Dernier appel pour les vivants

(Last Call for the Living)

  1. American History X

    Hobe Hicklin est sorti de prison, mais ses vieux démons n’en demeurent pas moins voraces, et voilà qu’il s’en va braquer une banque, tuant l’une des employées, et part avec le jeune Charlie Colquitt comme otage. Pour ce membre de la Fraternité Aryenne, s’ensuit une longue cavale au cours de laquelle il croisera la route de son mentor, Leonard Lipscomb, dit « le Prédicateur ». Et beaucoup de morts, de sang, de douleurs, et peut-être, une forme de rédemption.

    Ce Dernier appel pour les vivants de Peter Harris saisit d’entrée de jeu par son ton rauque, sa plume noire et son incroyable maîtrise, au point que l’on est désarçonné par le fait qu’il ne s’agissait que du premier ouvrage de cet écrivain. Un style très carré, où, par exemple, les préparatifs du braquage et le hold-up qui suit font immanquablement penser à une scène d’un long-métrage, chorégraphiée et filmée avec beaucoup d’habileté. Mais les qualités de l’auteur ne s’arrêtent pas là : au gré de ces quelque trois cents pages, l’on découvre des personnages âpres et d’une rare profondeur humaine, dans leurs élans d’expiation comme dans leurs tourments. Hicklin a appris la dure loi de la complicité avec les néonazis dans les diverses prisons qu’il a fréquentées, s’est mué en un individu redoutable et redouté, avant d’être adoubé et presque adopté par Lipscomb, son gourou. Dans le même temps, Charlie Colquitt compose un personnage plus falot : indifférent à la gent féminine, d’une rare fadeur, lié à sa mama comme le petit garçon qu’il n’a jamais cessé d’être, et passionné de modélisme et de fusées miniatures. Il y a également Hummingbird, toxico un brin nymphomane, le shérif Tommy Lang qui cherche à racheter ses péchés et sa vie sans réel sens, et quelques autres protagonistes particulièrement soignés. L’intrigue est certes classique, mais Peter Harris possède un sens rare de la narration, du visuel et de la percussion littéraire, avec des scènes sacrément marquantes, comme la rencontre avec les membres de l’Eglise de l’Agneau sacré et des Miracles, dans une chapelle saturée de serpents, le piège – dans tous les sens du terme – dans lequel tombe Lipscomb, ou encore le final où émerge, avec beaucoup de tact, une forme certaine de communion humaine et d’espérance.

    Un roman d’une immense noirceur, fort et serré comme un café d’exception, qui brûle l’estomac et qui marque les esprits, et qui donne également envie de boire les autres nectars de l’auteur, Le Diable en personne et Les Mangeurs d’argile.

    /5