El Marco Modérateur

3227 votes

  • L'Oeil du loup

    Daniel Pennac

    7/10 … ou la touchante rencontre entre un loup et un gamin dans un zoo anonyme de France. Dit comme ça, c’est très banal, voire tarte. Mais sous la plume de Daniel Pennac, et surtout grâce à son humanité et l’élégance de ses propos, cela prend une envergure bien différente. Loup Bleu et Afrique N’Bia vont tour à tour se raconter leur histoire, avec des mots simples et justes, immédiatement accessibles aux jeunes lecteurs auxquels se destine ce roman. Loup Bleu, avec l’histoire des siens, des chasseurs, des Hommes, de la capture, et de la quête de fourrures qui va être fatale pour nombre de ses semblables. Afrique, capturé, vendu, qui va vivre sa première histoire d’amitié avec Casseroles, le dromadaire, puis devenir un berger réputé pour son intelligence (lorsqu’il propose de nourrir les lions pour que ces derniers soient moins voraces avec les troupeaux, par exemple) et la qualité des contes qu’il raconte. Un poignant et touchant récit quant à l’amitié, la camaraderie, la solidarité avec notre faune et nos mondes (j’emploie à dessein le pluriel, au même titre que le môme emploie le pluriel pour les Afriques en fonction de leurs couleurs), jusqu’à cette espèce chute à propos de l’œil unique du loup et du gamin. Même si, nécessairement, la même innocence et la même appétence de belles histoires à morale que le jeune lectorat, cet ouvrage m’a séduit, et je ne pourrai que le conseiller à mes élèves.

    15/12/2019 à 18:23 2

  • Ichi The Killer tome 3

    Hideo Yamamoto

    9/10 Le troisième tome d’une série dont j’ai beaucoup aimé les précédents. Toujours ce mélange véloce, toxique et hautement infréquentable de sexe (viol et nécrophilie), de violence (encore plus poussée ici qu’auparavant) et de drogue. Ça commence sec avec une séance d’interrogatoire avec une torture à la clef, avec une épingle traversant la main d’une femme qui ne parle pas assez vite au goût du malfrat (mais il y a bien pire dans les précédents opus), et cette scène surréaliste du junkie chauve en manque qui se cache dans la télé. Encore une fois, Ichi apparaît assez tard, et je me demande si ça n’est pas mieux ainsi (après une légère déception à ce niveau-là dans le deuxième tome, je l’avoue, où une bonne partie de l’intrigue ne le mettait pas en scène) : cela permet à l’auteur de bien laisser les personnages malfrats se confronter et développer leurs psychés (férocement déviantes). Ichi va se doter de chaussures très particulières pour poursuivre son œuvre de mort, notamment pour protéger et venger son amie prostituée (la scène est mémorable, même si elle semble pompée à un épisode de « Ken le survivant »). De même, la scène finale avec elle est phénoménale. Vraiment très percutant et, à défaut de pouvoir séduire un grand nombre de lecteurs, ça m’a envoûté.

    15/12/2019 à 18:20 2

  • Crying Freeman tome 1

    Ryoichi Ikegami , Kazuo Koike

    8/10 A Hong Kong, une jeune femme de vingt-cinq, Emu Hino, ans est le témoin de plusieurs assassinats réalisés par un tueur à gages à la solde de la mafia chinoise (« Les 108 dragons »), un homme qui pleure lors de la tuerie et qui se surnomme « Mr Yo » ; dès lors, elle se sait condamnée par cet assassin qu’elle a vu et qui ne peut la laisser vivante. Un manga très particulier en raison d’un graphisme qui a nécessairement vieilli (il date tout de même de 1986), où les noirs sont très travaillés, et toujours très « classe » (la scène de sexe est à cet égard frappante, suffisamment érotique sans jamais tomber dans le voyeurisme ou le complet explicite). L’intrigue, sur le papier, est assez classique : le spadassin et sa victime désignée tombent amoureux, ce qui va créer de sacrées frictions avec les employeurs du Crying Freeman. Néanmoins, encore une fois, il ne faut pas oublier l’âge de la série, garder également en tête l’incroyable esthétique et son aspect cinématographique (pas étonnant d’ailleurs qu’il ait été adapté sur grand écran, avec certaines scènes tellement fortes qu’elles ont été gardées telles quelles), et louer les efforts scénaristiques (comme le passé de potier du « héros » et la manière dont il a été converti à l’assassinat rétribué, avec ces scènes d’acupuncture). Bref, un grand moment de littérature, tout simplement, qui n’a pas pris de ride, sauf du point de vue graphique.

    15/12/2019 à 18:19 2

  • Casse-tête

    Harry Whittington

    5/10 … ou comment, sans le moindre coup de semonce, le quotidien de Henry Wilson est bouleversé quand un inconnu au physique blafard et patibulaire vient le dérouiller sur le pas de sa porte en lui laissant une lettre de menace évoquant à la fois des menaces et un passé trouble… qui ne le concerne pas. Erreur sur la personne ? Folie ? Complot ? Ce court roman de Harry Whittington commence sur les chapeaux de roues et imprime, dès les premiers chapitres, malgré un titre en français assez tartouille, un rythme effréné. Henry Wilson est comptable au Ministère des Anciens Combattants, sans grande saveur, avec un salaire peu glorieux, au physique désagréable, et sa seule « réussite » est d’avoir épousé Lila, une magnifique jeune femme à la voix ensorcelante. Mais qui est donc ce Sammy qui semble tant lui en vouloir ? Il finira lentement par faire émerger la vérité. Et si l’entame du livre est assez sportive et intrigante, le reste l’est beaucoup moins. J’en ai même parfois perdu le fil, malgré la présence de bons moments (comme quand Henry s’en prend, dans un bar, à son bastonneur en donnant à cette empoignade des allures de retrouvailles et de bonne blague potache, ou alors les diverses tuiles que se prend notre protagoniste sur le coin du museau, avec cet enfermement dans une prison en Californie qui lui est reproché et à cause duquel il perd son boulot alors qu’il n’a jamais mis les pieds dans cet Etat) avec ce qu’il faut d’humour pour relever la saveur de l’histoire. En fait, ce scénario sur l’endossage d’une identité se dilue rapidement, en devient même brouillonne, et, lorsque tout finit par se résoudre, il m’a laissé une expression dubitative et insatisfaite aux lèvres. Bref, je ne vais pas cracher dans la soupière alors que le potage que je viens de consommer était plutôt correct, mais il m’a paru bien plus insipide et négligeable qu’espéré. Oui, voilà, c’est ça : au vu de la manière dont tout s’amorçait, j’ai lentement vu s’éclipser le fumet originel et ai été confronté à une certaine déception. Mais je tâcherai de lire d’autres ouvrages de cet écrivain, car il m’a semblé malgré tout qu’il y avait un réel talent chez cet homme : je ne suis peut-être pas tombé sur son meilleur ouvrage, voilà tout.

    11/12/2019 à 18:33 3

  • Old Boy 3

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    9/10 Toujours beaucoup de maestria et de réussite pour ce troisième tome d’une série qui, à mes yeux, ne perd rien de sa valeur ni du mystère qu’elle véhicule. On suit Gotô qui poursuit sa quête tout en éprouvant les premiers vertiges d’une liberté à laquelle il ne s’attendait plus. Un combat de boxe et une série de rencontres vont faire grandement avancer son enquête. Beaucoup de noirceur et d’énigme, tandis que cet opus se clôt sur une révélation à la fois nébuleuse et inattendue. Très fort !

    11/12/2019 à 18:32 1

  • Btooom ! tome 3

    Junya Inoue

    6/10 Le troisième tome d’une série qui, à défaut de me captiver, a le mérite de me faire passer de bons moments. Ryota est encore aux prises avec la jeune fille blonde découverte dans le tome précédent, après quoi une curieuse relation se noue entre eux deux, surtout quand Ryota comprend que la malheureuse a été violée. Le mystère des raisons pour lesquelles certaines personnes se retrouvent sur cette île semble se dissiper en partie tandis que des animaux apparaissent, sortes de varans de Komodo. A mes yeux, toujours rien d’exceptionnel, mais un bon mix de tout ce que l’on a pu voir ou lire ailleurs, s’achevant sur l’apparition d’un personnage proche d’un Rambo de mangas.

    11/12/2019 à 18:31 2

  • Vengeance sanglante

    Kazuo Kamimura, Kazuo Koike

    6/10 Un manga qui mixe habilement divers codes : le film japonais de sabre, les arts martiaux, le polar, la vengeance, l’aventure, avec pas mal de violence et de sexe. Les auteurs rappellent d’ailleurs, dès l’entame, leurs préférences cinématographiques et autres, rendant donc une forme d’hommage appuyé à ces différents prédécesseurs. Néanmoins, le graphisme un peu fade selon moi (même s’il met bien en valeur l’action lors des combats), la répétition de scènes de sexe et un scénario un peu pâlot font que je ne suis pas certain d’être au rendez-vous des opus suivants.

    11/12/2019 à 18:30 2

  • Détective Conan Tome 50

    Gosho Aoyama

    6/10 Une fête dans un restaurant et c’est ensuite l’enlèvement du petit Kôta avec demande de rançon. Une enquête sympathique et classique, sans plus. Puis le meurtre d’un journaliste retrouvé chez lui, où des messages laissés sur la boîte vocale de la victime vont être importants pour la résolution de l’intrigue. Même remarque que pour la précédente investigation : pas de fièvre particulière à cette lecture ni de déductions vraiment mémorables, mais ça demeure agréable. Une affaire dans une station de ski où il est question d’un meurtre ayant eu lieu quatre ans auparavant, et un nouvel assassinat a lieu, tandis que l’on se remet à parler d’une ancienne légende à propos d’une femme vivant dans les montagnes et dévorant les âmes des hommes devenues ses proies. Mais cette intrigue demeure irrésolue et ne le sera que dans le tome suivant. Dans l’ensemble, un opus un peu plus faible que les autres à mon goût, mais qui demeure très lisible et plaisant.

    11/12/2019 à 18:28 2

  • Laurie

    Stephen King

    7/10 Lloyd Sunderland, soixante-cinq ans, a perdu sa femme six mois plus tôt et se laisse aller. Sa sœur vient lui rendre visite, accompagnée d’une chienne qu’elle compte bien lui laisser, histoire de lui changer les idées. Un récit très sobre, habilement mené, et qui est d’un tact et d’une simplicité redoutable. Une tranche de vie, ou plus exactement, des tranches de vie, avec une belle relation entre Lloyd et ce chien qu’il appelle « Laurie ». Finalement, il ne se passe pas grand-chose dans les trois quarts de cette nouvelle, jusqu’à ce qu’intervienne un événement inattendu (ou du moins, inattendu à mes yeux) et qui vienne secouer la vie de notre héros et mette en relief quelques morales qui restent toujours dans l’implicite, et que chaque lecteur peut aller chercher lui-même. L’ouvrage est dédié à Vixen, le chien de la femme de Stephen King (merci à Pascal pour l’information), et l’on comprend d’autant mieux cette dédicace pour cet hommage, discret et dépouillé.

    06/12/2019 à 17:24 4

  • Old Boy 2

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    9/10 Un deuxième tome où la tension ne retombe pas, tandis que notre héros anonyme, même s’il a trouvé un prénom d’emprunt, poursuit sa quête d’un certain restaurant et de sa prison clandestine. Beaucoup de nervosité et d’action dans cet opus, toujours aussi jouissif et addictif, avec des traits ciselés, une intrigue dense, et des réponses qui commencent à être apportées au lecteur tandis que d’autres questions se posent. Un véritable régal.

    06/12/2019 à 17:22 1

  • Virus L.I.V. 3 ou La mort des livres

    Christian Grenier

    9/10 … ou comment, dans un avenir assez proche, la société est dominée par les Lettrés, des caciques, grands gardiens des livres, ou plus précisément des univers livresques, au point d’avoir relégué au rang de pestiférés ceux qui défendent les images, à savoir les Zappeurs. Le hic, c’est quand se propage un mystérieux virus qui fait s’autodétruire les mots dès qu’ils sont lus, ainsi que du livre au lecteur. Pour contrecarrer cette épidémie, les Voyelles (les quarante membres permanents de l’AEIOU) vont demander à la jeune Allis, une auteure ayant réussi dans son ouvrage « Des Livres et nous » à tenter une passerelle idéologique entre Zappeurs et Lettrés, à infiltrer la zone détenue par les rebelles. Une incroyable expérience littéraire que ce roman, partant d’un postulat remarquable et atypique, proche des univers de Serge Brussolo. Là-dessus, viennent se greffer toute une série d’événements, de personnages ou d’interrelations intelligentes. Des protagonistes forts, comme Allis, sourde et muette, envoyée au casse-pipe par ce cénacle d’idéologues forcenés dans la banlieue parisienne. Un chef des ZZ (Zappeurs Zinzins), à l’identité bien dissimulée. Emma, représentante des voyelles, qui a vu son fils lui échapper pour rejoindre le camp des défenseurs des images. Il y a aussi de sacrées trouvailles, comme les Hommes-Ecrans, qui ont un écran incrusté dans la poitrine et qui communiquent avec leurs semblables avec des outils informatiques. C’est aussi une charge sévère contre le milieu trop militant de la littérature vue comme un totem, une religion, et de l’intolérance en général, ainsi qu’une satire du monde de l’Internet, avec ses mirages et ses usurpations (à noter que le roman date de 1998, et quand on comprend ce qui se cache derrière le pseudonyme de Mondaye avec laquelle tchatte régulièrement Allis, on se dit que Christian Grenier était un incroyable visionnaire en la matière). Paradoxalement, c’est aussi un hymne poignant à la littérature, à ses univers fertiles, aux représentations qu’elle provoque en chacun d’entre nous, notamment au fil des incursions virtuelles dans les ouvrages, dont ceux de Jules Verne, Ray Bradbury, Albert Camus, etc. Il y a également pas mal d’action et de suspense dans ce bouquin qui se destine en priorité aux jeunes mais que les adultes peuvent sans le moindre problème entreprendre (et je recommande d’ailleurs fortement cette lecture à tout le monde). Même si certains passages (notamment lors des expériences virtuelles vécues dans les récits, presque des infiltrations humaines) risquent d’être un peu ardues pour certains, voilà une inoubliable expérience de lecture, saturée de symboles, comme le rapprochement d’Allis et du gourou des ZZ, avec leurs handicaps si poignants. Réellement, une pépite, et je m’en veux vraiment de la découvrir plus de vingt ans après sa publication.

    06/12/2019 à 17:20 1

  • Le Mystère Baphomet

    Brice Cossu, Jean-Charles Gaudin

    6/10 Fin du 13ème, en France. Une troupe de troubadours viennent à l’invitation du seigneur Geoffroi. Sur place, deux assassinats : une créature a massacré ces marchands et lacéré leurs visages de ses griffes, laissant des traces de bouc dans son sillage. Serait-ce le terrible Baphomet ? Je ne suis pas un grand habitué des bandes dessinées, et c’est avec plaisir que je me suis lancé dans ce premier opus d’une série. Les traits sont fins, classiques mais séduisants, et sont vraiment agréables à regarder. L’ambiance médiévale – quoique beaucoup trop idéalisée et aseptisée – est plaisante, et l’intrigue se laisse lire avec plaisir. J’ai cependant deux reproches. La quatrième de couverture parle de Senelia, l’héroïne, en ces termes : « [elle] possède un don exceptionnel pour résoudre les énigmes les plus fantastiques ». Mouais… Elle est opiniâtre, très observatrice, n’a pas peur de scruter les cadavres pour découvrir des indices, mais de là à la décrire comme un limier surdoué et génial, c’est sacrément exagéré. Et même si l’histoire, purement policière, se tient plutôt bien, la concision de l’ouvrage fait que les pages défilent un peu trop vite, sans ménager de réel suspense, et la résolution de l’intrigue et la révélation de l’identité du criminel en deviennent finalement trop faciles. Mais je ne boude pas mon plaisir global, j’ai plutôt passé un agréable moment avec cette bande dessinée même si je n’ai pas été vraiment convaincu.

    06/12/2019 à 17:19 1

  • Détective Conan Tome 58

    Gosho Aoyama

    6/10 La suite et fin de l’énigme entamée dans l’opus précédent, toujours dans l’hôpital, avec des courses-poursuites, un incendie, le FBI et la CIA, une contamination majeure, une bombe, des explosions, et l’ombre de l’organisation des hommes en noir. Moi qui suis assez insensible aux histoires de complots, me voilà moyennement servi… En plus, moi qui apprécie habituellement les histoires courtes, bien rythmées, où l’on trouve toujours son bonheur dans ce bouquet de récits plutôt courts, tout un opus sur une même histoire, ça aura été de trop pour moi. Il y a bien des passages intéressants et qui ont réveillé mon attention (comme le coup du « Shilanpouli »), mais cet épisode, trop long à mes yeux, trop filandreux, trop bâti comme une histoire d’espionnage, et trop différent de ce que fait habituellement Gosho Aoyama, n’est pas en soi médiocre ni mauvais, mais il n’était pas à mon goût, tout simplement, en toute subjectivité.

    06/12/2019 à 17:18 1

  • Du bruit sous le silence

    Pascal Dessaint

    8/10 Maurice Tamboréro, demi de mêlée du Racing Club de Toulouse, est abattu d’une balle alors qu’il se déplace à vélo. Deux policiers mènent l’enquête : Elie Verlande, ayant quitté Dunkerque depuis peu, et Benoît Terrancle, natif de la ville rose et ancien rugbyman. Qui pouvait en vouloir à un homme et un sportif aussi respecté que celui que l’on surnommait « Tambo » ?

    Pascal Dessaint, à qui l’on doit, entre autres, de grands succès comme Le Bal des frelons, Tu ne verras plus ou Un homme doit mourir, s’intéressait dans cet ouvrage, sorti en 1999, au milieu du rugby, avec le talent qu’on lui connaît. Sa plume est riche, admirable, offrant une immense profondeur à ses personnages et s’illustrant également dans des dialogues qui claquent et sonnent avec justesse. Deux protagonistes s’illustrent : Elie Verlande, fraîchement débarqué de son Nord natal, accompagné de sa vieille mère alcoolique et acariâtre, et en butte aux critiques acides de son frère. Il y a également Benoît Terrancle, un pur produit local, ancien rugbyman aux élans sportifs brisés, capables de sacrés coups de sang, et poursuivi par les ardeurs de la jeune Mathilde. L’enquête, de prime abord, semble passer au second plan, car c’est l’amour de Pascal Dessaint pour Toulouse et pour le ballon ovale qui transparaît. Un monde de dureté et d’engagement, où se mêlent également de puissantes valeurs humaines et des exigences morales inégalées. Même les lecteurs béotiens en la matière en comprendront assez rapidement les règles et leurs grandes lignes, notamment grâce au neuvième chapitre où Terrancle explique les lois du rugby à Verlande, notamment grâce à un dessin. On trouve également de savoureuses scènes, comme celles avec les deux policiers Gautran et Blondeau qui ne peuvent s’exprimer qu’en enchevêtrant leurs phrases. A mesure que les pages, prenantes, défilent, l’intrigue gagne en force, et quand elle en vient à se résoudre, elle s’avère à la fois plausible et surprenante. Et le final va bien au-delà de ce que l’on était en droit d’attendre : un épilogue muni de plusieurs tiroirs, sombres et marquants, dont aucun de nos deux limiers ne sortira indemne.

    Une véritable réussite littéraire, charpentée et originale, lauréate en 2000 d’un bien mérité Grand Prix de littérature policière dans la catégorie des romans français.

    03/12/2019 à 16:59 5

  • Nuits grises

    Patrick S. Vast

    8/10 Kevin et Pauline forment un couple au bord de la misère. Malgré tous leurs efforts, ils ne parviennent pas à s’en sortir. Aussi, à force d’insister, Victor, le fils de la propriétaire de leur logement, finit par obtenir ce qu’il désire : coucher avec la jeune femme. Mais Kevin est témoin de l’acte, et il profite de la première occasion pour tuer le pervers, avec l’aide de Suzy, leur voisine. Et c’est le début d’une mécanique qui va tous les broyer.

    Patrick S. Vast est un des auteurs français qui maîtrise le mieux le thème de l’engrenage. Des protagonistes tout ce qu’il y a de plus anodins, crédibles et parfois paumés, mettant en mouvement, à leur corps défendant, un terrible engrenage. La Veuve de Béthune (dont l’épigraphe de ce roman lui est dédié, dix ans après sa parution), Potions amères ou encore Passé double sont, à cet égard, des modèles du genre. Ici, on retrouve avec délectation le style de l’écrivain : une situation on ne peut plus plausible, une écriture encore plus sèche que d’habitude, presque rognée jusqu’à l’os, et une intrigue intelligemment bâtie, dont aucun des personnages ne sortira indemne. Une succession habile et imparable d’événements, interrelations, et malheureux coups du sort, tous adroitement entremêlés, et qui constituent autant de roues dentées qui viennent s’emboîter les unes aux autres. Un pitch désarmant de simplicité et dont Patrick S. Vast tire ce qu’il y a de plus efficace : une intrigue élémentaire et, paradoxalement, d’autant plus forte, sans le moindre temps mort, et s’achevant, deux cents quarante pages plus tard, sur un épilogue imparable, dont l’ultime phrase suffit à rebattre les cartes.

    Une autre réussite littéraire de la part de Patrick S. Vast, sombre et pertinente, où l’auteur intègre également une note sociale, voire sociologique, ou comment des êtres désemparés, gangrénés par la misère, en viennent à commettre l’irréparable, sans pour autant jeter l’anathème sur leurs malheureuses âmes.

    03/12/2019 à 16:39 3

  • Un Noël de Maigret

    Georges Simenon

    7/10 … ou comment notre célébrissime commissaire, en repos avec son épouse, en vient à enquêter à la demande de deux dames habitant en face de chez lui, parce que la jeune nièce de l’une d’entre elles (en réalité, presque sa fille adoptive) a vu un Père Noël s’introduire dans sa chambre pour soulever les lames de son parquet. Malgré la concision du texte (une nouvelle de quatre-vingt-dix pages environ), on retrouve sans mal le ton de Georges Simenon, la maestria de ses mots si frêles et comptés, et paradoxalement si puissants et évocateurs. L’intrigue, en soi, marque un peu le pas, et ne constitue pas le point le plus fort du récit, puisque certains éléments sont aisément devinables, et l’auteur abandonne une partie de sa noirceur et de son acidité, mais elle n’en demeure pas moins très lisible. Ce qui a plus retenu mon attention, c’est au contraire la bonhommie de Maigret (cf. ses relations avec Lucas qui s’identifie avec bonheur avec celui qu’il considère comme son mentor), la bienveillance de sa relation ai apaisée avec son épouse (qui est ici un personnage à part entière), et surtout cet épilogue, les dernières lignes, si fortes et poignantes, où l’on comprend que l’absence auprès du couple Maigret est un véritable crève-cœur. Un petit bonheur d’émotion, moins de pure littérature policière.

    01/12/2019 à 17:28 2

  • Je suis CharLiberté !

    Arthur Ténor

    9/10 … ou comment des adolescents du collège Rousseau, choqués par l’attentat sanglant contre le journal satirique « Charlie Hebdo » décident de fonder le leur, dans leur établissement, et intitulé « CharLiberté ». J’aime beaucoup la plume d’Arthur Ténor, et j’étais curieux de voir comment il allait traiter ce sujet, brûlant, d’autant qu’il s’adresse à des jeunes, son lectorat privilégié. Je n’ai pas été déçu : une maîtrise indéniable du rythme, du choix des mots, de la peinture des personnalités, de celle des sentiments. Il y a également pas mal d’humour, dans les réparties notamment, et de réelles notions abordées avec tact, intelligence et humanité. L’idée pouvait devenir une coquille vide, une accumulation de clichés, voire une transposition dans l’univers des jeunes de propos adultes, mais il n’en est rien : c’est élégant, bien tourné, avec des réflexions juste (notamment avec « l’ultrareligieuse », l’épisode de la vendetta contre la maison de Tom, ou encore le contremploi de Joé, brute épaisse devenant membre du comité de rédaction, avec un habile jeu sur les « intellos »). Cependant, si tout ça peut paraître gentillet, il y a la fin : inattendue, forte, déchirante, et qui fait un lien puissant et fort symbolique avec la tragédie du Charlie. Un opus fort, dont l’épilogue ainsi que tout le déroulé fait amplement réfléchir et mûrir de légitimes pensées quant à la liberté d’expression, la pluralité, et tout ce qui compose une société où tout le monde doit admettre et respecter son voisin et son prochain, tout en gardant son libre-arbitre.

    01/12/2019 à 17:26 2

  • Les Arènes

    Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann

    6/10 Un opus qui commence avec une esthétique que j’ai trouvée médiévale (mais certainement due aux décors, bien troussés), voire proche de celles de péplums (influencé que je suis par les costumes des maîtres des lieux) et réussie. Mais pour ce qui est du scénario, comme les autres lecteurs, j’ai trouvé ça un peu faible, quelque part entre du survivalisme face aux épreuves et du Fort Boyard. Finalement, ça me fait penser à un opus-entracte, comme on en trouve parfois dans certaines séries, soit de transition, soit pour que le scénariste et/ou le dessinateur puissent s’offrir une (légitime) pause entre deux tomes plus percutants. Bref, rien de dramatique non plus, pas un opus pour rien, mais avec ce goût de déjà-vu et de déjà-lu, ça ne m’a vraiment pas mis les poils.

    01/12/2019 à 17:25 2

  • Old Boy 1

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    9/10 Je connaissais de nom de manga ainsi que le film qui en a été tiré, mais je n’avais pas lu l’un ni vu l’autre. J’ai aussi vu les critiques élogieuses de Fredo et de gamille67 (merci à eux !), alors je me suis lancé dans l’aventure, et je n’ai vraiment pas été déçu. Malgré un graphisme qui a un peu vieilli (il a plus de vingt ans), ce premier opus est étourdissant. Ou comment un homme est séquestré, pour on ne sait quelle raison, pendant dix ans dans une cellule contenue dans un building japonais, à l’étage « 7,5 », avec une télévision et la possibilité de faire de la musculation comme seules compagnes, et est libéré subitement pour une raison tout aussi ténébreuse. Cet « homme sans nom », comme le dit le titre du troisième chapitre, va se poser de légitimes questions tandis que des inconnus continuent de lui tourner autour. Un scénario béton et très addictif, une esthétique certes un peu datée mais toujours sombre et très efficace, pour un manga très fort qui me donne envie de me ruer sur le tome suivant !

    01/12/2019 à 17:23 2

  • Détective Conan Tome 57

    Gosho Aoyama

    7/10 La résolution de la dernière intrigue présente dans le tome 56, avec également une pendaison. Un autre meurtre en chambre close, élégamment résolu, d’autant que la victime était réduite à un atroce dilemme. Un chanteur d’un groupe de hard rock, digne avatar de Kiss, dont le manager est retrouvé poignardé. Le cœur de l’intrigue consiste à savoir où se trouve un miroir : une démonstration de physique permettra de résoudre l’énigme. Les hommes en noir ressurgissent dans la dernière enquête, proche de l’espionnage, mais qui me laisse, à ce stade, assez froid, peut-être parce que cette histoire d’hommes en noir ne m’a jamais passionné. Mais dans sa globalité, objectivement, c’est de nouveau un bon opus de la série dédiée au détective Conan.

    22/11/2019 à 20:17