Il était tout froid dans l'Est

  1. Moi, boche et méchant

    Le corps de Julien Gonvis est découvert dans une tranchée en Alsace par des promeneurs férus des vestiges laissés par la Première Guerre mondiale. Encore une occasion pour Gabriel Lecouvreur d’aller voir si, sous le fait divers, n’est pas lovée une histoire louche ? Pour le coup, il ne semble pas motivé. La seule raison qui le décide à se rendre sur place, c’est la possibilité d’acheter un capot de roue pour l’avion de ses rêves, un Polikarpov. Mais ce qu’il va découvrir là-bas valait amplement le déplacement.

    Il s’agit de la deux-cent-quatre-vingt-neuvième enquête du Poulpe et c’est ici Thierry Bourcy qui est à la manœuvre. On reconnaît immédiatement ce qui a fait – et continue de tisser – le succès de la série : ouvrage lapidaire, style enlevé, personnages jouissifs. Pour découvrir l’identité de l’assassin et ses motivations, notre Poulpe va, une fois de plus, devoir se frotter à des énergumènes peu recommandables, notamment issus de consortiums valorisant le nucléaire. L’un des tours de force de ce roman, et qui est d’ailleurs suffisamment rare pour être mentionné, c’est que le suspense demeure entier jusqu’à assez loin dans le récit. Souvent, les épisodes de la saga perdent en saveur avec des fins téléphonées ou des chutes attendues ; ici, le nœud n’est délié que dans les ultimes pages, accroissant l’intérêt de la lecture. En outre, Thierry Bourcy est un auteur qui n’a presque exclusivement écrit que sur la Première Guerre mondiale avec sa série consacrée à Célestin Louise. Le lire ici, dans un autre contexte, retourner à ses premières amours, est un pur régal, au point que l’on se demande qui, de l’écrivain ou du lecteur, s’est le plus délecté.

    Ces derniers temps, la saga du Poulpe est un véritable enchantement. Karim Madani, Dominique Chappey, Hervé Sard ou Patrick Bard, pour ne citer qu’eux, ont proposé des opus réjouissants et marquants. Ce roman ne déroge nullement à la règle, et c’est avec un plaisir total que l’on en vient à arpenter, avec Thierry Bourcy comme guide, ce chemin des drames.

    /5