Interview de Michael Morley (20/06/2011)
Rencontre avec Sam Christer, de son vrai nom Michael Morley, à l'occasion de la parution en France de son thriller Les Héritiers de Stonehenge.
Polars Pourpres : Bonjour Sam Christer. Vous êtes un auteur anglais de thrillers et vous avez écrit Les Héritiers de Stonehenge, publié en janvier au Royaume-Uni et ce mois-ci en France. Pouvez-vous, pour commencer, nous parler un peu de ce roman ?
Sam Christer : Les Héritiers de Stonehenge a été traduit pour 35 pays, et je pense que la principale raison à cela, c’est que l’histoire se passe à Stonehenge, un lieu emblématique construit en 3000 avant J.-C. et composé de cercles de pierres concentriques. Personne ne connaît l’exacte raison de la construction de Stonehenge, et il y a de nombreuses théories là-dessus : s’agit-il d’un temple pour les Dieux, d’un cimetière, d’un ancien crématorium, d’un lieu de rituels à l’intention des Dieux ?
Quand vous voyez une photo de Stonehenge, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous poser des questions. Certaines de ces pierres pesaient plus de 40 tonnes, ont été transportées sur plus de 150 kilomètres et disposées dans un parfait alignement avec le soleil, la lune ou certains éléments du zodiaque à des moments précis de l’année. Même aujourd’hui, ça serait un vrai défi architectural, alors il y a des milliers d’années, c’est juste incroyable. Et c’est pour moi le secret du succès du roman.
Mon histoire se déroule donc à Stonehenge, et s’articule principalement autour de croyances. Tout d’abord, la croyance en la puissance de ces pierres étranges et magiques. Certaines personnes pensent qu’elles ont des pouvoirs de guérison et de nombreuses « religions » se basent sur ces pierres.
Mais il est également question dans le roman de la croyance en d’autres personnes. Le livre explore les relations entre un archéologue, Nathaniel Chase, qui se suicide et lègue son héritage à son fils Gideon, un universitaire de Cambridge. Ils ne s’étaient pas parlés depuis des années, et Gideon commence alors à découvrir le père qu’il ne connaissait pas, ainsi que les secrets de Stonehenge, notamment les pratiques des sociétés secrètes et de leurs fidèles.
Et, s’il y a suicide, il y a enquête. Une enquête de routine dans un premier temps, menée par une inspectrice, Megan Baker, qui est séparée de son mari. Durant son enquête, elle va également découvrir des choses sur sa propre famille qui remettront en cause son système de croyances.
Polars Pourpres : Stonehenge est effectivement un lieu qui regorge de mystères. D’où vous est venue l’idée d’utiliser ce lieu ? Y êtes-vous allé pendant l’écriture de votre roman ?
Sam Christer : L’idée est venue en discutant avec Daniel Mallory, mon éditeur, qui m’a suggéré d’écrire un livre sur Stonehenge. Etonnamment, il n’y avait pas encore de thriller sur le sujet, et c’est une source d’imagination incroyable.
Je suis allé là-bas plusieurs fois. Je voulais voir Stonehenge à une période de la journée particulière, au crépuscule ou à l’aube, au moment de la transition entre l’obscurité et la lumière (les raisons à cela sont expliquées dans le livre). Il faisait très brumeux ce matin-là. Quand j’ai garé la voiture, je ne voyais même pas les pierres. J’avais fait des centaines de kilomètres pour ne voir que du brouillard (rires)… Et progressivement, le jour s’est levé et la brume s’est dissipée. C’était une atmosphère presque mystique.
Un bus est alors arrivé sur le site, 30 personnes qui venaient de Scandinavie en sont descendues pour faire la même visite que moi. On a discuté, elles étaient déçues, comme moi, de ne pas avoir l’intimité qu’elles espéraient. Je me suis donc mis un peu à l’écart, et j’ai pu les observer déambuler à l’extérieur et l’intérieur des cercles de pierre. Elles tenaient leurs mains à proximité des pierres et je pouvais voir leur regard : c’était une réelle expérience spirituelle. En descendant du bus à 5h30, ces personnes avaient l’air de zombies. Une demi-heure plus tard, transformées par cette expérience, on aurait dit qu’elles rayonnaient d’énergie. C’était fascinant.
Polars Pourpres : Votre livre est un best-seller en Angleterre, et explore des thèmes liés à la religion. Vous avez dû être souvent comparé à Dan Brown, non ?
Sam Christer : En fait, je ne suis pas tout à fait sûr que la comparaison soit juste, même si l’on retrouve certains thèmes, comme un petit code que Nathaniel utilisait dans le livre pour communiquer avec son fils quand il était plus jeune.
Certaines personnes qui m’ont lu en Angleterre me comparent plus facilement à James Patterson. En fait, j’espère simplement que je ressemble à moi-même, et que l’histoire a assez de saveur pour entraîner les lecteurs dans ce voyage.
Polars Pourpres : Vous avez dû réaliser de nombreuses recherches pour ce roman, que ce soit pour les aspects astrologiques ou historiques.
Sam Christer : Oui, tout à fait. Et heureusement, on peut trouver beaucoup de choses sur Internet de nos jours. J’ai également contacté des universitaires qui travaillaient sur des fouilles archéologiques.
Le plus difficile au niveau des recherches, c’est que les croyances évoquées dans le livre sont différentes des croyances actuelles. A l’époque, on croyait que le monde était régi par divers Dieux, par le soleil, par la lune… Ils croyaient à tout cela car ils pouvaient voir ces Dieux. Quand ils se réveillaient le matin, ils pensaient que le Dieu Soleil les bénissait par sa chaleur, qu’il faisait pousser les cultures et qu’en retour, il fallait le respecter, faire des sacrifices. La lune a elle aussi son influence, affecte même l’océan. Ils avaient des croyances plus tangibles.
J’ai mené des recherches pas seulement sur l’astronomie, mais plutôt sur l’archéo-astronomie : qu’est-ce qui a été construit, où et pourquoi ? Comme par exemple ces temples en Egypte, alignés avec le soleil à certains moments de l’année ou avec les étoiles… Ces recherches étaient plus difficiles.
Polars Pourpres : Parlons un peu de vos personnages. J’ai particulièrement aimé Megan Baker, votre inspectrice. Un personnage réaliste, loin des clichés.
Sam Christer : En fait, il y a une histoire derrière le personnage de Megan. Je ne sais pas si je devrais vous en parler, mais allons-y. Au départ, Megan n’était pas Megan. C’était une bien plus jolie jeune femme. Elle avait une vie trop parfaite, trop rangée, une vie que personne n’a, en fait. Et, du coup, c’était trop ennuyeux. Je recherchais un peu plus d’originalité pour ce personnage quand mon éditeur m’a dit : « Donne-lui un gosse ! ».
Et c’était judicieux, parce que je connais pas mal de collègues qui doivent réussir à jongler entre leur carrière professionnelle, leurs enfants, et qui sont toujours en train de courir pour ne pas louper un rendez-vous. J’ai 3 enfants moi-même donc une certaine expérience en la matière. Et ça doit être extraordinairement difficile pour un enquêteur, pendant une affaire importante, de faire ses preuves, soigner sa carrière, tout ça avec un enfant malade.
J’y ai pensé longtemps, redessiné ce personnage, et en la redéfinissant, elle a également redéfini le reste du livre. Et beaucoup de lecteurs m’ont écrit pour me dire qu’ils adoraient ce personnage, et qu’ils voulaient la revoir dans un autre livre. Et ça pourrait bien se produire en effet…
Polars Pourpres : Vous explorez également beaucoup la relation père-fils ou mère-fils, que ce soit à travers les personnages de Megan et son fils, ou de Nathaniel et Gideon. Le livre est d’ailleurs dédié à votre fils. C’est visiblement un thème très important pour vous.
Sam Christer : Oui. En fait, je suis orphelin. Je n’ai jamais connu mes parents, je n’ai pas eu cette relation fils-père. Suite à mon mariage, j’ai eu des enfants, et je passe des moments magnifiques avec eux. Je connais donc les sensations d’un père envers son fils, mais celles d’un fils envers son père me manquent.
Certains personnages reflètent une partie de ma vie, et d’autres des choses que j’aurais aimé connaître et qui sont à l’opposé de la vie que j’ai vécue.
Polars Pourpres : Parlons de vos projets. Vous travaillez notamment pour la télévision, où vous avez été réalisateur et producteur. Vous aimeriez voir votre roman adapté au cinéma ou à la télévision ?
Sam Christer : Je ne suis pas sûr. C’est une expérience différente. Des lecteurs disent que j’ai une écriture cinématographique, mes chapitres sont courts, très visuels. Mais je ne suis pas si sûr que ça soit transférable en série télé ou en film. L’expérience de lecture, quand on remplit les vides avec sa propre imagination, fait que le livre fonctionne. Je ne pense pas que ça marcherait aussi bien à la télé, il manquerait une dimension. Vous auriez besoin de changer trop de choses. Je ne devrais pas dire ça, ça va me coûter beaucoup d’argent (rires)…
Polars Pourpres : Et vous travaillez sur un nouveau thriller ?
Sam Christer : Oui, j’ai presque fini le prochain, qui sortira l’année prochaine au Royaume-Uni. Le livre est globalement basé sur le Suaire de Turin, le linge posé sur le Christ quand il a été déposé dans son tombeau par Joseph d'Arimathie. Il est conservé dans la cathédrale de Turin et il montre l’image d’un homme crucifié avec une couronne d’épines.
Il y a aujourd’hui des doutes dans la communauté scientifique sur le fait de savoir s’il s’agissait bien du linceul posé sur le corps du Christ. Le roman explore donc la question de l’authenticité du linceul, de savoir s’il représente vraiment une personne crucifiée, et s’il s’agit réellement du Christ, en s’appuyant sur des investigations modernes, comme les analyses ADN, qui permettent de remonter le temps pour explorer ce mystère scientifique et religieux.
Polars Pourpres - 2011