Il pleut bergère...

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  • 7/10 Jérôme se rappelle d’un souvenir d’enfance assez marquant : la venue de Tante Valérie. Hébergée chez ses parents le temps de régler des questions de succession, cette vieille tante a su développer tout son sale caractère. D’ailleurs, Jérôme l’a détestée plus que tout. Certes ses parents lui ont demandé de taire tout ce qu’ils ont pû dire de désagréable sur elle, histoire d’être bien couchés dans le testament, bien évidemment. Mais Jérôme ne peut vraiment pas supporter celle qui a écrasé ses animaux en bois et à cause de qui il partage la chambre de ses parents.
    Mais Jérôme se rappelle aussi que la venue de Tante Valérie coïncidait avec un étonnant fait divers : le père de son voisin d’en face, son « ami » Albert, qu’il ne côtoyait que par fenêtres interposées, était recherché pour attentat.

    Un Simenon de « seconde division » mais attachant grâce à cette peinture d’une petite ville normande, la vie de ces commerçants et la description de cette vindicte populaire.

    15/11/2023 à 13:47 JohnSteed (624 votes, 7.7/10 de moyenne) 1

  • 9/10 … ou le récit de Jérôme Lecœur qui, enfant a vécu une succession d’événements mémorables alors que sa ville normande était battue par une pluie noire : son amitié atypique avec Albert Ramburges, avec lequel il n’a pourtant jamais échangé un mot ni ne l’a même touché, simplement en l’observant depuis sa fenêtre ; l’arrivée dans le foyer de la venimeuse et horrible tante Valérie qui souhaite récupérer sa maison pour la léguer aux parents de Jérôme, mais uniquement pour pouvoir y vivre à leurs côtés ; et l’ambiance fiévreuse lié à un récent attentat orchestré par les anarchistes et dont Gaston, le père d’Albert, pourrait être l’un des instigateurs. Mais Jérôme a des soucis de mémoire, recolle les morceaux comme il peut, et ça n’est quand dans les dernières pages que tout se résoudra en parlant avec sa mère, désormais bien âgée, notamment à propos de ce qui est arrivé à Albert, Gaston et Valérie. Ainsi résumé à la va-vite, ce roman peut donner l’impression d’être fiévreux, endiablé, mais on est chez l’immense Georges Simenon, ici, et cette fièvre, pourtant bien présente, cède le pas à un récit en apparence calme, assagi, parfois kaléidoscopique, dont le narrateur recoud les morceaux à mesure qu’il s’en souvient. Ce qui m’a le plus marqué dans cet opus, c’est d’ailleurs ce paradoxe, encore plus qu’avec toutes mes autres lectures des ouvrages du maître belge : cet étonnant paradoxe, puisqu’il y a beaucoup d’événements, et dans le même temps, on a l’impression qu’il ne s’y passe rien. C’est une remarquable tranche de vie, avec même plusieurs tranches puisqu’il y a diverses vies qui sont étudiées, et je retiendrai volontiers ce feu d’artifice flamboyant. Le personnage de tante Valérie, dont les descriptions physiques sont de petits bijoux d’acide, sans compter son âme envenimée, malveillante, prête à instiller le poison de son fiel en tous lieux et en toutes occasions, que ça soit dans sa propre famille comme lors des manifestations en fin d’ouvrage. La relation sibylline entre les deux enfants, si baroque puisqu’au final, ils ne se connaissent pas. Jérôme, en enfant qui sait se protéger du monde des adultes en retrouvant son univers aérien et innocent, ce qui ne l’empêche nullement d’affronter verbalement sa tante ou tenter de venir en aide à une femme en étant sur le point de lui offrir de la nourriture. La foule, animaux en meute, masse sombre et abêtie, satisfaite de pouvoir hurler avec ses semblables, que ça soit pour souhaiter le lynchage d’un homme dont ils ne savent rien ou pour demander la mort de policiers, comme ça, pour rien. Et puis, il y a aussi des moments de pure grâce, qu’elle soit profondément poignante (quand Jérôme découvre l’existence d’un autre membre de sa famille et qui n’a pas survécu), d’un humour à froid particulièrement inattendu (ah, le coup des poireaux…) ou quand Georges Simenon évoque la force des souvenirs, le passé, les troubles mémoriels, le tout à travers les yeux et les mots d’un gosse dont les attitudes et réparties sont retranscrites avec maestria. Bref, un roman qui aura eu un immense impact sur moi et dont je me souviendrai encore très longtemps, et selon moi l’un des meilleurs de Simenon.

    11/01/2021 à 19:32 El Marco (3431 votes, 7.2/10 de moyenne) 4