, et un entrelacs de propos où chaque mot est soigné, juste, évident. Tout au cours du récit, pas le moindre temps mort ni fusillade : il s’agit d’une histoire particulièrement crédible, foncièrement (in)humaine, où les comportements de tous les protagonistes sont éclatants. Rémi Martingon est fort sympathique en journaliste usé qui tente de joindre les deux bouts, divorcé et père de Max, un adolescent parfois difficile. Les autres personnages, de Jules, l’autre reporter, à Claude Girard, collègue du gendarme, en passant par Odette, l’aimable vieille dame qui loge Martingon, et la famille de la disparue, sont ciselés avec une belle sobriété, ce qui n’empêche nullement l’habile mise en lumière d’attitudes plausibles. Mais celui qui retient le plus l’attention, c’est le défunt. Était-il borné ? Antipathique ? Obnubilé par des mirages ? Ce qui se dit de lui dans le village de Vineuil, de la part des uns et des autres, et de ce qu’apprendra notre écrivain de l’ombre constituera autant de pièces d’un puzzle qui s’agencent avec adresse et intelligence. On est vite sidéré par la façon, si fluide, si naturelle, qu’a Jérémy Bouquin de nous mener d’un bout à l’autre de son opus, sans le moindre effet facile ni recherche du rebondissement à l’américaine. Pourtant, le lecteur est ferré, appâté par cette histoire qui intrigue et qui, même si l’auteur pourra éventuellement le démentir, rappellera furieusement de sinistres faits divers comme l’affaire Grégory Villemin, la traque d’Emile Louis menée par le gendarme Christian Jambert, ou encore l’histoire de Dieter Krombach. Et il y a la révélation : sombre, froide, brute, abrupte, si dérangeante que l’on se demande où s’arrête la fiction et où commence la réalité, à moins que ça ne soit l’inverse. Seul véritable défaut de cet ouvrage : le nombre absolument catastrophique de coquilles qui le polluent.
Un très bon roman noir, pétri de qualités littéraires et humaines. On ne remerciera jamais assez Jérémy Bouquin de nous avoir offert un tel bouquet de fleurs du mal en nous ayant épargné les épines du voyeurisme et du malsain.