Les Trois Crimes de mes amis

1 vote

  • 8/10 Les Trois crimes de mes amis ou comment Simenon raconte de manière introspective que la réalité côtoie la fiction.

    Alors qu’il commence sa carrière d’écrivain, à coucher sur papier ses récits de faux crimes de personnages aux esprits torturés et à l’histoire sombre, ceux avec qui il avait jadis vécu, qui avaient respiré la même atmosphère que lui, partagés les mêmes joies, les mêmes distractions, discutés les mêmes sujets, se mettaient à tuer pour de bon.

    Ces trois crimes de ses amis ressemblent à tous les crimes qu’il raconte dans ses livres. Sauf qu’il est plus difficile pour Simenon de trouver une raison à ces crimes. Pourtant c’est toute l’occupation allemande durant la Première Guerre qu’il pense devoir raconter. Celle qui a marqué les jeunes de l’époque qui l’ont subie aussi profondément que quelques années plus tard l’inflation qui marquera la jeunesse allemande. Pour comprendre ces crimes, Simenon ne raconte pas les faits, mais fait ressentir l’ambiance, l’état, l’odeur, … de l’époque.
    Comme ces jeunes filles qui rentrent dans la librairie de Hyacinthe Danse, un vicieux qui, en bon arriviste, avait ses entrées à la Kommandantur, et chantera tous les airs patriotiques avec tous les certificats de bon citoyen belge à l’Armistice dans sa poche.
    C’est aussi les soirées de débauche passées à citer Platon, Dostoïevski, Verlaine, à la « Caque », un repaire où Simenon côtoie artistes, femmes les plus déchues en compagnie de Deblauwe, aux magouilles les plus malsaines (responsable d’un journal satirique avec un troublant Roumain, et proxénète d’une femme en Espagne).
    Ces trois crimes ont été commis par Danse et Deblauwe. Mais, comme le souligne Simenon, « Pour que ça change, ça n’a pas empêché la vie de couler. Car, en définitive, tout est affreusement banal. »

    Il est rare que Simenon se livre ainsi dans ses livres. Même s’il ne raconte pas la vie du Belge, il ne faut pas prendre au pied de la lettre sa conclusion. Les Trois crimes de mes amis n’est pas un livre aussi anecdotique et insignifiant qu’il veuille nous le laisser croire. Certains ont été mieux servis que d’autres par la vie, et les exclus donnent matière aux histoires les plus sombres et intéressantes.

    09/06/2018 à 10:48 JohnSteed (555 votes, 7.7/10 de moyenne) 3