Quatre couleurs

  1. Une découverte haute en couleurs

    Pierre et Grégoire, deux étudiants pas très bosseurs, décident de passer un pacte. Pour un de leurs cours, ils échangent leurs identités afin que chacun ait des bonnes notes à l'examen qui correspond à la spécialité de l'autre. Tout semble simple sur le papier sauf qu'en changeant d'identité pour leur cours, tout ne va pas se passer comme prévu. Surtout quand les filles et les histoires de cœur s'en mêlent...

    « Un stylo quatre couleurs. Voici tout ce qui subsistait de mon année de fac. J'ai commencé à dessiner n'importe quoi à l'aide de cet instrument. Ce qui me passait par la tête... Sans but précis, je m'appliquais à tracer des traits. Bleus, noirs, rouges, verts. Aléatoirement. Puis, peu à peu, le brouillard qui enveloppait ma conscience s'est dissipé. Tous les événements que ma mémoire avait refoulés me revenaient en pleine figure. »
    C'est ainsi que commence Quatre couleurs, petite pépite parue chez l'éditeur Vraoum dans sa collection Autoblographie – l'objet-livre lui-même est très beau. Blaise Guinin, seul maître à bord, a fait un choix osé et assez rare pour être signalé : faire coller de manière imparable la forme et l'histoire. En effet, quoi de mieux pour dessiner une histoire dans laquelle un stylo quatre couleurs joue un rôle important que de n'utiliser que ledit stylo. Le bic n'est pas forcément l'arme de prédilection des dessinateurs de BD mais force est de constater qu'on peut faire de belles choses avec ce crayon tout bête. L'auteur jongle habilement avec ces quatre couleurs (cinq avec le blanc) mêlant à des traits précis des fonds, unis ou bariolés, réalisés à coups de traits de crayon. Chaque chapitre de l'histoire commence par une couleur : « Noir comme... » ; « Vert comme... », et les jeux de mots colorés ne sont pas en reste mais Blaise Guinin ne nous en fait jamais voir de toutes les couleurs.
    L'histoire paraît de prime abord plutôt banale. L'auteur semble prendre du plaisir à revivre par l'intermédiaire de ses personnages ses années de fac. Il retranscrit bien l'oisiveté estudiantine, Grégoire étant davantage préoccupé par les jolies étudiantes et les soirées arrosées que par la validation – enfin – d'une année de licence, ce que souhaiterait son père, qui commence à perdre patience. La drague d'amphi, les fantasmes sur l'inconnue de la BU ou la prof canon, tout cela est bien rendu. Mais quid du polar alors ?
    Ce n'est que dans le dernier quart du livre qu'on commence à y voir plus clair. Et lorsque la chute arrive, on se rend compte que le scénario est vraiment costaud et que Blaise Guinin nous a bien eus. À tel point qu'une deuxième lecture n'est pas superflue pour apprécier sous un nouvel éclairage la virtuosité du scénario et de sa construction...

    Avec Quatre couleurs, Blaise Guinin signe une bande dessinée réussie à tous points de vue mettant une technique originale et maîtrisée au service d'une intrigue particulièrement retorse. Espérons qu'on revoie bientôt Blaise Guinin à l’œuvre, car des BD comme ça, on en redemande.

    /5