Les Inconnus dans la maison

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  • 8/10 Loursat, avocat à Moulins, n’attend plus rien de la vie. Ou plutôt, c’est la vie qui n’attend plus rien de Loursat. Il fait sa vie, avec un livre et un verre de Bourgogne régulièrement rempli, comme compagnie. De par ses fonctions, il devrait avoir une vie sociale. Mais il a toujours refusé de donner suite aux invitations du Préfet et des notables locaux. D’ailleurs, les invitations ont cessé, sans pour autant lui manquer de respect. Loursat est un avocat réputé… Etait, car il a aussi arrêté de plaider. Depuis que sa femme l’a quitté pour un autre homme, tout lui est égal. Même sa propre fille, Nicole…

    Mais cette nuit-là va redonner vie à Loursat. Il va redevenir le brillant avocat qu’il fût. L’étincelle va animer ses pupilles, sa vie d’avant va rejaillir. Tel le phénix renaissant de ses cendres. Cette nuit-là, dans sa propre maison, un inconnu a été assassiné. Sans qu’il n’en ait connaissance, il était abrité depuis quelques jours par les amis de sa fille. Mais qui l’a tué ? La police arrête Emile Manu, le petit ami de Nicole. Loursat va mener son enquête trainant dans les bars, interrogeant les différents amis du groupe… Mais il va surtout revêtir sa toge et faire éclater la vérité devant toute la foule amassée au tribunal.

    Loursat est le genre de personnage dont on adore lire les descriptions. Simenon déroule son histoire au travers de cet anti-héros : bougon mais pas antipathique, solitaire mais ayant bon fond… La trame policière est secondaire dans ce livre. Simenon livre avec Les inconnus dans la maison un roman balzacien où la vie de la société moulinoise comme ce personnage sont plus importants que l’histoire en elle-même.

    21/08/2020 à 17:00 JohnSteed (624 votes, 7.7/10 de moyenne) 3

  • 9/10 D’entrée de jeu, le décor est planté. Première page : l’ancien avocat Hector Loursat appelle le procureur de la république, de sa famille par alliance, pour l’informer qu’un inconnu a été tué dans sa maison et son corps découvert. Pour Loursat, tombé dans le vin et une forme de repli sur soi, c’est le début d’une forme de rédemption puisqu’il va œuvrer afin de comprendre le drame jusqu’à aller plaider pour le suspect qu’il pense être innocent et renouer des liens distendus avec sa fille Nicole. Grâce à Georges Simenon et sa plume acide, vertigineuse de simplicité et de mordant, c’est un portrait saisissant et croustillant de la bourgeoisie d’une ville de province (ici Moulins) qui est passée au vitriol. De jeunes gens qui s’ennuient, et puisque l’oisiveté est nécessairement mère de tous les vices, ils en viennent à tomber dans le piège des actes rebelles, des liaisons inappropriées, des relations avec des personnes interlopes, jusqu’à la tragédie. C’est également des accointances entre les membres de la famille de Loursat où domine le qu’en-dira-t-on, avec la crainte de l’humiliation et de l’opprobre jeté sur la frange autoproclamée haute et vertueuse. Des mots simples et diablement efficaces de la part du célébrissime auteur belge, qui n’empêchent nullement de belles envolées lyriques sur la solitude, l’abandon, le désespoir et le rachat des âmes. Un beau portrait également de Loursat, animal, velu et devenu un ours se nourrissant de vin, de littérature et de sa propre claustration psychologique depuis le départ de sa femme avec Bernard, qui va retrouver une forme de dignité en se privant d’alcool le temps du procès. Pour quiconque aura vu le film de Georges Lautner de 1992 avec Jean-Paul Belmondo, même s’il s’agit d’une adaptation relativement fidèle, on sera agréablement surpris d’y découvrir des différences, notamment dans les accointances entre les jeunes, entre Loursat et sa domestique (qualifiée de « naine » dans le livre), mais surtout dans le traitement psychologique : là où le cinéma privilégie la fin heureuse, Simenon préfère l’accablement, le refus de la candeur et une vision austère de son personnage principal avec notamment les deux dernières lignes. Est-il encore utile de répéter que Georges Simenon est un auteur plus que majeur et que cet opus le démontre avec un talent inouï ?

    24/02/2019 à 17:52 El Marco (3430 votes, 7.2/10 de moyenne) 7