Interview de Peter James (08/06/2007)
Avec Comme une tombe, Peter James s'est imposé en France comme un maître du suspense. C'est avec la gentillesse qui le caractérise (tous les lecteurs qui l'ont rencontré aux Quais du Polar de Lyon pourront le confirmer) que Peter a accepté de répondre à nos questions.
Nicolas - La plupart les lecteurs français connaissent Peter James depuis Comme une tombe, l'un des meilleurs romans policiers de 2005. Mais beaucoup ignorent que vous avez écrit plus de 10 livres avant Comme une tombe et que vous avez d'abord étudié le cinéma. Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a poussé à écrire des romans policiers ?
Peter James - Je suis accro aux romans policiers depuis que j'ai découvert Sherlock Holmes quand j'avais une dizaine d'années. Ensuite, j'ai découvert les auteurs américains de romans noirs comme Raymond Chandler et Ed McBain. J'ai réalisé à quel point ces deux auteurs (et beaucoup d'autres dans leur genre) reproduisaient avec beaucoup de précision la société dans laquelle ils vivaient — tout comme Holmes est le reflet de Londres et de l'Angleterre, pas seulement en tant que contexte des romans où il apparait, mais avec tout le commentaire social, d'une manière très similaire à Dickens en fait. J'ai toujours aimé lire des romans qui me divertissaient, mais qui en même temps m'éduquaient d'une certaine manière.
J'ai toujours été fasciné par la police parce que, un peu comme les journalistes mais d'une manière plus importante encore, ils vivent de l' "autre côté du rideau". Ils voient les coulisses de la vie, ils ont un accès privilégié à toutes ces informations qui ne sont pas à disposition du public. Beaucoup d'entre eux sont souvent confrontés à des dangers bien réels au cours de leur carrière, et pourtant je n'ai jamais rencontré un seul officier de policier qui n'aime pas passionnément son métier. Grâce aux relations que j'ai développées au fil des ans, j'ai la chance et l'avantage de pouvoir passer plusieurs semaines par an en tant qu'observateur avec la police du Sussex, durant leurs multiples opérations de divisions, lors de patrouilles ou pendant des interventions et des arrestations. Ca n'a pas de prix pour donner une impression d'authenticité, qui est je pense cruciale pour tout bon roman. Et en plus, j'adore passer du temps avec eux.
Mais, par dessus tout, ça me donne une perspective complètement différente sur le monde dans lequel je vis, et que j'essaie de retranscrire dans mes écrits. Je pense que l'écriture, ça devrait être plus que de raconter une histoire en donnant envie aux lecteurs de tourner les pages, il faut que ça fasse réfléchir les gens. Le genre du thriller, selon moi, condense parfaitement ces deux aspects. J'ai entendu dire (et je pense que c'est vrai) que si Charles Dickens écrivait aujourd'hui, il écrirait des romans policiers.
N. - Comme une tombe présente le personnage de Roy Grace, un détective qui s'intéresse au paranormal. Grace est également le héros de La Mort leur va si bien. Saviez-vous dès le début qu'il serait le héros d'autres romans ?
P. J. - Ce sont mes éditeurs au Royaume-Uni, Macmillan, qui m'ont demandé de créer un nouveau détective de fiction, avec l'intention déjà de mettre en place une série de livres, donc oui, je savais qu'il y en aurait plus qu'un (du moins si les lecteurs aimaient mon personnage).
N. - Comment avez-vous eu l'idée d'un personnage à ce point ouvert d'esprit, qui peut à la fois se fier aux technologies les plus récentes et aux voyantes ?
P. J. - J'ai déjà passé beaucoup de temps avec la police pour faire des recherches pour des romans précédents, et je connaissais de nombreux officiers de police. J'en ai rencontré un il y une douzaine d'années, Dave Gaylor, qui était alors inspecteur. Depuis, il est devenu commissaire divisionnaire, et, sur de nombreux aspects, c'est un peu le modèle de Roy Grace. Un homme profondément ouvert d'esprit, qui était un des premiers détectives du Royaume-Uni à employer de nouvelles technologies comme l'ADN et la comparaison par ordinateur de crimes commis à travers le Royaume-Uni et maintenant l'Europe. Dave, comme beaucoup d'autres officiers de Police (comme ceux impliqués dans la terrible affaire Madeleine au Portugal), peut se résoudre à aller consulter des médiums si tout le reste échoue.
Mais je n'utiliserais jamais le paranormal pour résoudre vraiment une affaire : ça serait tricher avec mes lecteurs.
N. - Comme une tombe et La Mort leur va si bien sont deux romans construits de manière totalement différente. Comment l'expliquez-vous ?
P. J. - J'adore les défis, et un grand défi pour moi et d'écrire à chaque fois un roman totalement différent. Alors je mets la barre un peu plus haut à chaque roman, en m'imposant des challenges plus grands au niveau de l'intrigue et des personnages. Mon prochain Roy Grace, "Not Dead Enough" (ndlr : littéralement "Pas assez mort". Tous les titres VO des aventures de Roy Grace contiennent le mot "dead" : "mort") est construit d'une manière très différente encore, et dans celui que je suis en train d'écrire, "Dead Man's Footsteps" (littéralement : "Les pas du mort"), il y a trois histoires en parallèle sur deux époques différentes, qui vont bien sûr au final se rejoindre... enfin, je l'espère !
N. - Vous êtes producteur, vous avez écrit plusieurs scénarios. J'imagine que vous adoreriez voir Roy Grace au cinéma. Y'a-t-il des projets d'adaptation, et, si oui, aimeriez-vous en écrire les scénarios ?
P. J. - Oui, toute la série des Roy Grace est en développement, et j'en écris moi-même les scénarios parce que je veux garder le contrôle. Je veux également m'assurer que Roy Grace sera interprêté par un acteur inconnu, qui pourra s'imposer dans ce personnage.
N. - Un troisième roman avec Roy Grace vient d'être publié en Angleterre. Tout d'abord, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Et ensuite, j'aimerais savoir si Roy Grace reviendra encore dans une 4è enquête, ou si vous préfèreriez écrire des histoires indépendantes dans le futur. Vous semblez avoir encore tant de mystères à éclaircir sur ce héros, son passé, sa femme...
P. J. - "Not Dead Enough" raconte l'histoire d'une femme riche, trouvée morte dans son lit à Brighton des suites d'un crime sexuel crapuleux. Tous les indices convergent vers son mari, mais il a un alibi en béton : il se trouvait à 100 km de là, endormi dans son lit à Londres. La question est de savoir s'il est un menteur, ou si quelqu'un a volé son identité (ndrl : le roman en question paraîtra en mars 2008 aux éditions du Panama. Son titre français n'est pas encore défini).
Concernant Roy Grace dans l'avenir : oui, il va revenir dans le prochain roman, et je suis en train de signer un contrat avec mon éditeur pour écrire quatre enquêtes de plus. J'ai des idées de romans indépendants mais pour l'instant j'ai une telle source d'inspiration pour les romans avec Roy Grace et les personnages secondaires de sa vie que je n'ai pas l'intention de faire de digressions.
N. - Vous appréciez donc le personnage de Sherlock Holmes et les écrits de Conan Doyle. Quel autres auteurs de polars aimez-vous et quelle influence ont-ils sur vous ?
P. J. - Sherlock Holmes a eu en effet une très grande influence sur moi quand j'étais en fant. J'ai également adoré l'école américaine du roman noir. Chandler et Ed McBain tout d'abord, puis le formidable personnage de Travis McGee, de John D. Macdonald, qui vit sur cette maison flottante dans les Keys de Floride, conduit un pick-up Rolls Royce, et "ramène des choses pour les gens". Et puis il y a Elmore Leonard qui est je pense l'un des meilleurs écrivains de romans policiers de toute l'histoire.
N. - Vous êtez venu en France en janvier dernier pour le festival "Polar dans la Ville", et à Lyon pour Les Quais du Polar. Vous avez reçu déjà plusieurs prix décernés par les lecteurs français. Vous attendiez-vous à un accueil si chaleureux ?
P. J. - Jamais de la vie ! J'étais incroyablement flatté ! Dans mon discours pour la remise du prix Coeur Noir, pour lequel j'étais en compétition face à deux auteurs français (ndrl : les autres romans en compétition étaient Le chien tchétchène de Michel Maisonneuve et Lune de glace de Jan Costin Wagner, qui est en fait Allemand et non Français), j'ai dit que je n'aurais jamais imaginé que des Français décerneraient ce prix à un Rosbif !!!! C'est un des moments de ma vie dont je suis le plus fier.
N. - Merci beaucoup Peter pour ces réponses !
Polars Pourpres - 2007
Interview de Peter James (08/06/2007)
Nicolas - Most of the French readers know Peter James since Dead simple (Comme une tombe in french), one of last year's best mystery novels. But very few of them know that you have written about 10 books before Dead simple, and that you first studied cinema. Could you please tell us how and why you started writing detective novels ?
Peter James - I have been addicted to detective stories ever since discovering Sherlock Holmes in my early teens. Then I discovered the US hardboiled writers like Raymond Chandler and Ed McBain and I realized how those two writers (and many others in their genre) so accurately reflected the society in which they lived just as Holmes reflected London and England not just as back-drops to his novels, but warts and all social commentary in a way very similar to Dickens. I have always loved reading novels where I have been entertained but at the same time where I have been educated in some way. I have always been fascinated by the police because, similar to journalists but even more so, they live life on the "other side of the curtain". They see human life backstage, they are privilege to all kinds of information that is held back from the public. Many of them experience real danger, often, during their career, yet I have never met a police officer who does not passionately love his or her career. Through relationships I have developed over the years, I'm privileged to be able to spend several weeks every year as a fly on the wall with Sussex Police, in their various operations divisions, out on patrol and attending raids and arrests. It is invaluable in helping get a feeling of authenticity which I believe is crucial to all good writing, and I love that time I spend with them. But more than that, it gives me a completely different perspective on the world I live in, which I try to put across in my writing. I believe that good writing should be more than just telling a page-turning story, it should be about trying to make people think, and the crime thriller genre, for me, sublimely blends these two things. I have heard it said and I believe it to be true, that if Charles Dickens were writing today, he would be writing crime novels.
N. - Dead simple was published last year in France, and it introduces the character of Roy Grace, a detective interested in paranormal. Grace is also involved in Looking good dead (La Mort leur va si bien). How did you get the idea for such an open-minded character, who can trust either the most recent technologies or mediums ? Did you already know, when you wrote Dead simple, that Roy Grace would come back ?
P. J. - I was asked by my UK publishers, Macmillan to create a new fictional detective, with the intention of creating a series of several books, so yes, I knew there would be more than one - if people liked my character. I had already spent a huge amount of time with the police researching previous novels, and knew a lot of police officers. I met one twelve years ago, then an Detective Inspector, Dave Gaylor, who rose to become Detective Chief Superindentent and in many ways he is the career role model for Roy Grace. A deeply open minded man, who was one of the first detectives in the UK to harness new technologies such as DNA and the computer linking of "comparative" crimes across the UK and now Europe, and Dave, like many polices officers (such as those involved in the terrible Madeleine case in Portugal) is prepared to resort to mediums when all else fails. But I would never use the paranormal as a method of actually solving a case - that would be cheating on the reader!
N. - Dead simple and Looking good dead are two stories involving Roy Grace, but they are constructed and told on a totally different way. How do you explain it ?
P. J. - I love a challenge - and the big challenge to me is always to write a totally fresh novel each time. So I try to raise my own personal bar with every book, setting myself bigger challenges in plot and character. My next Roy Grace, Not Dead Enough is constructed very differently again, and in the one I am currently wriing, "Dead Man's Footsteps" I have three parallel stories happening in two different time periods - eventually of course they all intersect - I hope!
N. - You are a film producer, you have written several scripts for TV series : I think you would be delighted if one of your books became a film. Is there any project so far and, if you were asked, and would you like to write the screenplay ?
P. J. - Yes, the whole Roy Grace series is in development, and I am writing the scripts because I want to keep control. I also want to ensure that Roy Grace is played by an unknown actor who can grow into and become the character.
N. - A third Roy Grace novel has just been published in England. First, could you just tell us a few words about it ? And, then, of course, I would like to ask you if Roy Grace will return, or if you'd rather write stand-alone novels in the future ? You seem to have so many mysteries and secrets left to tell us about Roy Grace, his past, his wife...
P. J. - Not Dead Enough tells the story of a wealthy woman, found dead in her bed in Brighton in a kinky sex slaying. All the evidence points to her husband, but he has a cast iron alibi that he was sixty miles away, asleep in bed in London at the time. Is he a brilliant liar - or has someone stolen his identity?
Regarding Roy Grace and the future - yes, he returns in the next book and I am in the process of signing an agreement with my publishers to write a further four. I have some stand-alone ideas but at the moment I am havingsuch fund with the Roy Grace novels and the surrounding characters in his life, that I don't intend to digress.
N. - You said you love Conan Doyle's novels and the character of Sherlock Holmes. Who are your favorite detective-novels writers, and how do they influence you ?
P. J. - Certainly Sherlock Holmes was a very big influence when I was a child. I also loved the US hardboiled school - firstly Chandler and Ed McBain, then John D Macdonald's wonderful Travis McGee who lived on a houseboat on the Florida Keys and drove a Rolls Royce pickup truck and "got things back for people". And then Elmore Leonard who I think is the finest detective story writer of character of all time.
N. - You came in France last january during the Crime festival "Polar dans la Ville", and in Lyon last april for "Les Quais du Polar". "Dead Simple" has won several prizes in France. Did you except such a warm reaction from the French readers ?
P. J. - Never! I was incredibly flattered ! In my acceptance speech for Le Prix Coeur Noir in which I was up against two French writers I said that I never imagined the French would award this prize to a Rosbif !!!!! It was one of the proudest moments of my life.
Polars Pourpres - 2007