El Marco Modérateur

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  • Le Diable dans le beffroi

    Edgar Allan Poe

    6/10 Dans le village hollandais de Vondervotteimittiss, chacune des soixante petites maisons qui la composent se ressemblent, un cénacle de vieux veille à ce que rien ne change, et surtout pas l’inclination profonde de la population pour les horloges bien réglées et les choux. Mais quand un jeune freluquet décide de donner un grand coup de pied dans cette organisation millimétrée, ça va faire du barouf. Une nouvelle humoristique, assez déstabilisante, où le démon prend une apparence bien différente de celles des autres écrits du sieur Poe, pour un récit gentiment bouffon mais qui n’en oublie pas pour autant sa caractéristique surnaturelle. Dispensable à mon goût, moi qui apprécie les œuvres plus fantastiques et sombres de l’écrivain.

    05/07/2020 à 19:39

  • Le Coeur révélateur

    Edgar Allan Poe

    9/10 Le monologue enfiévré d’un homme qui a voué une haine sans pareille à un vieillard, obsédé par son « œil de vautour », qui ira jusqu’à le tuer, le démembrer et dissimuler ce qui reste de son cadavre, jusqu’à ce que… Une nouvelle à chute brillamment écrite – fallait-il attendre autre chose de la part d’Edgar Allan Poe ? – et magnifiquement traduite, pleine de tension et de la démence dont, paradoxalement, le narrateur anonyme tente de nous convaincre du contraire. Ma seule restriction à cet avis presque parfait serait à la rigueur le choix du titre, trop transparent.

    05/07/2020 à 19:37

  • La Théorie du complot

    Arthur Ténor

    7/10 … ou comment Sébastien Karminsky, un collégien un peu asocial et geek jusqu’au bout des doigts, amateur de rumeurs et autres canulars qu’il aime répandre sur la Toile, en vient à être bouleversé par les attentats du 13 novembre… et décide d’en rajouter une couche de complotisme, jusqu’à être contacté par un personnage baptisé « Lucidas » qui va le faire entrer dans une spirale infernale. L’histoire, très crédible, a fait mouche en ce qui me concerne, et je me suis fait embarquer, de la première à la dernière page de ce roman pour la jeunesse, très bien bâti et intelligemment écrit. Arthur Ténor sait ce qu’est un ado, comprend ses angoisses et ses contradictions, et a imaginé un personnage de Sébastien criant de vérité, au même titre que les autres, de Kévin à Hespérie, tout comme sa mère – veuve – qui va vivre le même calvaire que son enfant. La suite de la vrille dans laquelle bascule notre pro de l’informatique et de la désinformation est savoureuse, à la fois plausible, et c’est justement ce qui la rend d’autant plus inquiétante. Une histoire qui était, est et restera d’actualité, et dont je ne « regrette » finalement que la fin, un peu trop heureuse à mon goût, contrairement à « Je suis CharLiberté ! » (du même auteur et un peu sur le même thème), et donc moins percutante.

    05/07/2020 à 19:35 1

  • Conversation d'Eiros avec Charmion

    Edgar Allan Poe

    6/10 … ou le dialogue entre deux entités, probablement d’ordre divin, à savoir Eiros et Charmion, qui devisent après qu’une comète a ravagé la Terre telle qu’ils la connaissaient. Il relate les prémices de la catastrophe, les réactions des individus humains, les réactions teintées de sciences ou de religion, et l’acceptation de l’apocalypse prochaine. Un exercice de style très agréable, parfois théâtral (ne manque que la didascalie), mais qui, au final, ne me marquera pas durablement, en raison, peut-être, du manque d’une chute inattendue, d’une plus grande profondeur psychologique quant à la fin du monde, de l’antinomie science/religion, que sais-je encore.

    05/07/2020 à 19:34

  • Baptism - Tome 03

    Kazuo Umezu

    8/10 Ce troisième opus commence avec le fait que Nakajima a échappé au piège du bunker enseveli tendu par Sakura. Le professeur Tanikawa commence à avoir quelques doutes sur l’identité de Sakura tandis que cette dernière découvre la première tache sur son visage. Elle va alors demander de l’aide à une camarade, Ryoko, pour dissimuler temporairement cette horreur qui ne cesse de croître. Le long flashback éclaire avec intelligence la jeunesse d’Izumi, ses débuts au cinéma, sa lente déchéance psychologique en raison du flétrissement de sa beauté, et la genèse de son plan diabolique. Un chaînon important dans la série, et la survenue du personnage du journaliste augure du meilleur pour le quatrième et dernier tome.

    05/07/2020 à 19:32 1

  • 1, 2, 3, nous irons au bois

    Philip Le Roy

    8/10 Fanny, lycéenne adepte des réseaux sociaux, est approchée pour participer, avec neuf autres jeunes, au défi intitulé Ne reviens pas !. Le but : demeurer le dernier des compétiteurs dans une forêt du sud-est de la France sans avoir appelé au secours. Une forêt où l’on prétend que des suicides ont déjà eu lieu et des apparitions inquiétantes également. Sauf que les dés semblent pipés. Et si ce jeu n’était qu’un traquenard ?

    Après le très réussi Dans la maison, Philip Le Roy revient avec un ouvrage très proche du précédent. Un opus destiné à un lectorat plutôt adolescent, même si sa lecture conviendra amplement à des adultes. D’entrée de jeu, le ton est donné : l’auteur va jouer à fond – et avec beaucoup de talent – la carte des émotions fortes. Car rien ne sera épargné à nos joueurs : hallucinations, présence d’animaux féroces, existence de fantômes et autre agresseurs surnaturels, bruits inquiétants, sans compter une étrange maison bâtie au fond des bois. Les rebondissements, incessants, ainsi que les cliffhangers vont se multiplier, faisant passer à une vitesse folle les soixante-quatre chapitres de ce livre étourdissant. Philip Le Roy maîtrise les codes du genre, qu’ils soient littéraires ou cinématographiques, et nul ne doute qu’il saura faire passer, avec ce roman explosif, d’excellents – et anxiogènes – moments à son lectorat. Dans le même ordre d’idée, il a su se mettre à la place de celles et ceux à qui il destine cet opus, notamment au niveau des attitudes et des psychologies : chacun des candidats rappellera nécessairement une connaissance aux lecteurs, et son art consommé pour les punchlines efficaces et humoristiques séduira tout autant. Le final est réussi, avec un enchevêtrement de poupées gigognes, la dernière à être dévoilée étant particulièrement réussie, et offrant une morale intelligente sans pour autant être vaniteuse ni moralisatrice.

    Encore un très bon roman que nous livre Philip Le Roy ; qu’il s’adresse aux adultes ou aux plus jeunes, souhaitons que cet auteur continue de nous divertir et de nous surprendre pendant encore de très longues années.

    30/06/2020 à 21:34 3

  • La Cité perdue du dieu singe

    Douglas Preston

    9/10 La Mosquitia. Un territoire isolé à l’est du Honduras. Des déclarations nombreuses, remontant pour les plus anciennes au XVIe siècle, indiquent la présence potentielle d’une incroyable « cité blanche ». Un simple mythe pour les incrédules, une probabilité pour d’autres. L’écrivain Douglas Preston fait partie des seconds. Et c’est avec une équipe qu’il se rend sur place, en quête d’une civilisation disparue.

    De Douglas Preston, on connait surtout la série consacrée à Pendergast qu’il coécrit avec Lincoln Child, mais c’est oublier bien vite qu’il est un grand arpenteur du globe terrestre et de ses secrets, en plus de continuer à collaborer avec de nombreux journaux. Il nous livre ici le stupéfiant voyage auquel il a participé, au Honduras, à la recherche de cette prétendue cité du dieu singe. Un périple qui commence par une préparation rigoureuse : l’auteur nous explique les diverses connaissances que l’on a sur le sujet, le contexte du Honduras (avec ses maladies, sa faune terrifiante, sa corruption, ses narcotrafiquants, etc.), ainsi que les multiples témoignages, depuis les Conquistadors jusqu’à certaines expéditions très récentes. Une érudition remarquable qui jamais ne se montre pesante. Puis vient l’opération, avec ses tracas administratifs et ses dangers, depuis la présence de phlébotomes et serpents fer de lance (les quelques photos présentes au milieu du livre sont impressionnantes) comme de maux méconnus comme la leishmaniose. Douglas Preston ne tire jamais la couverture à lui : il rend à chacun de ses équipiers ses mérites, et il ne tarit jamais d’éloges à propos de ses camarades ni ne manque de se reprocher certains manquements. Certains passages, même si l’on est absolument béotien en la matière, en deviennent même palpitants : depuis les méthodes agraires chez les Mésoaméricains jusqu’aux jeux et sacrifices mayas, des controverses suscitées par cette équipée à laquelle il a pris part jusqu’au devenir de nos propres civilisations, en passant par certaines anecdotes, amusantes à propos de l’acteur Harrison Ford et de Bear Grylls, comme effarantes à propos des maladies qui ont exterminé le Nouveau Monde.

    Un véritable festin d’intelligence, d’intrépidité et de sagesse, mais qui demeurent résolument humbles. Douglas Preston nous offre un prodigieux livre documentaire sur cette découverte archéologique. C’est tout autant un témoignage sur une civilisation disparue que sur celles qui pourraient également, à terme, s’éteindre.

    25/06/2020 à 18:09 5

  • Le Riche homme

    Georges Simenon

    8/10 … ou comment Victor Lecoin, dit « le riche homme », en vient à nourri un amour soudain, inattendu et exclusif pour Alice, la nouvelle domestique de la maison qu’il occupe avec son épouse, et de plus de trente ans sa cadette. Physiquement solide et imposant, cultivateur de moules, Lecoin a réussi dans la vie mais n’est guère très épanoui aux côtés de sa femme frigide, Jeanne, au point qu’il doit aller satisfaire ses besoins sexuels auprès d’autres dames. Mais l’arrivée dans sa sphère de la (très) jeune Alice va changer la donne : il va rapidement nourrir pour elle des sentiments passionnés, même si l’adolescente, déjà bien heurtée par la vie après être passée par l’assistance publique et avoir subi des gestes inappropriés de la part de son ancien patron, ne lui offre pas en retour les sentiments qu’il ressent. Une œuvre encore une fois fort sombre de la part du gigantesque (tant du point de vue de la quantité d’œuvres produites que de leur qualité) Georges Simenon, et typique : écriture minimaliste, acide lorsqu’il s’agit de pointer les contradictions, mœurs, et faiblesses de ses contemporains, décrivant avec une tempérance de mots remarquable cette espèce de déclivité qui va conduire Lecoin vers une inclination puissante et obsédante. Certains passages sont assez crus du point de vue charnel, d’autant qu’ils mettent en scène un quadra-quinqua en train de déflorer une ado de seize ans, et le final est à l’instar de l’opus : noir, dur, désespéré. Quelques pages de férocité, où se mêlent les conséquences inattendues d’une forte humanité, abattement moral et chicanes de couple (à cet égard, les deux dernières lignes sont un véritable brûlot). Bref, encore une fois, une œuvre à la fois mordante et toxique, au scénario pourtant très simple et crédible, mais dont Georges Simenon tire la substantifique moelle de cruauté.

    22/06/2020 à 19:36 1

  • Jour de fête

    Dominique Sylvain

    8/10 … ou l’étrange tribulation de Mathilde, qui travaille comme aide à la personne, et qui a décidé de fêter un anniversaire avec sept bougies, « deux roses, cinq bleues ». Mais qui est-elle, et que cherche-t-elle vraiment à célébrer ? Par petites touches, très délicates, le lecteur va remonter le fil du passé de la jeune femme, depuis sa terrible relation avec le « Vieux Saligaud », à savoir son grand-père, et comprendre la mission qu’elle s’est fixée. Une nouvelle très courte, à la plume presque enjouée, et dont le ton vient, paradoxalement, se fracasser sur l’horreur des faits développés – parfois juste évoqués, d’ailleurs, mais que Dominique Sylvain n’a pas besoin d’expliciter outre mesure puisqu’ils deviennent immédiatement compréhensibles. Un texte à la fois sobre, d’une allégresse trompeuse, et malheureusement crédible, qui s’achève de manière émouvante, avec une référence – probablement voulue – au destin de Virginia Woolf.

    22/06/2020 à 19:34 1

  • Deathco tome 2

    Atsushi Kaneko

    7/10 On rebascule illico dans l’action, avec Deathko qui élimine des tueurs à gages dans le décor portuaire de containeurs accumulés avec ses poupées diaboliques, et l’action se poursuit sur un petit bateau de pêche. Un graphisme toujours aussi épuré, qui emprunte au gothique et aux ambiances à la Batman et à la Tim Burton. Apparaît un nouveau personnage, le chauffeur, Lee, aux allures de vampire en queue-de-pie, ainsi que Kaho et sa bande de pom-pom girls, elles aussi tueuses à gages. Deathko, dans l’ultime partie de ce manga, affronte un ennemi robuste dans une usine désaffectée, s’achevant pour elle sur une situation peu enviable. Vivement la suite de cette série déjantée et qui ne ressemble à aucune autre !

    22/06/2020 à 19:33 2

  • Clair de loup

    Thierry Lenain

    7/10 Paola, une gamine qui n’est toujours pas parvenue à faire son deuil de sa grand-mère, en vient à côtoyer les Gaillard, une famille d’accueil, chez qui se trouve Lou, un garçon de son âge. Discret, presque secret, le gamin a été recueilli alors qu’il était visiblement élevé par des loups, ce qui continue d’attiser la méfiance des villageois à son égard, voire une forme larvée d’hostilité nourrie par les rumeurs les plus folles, d’autant que des silhouettes animales rôdent dans les parages… Un court et joli roman pour la jeunesse, ensemencé de bons sentiments (le sens de l’amitié, voire une inclination amoureuse de Paola pour Lou, le respect de l’altérité, la lutte contre les préjugés, etc.) et qui y mêle le concept de la lycanthropie. Thierry Lenain a signé en 1994 un bel opus, simple et efficace, très agréable à lire, qui n’a rien perdu de son charme.

    21/06/2020 à 19:39 1

  • L'Indicible

    Howard Phillips Lovecraft

    7/10 … ou comment deux amis discutent près d’un cimetière. L’un, Carter, le narrateur, est écrivain, féru de surnaturel (une sombre histoire familiale l’obsède) et persuadé de l’existence de forces occultes, tandis que son ami, Manton, ne croit qu’au « bon sens ». Mais une rencontre fera basculer les convictions cartésiennes de Manton. Une langue raffinée, une atmosphère pesante et anxiogène habilement plantée, et un dénouement classique mais efficace. Je n’ai pas boudé mon plaisir, loin de là, mais je ne suis pas persuadé de me souvenir longtemps de cette nouvelle, non pas en raison de sa – grande – qualité, mais surtout parce que rien de très mémorable n’émerge à mes yeux de l’ensemble.

    21/06/2020 à 19:30 1

  • William Wilson

    Edgar Allan Poe

    9/10 … ou le récit quasiment schizophrénique d’un homme qui, pour les besoins de l’histoire, afin de protéger son anonymat, se renomme « William Wilson ». Ce personnage, enfant est particulièrement malin et versé dans les études, jusqu’à ce qu’un nouvel élève ne vienne lui permettre d’assoir totalement sa supériorité intellectuelle sur les autres élèves. Ce nouveau venu a d’ailleurs trois particularités : il a le même prénom, le même nom, et est né le même jour que lui. Désormais, ça sera un chassé-croisé étonnant et détonant d’où surgira, sans qu’il ne s’agisse d’un murmure, la mort et la folie. Une nouvelle un peu plus longue qu’à l’accoutumée, peut-être un peu longue à démarrer (les descriptions un peu étirées sur la maison d’enfance du narrateur n’ont pas eu de charme particulier sur moi), mais ensuite, j’ai trouvé ça prodigieux. Et il y a surtout ce final, vertigineux et en quelques lignes, qui constitue une sorte de pendant au « Horla » et autres récits horrifiques sur l’identité. Un bijou.

    21/06/2020 à 19:28

  • Puissance de la parole

    Edgar Allan Poe

    5/10 La conversation entre deux êtres devenus séraphins, Agathos et Oinos. Agathos essaie de persuader son compagnon que, sur de simples procédés presque physiques, tout se crée et peut se répercuter à l’infini, du mouvement de l’air engendré par un mouvement de la main, jusqu’à (d’où le titre de la nouvelle) la puissance de la parole. De nombreuses notions sont ici abordées dans cette (très courte) nouvelle, de la religion (certains propos, comme le note l’un des interlocuteurs, l’auraient envoyé au bûcher du temps de l’Inquisition) à la science physique, du pouvoir de la création à l’apocalypse, en passant par la force de l’amour, laissant des traces palpables même bien longtemps après qu’il sera mort. Malgré les qualités d’écriture, je suis resté relativement imperméable au concept, éthéré et philosophique en diable, de ce texte, probablement parce que je ne m’attendais pas à cela, ni ne souhaitais être embarqué dans ces échanges – pourtant intéressants et parfois brillants – qui m’ont parfois semblé un chouia trop aériens.

    21/06/2020 à 19:27

  • L'Île de la fée

    Edgar Allan Poe

    6/10 Un texte plaisant où le narrateur, porté sur la contemplation en vient à découvrir une île autour de laquelle passe une femme aux allures de fée dans une embarcation. Des réflexions sur ce qu’est la beauté, notamment dans les arts, avant qu’il ne vienne à nous conter son expérience d’admiration où les ombres et leur pouvoir vont avoir leur importance. Je ne suis pas certain que cette nouvelle me marquera, néanmoins, j’en ai apprécié la lecture.

    21/06/2020 à 19:23 1

  • Le Puits et le Pendule

    Edgar Allan Poe

    9/10 … ou le récit d’un homme, à Tolède, condamné par l’Inquisition, et qui va vivre un véritable cauchemar. La fatigue, la faim, la soif, les rats, les questionnements incessants, bien évidemment, mais également des pièges – très raffinés – imaginés par ses geôliers et bourreaux, pour le torturer plus psychologiquement que physiquement. D’ailleurs, moi qui pensais de prime abord que le titre était purement symbolique, en fait, il n’en est rien : je laisse le soin aux lecteurs de découvrir en quoi consiste les deux des trois principales techniques d’élimination (la première n’étant à mes yeux que d’un intérêt banal) qui sont à la fois très visuelles et diablement originelles pour l’époque (elles ont d’ailleurs été à plusieurs reprises été réexploitées par le cinéma depuis). Et toujours la langue de l’écrivain, remarquable pour sublimer le côté anxiogène de ses récits. Un bémol cependant : la fin, trop en décalage avec le ton global du texte.

    21/06/2020 à 19:22 1

  • L'Ange du bizarre

    Edgar Allan Poe

    6/10 … ou comment un homme (le narrateur), tombé par hasard dans un journal sur une mort absurde, en vient à injurier ce journaliste et réfuter la réalité du fait. C’est alors qu’apparaît un être étrange, « L’Ange du bizarre », fermement décidé à lui montrer à la fois sa puissance de nuisance et l’existence concrète d’une forme de poisse qui peut s’abattre sur les individus. Une nouvelle qui mêle fantastique et humour, assez débridée, mais qui a deux écueils à mon avis : une idée fort sympa desservie par une surabondance d’éléments bouffons, voire grotesques, et les mots déformés prononcés par la créature (extraits : « il vaut gué phus zoyez zou gomme ein borgue, bur ne bas me phoir gan dche zuis azis isi à godé te phus » ou « guelle phile esbesse de vaguin mal ellefé haites-phus tongue, bur tementare à ein tchintlemane et à ein anch z’il vait tes avaires ») qui deviennent vraiment soûlants, car il y en a pléthore.

    21/06/2020 à 19:20

  • Hop-Frog

    Edgar Allan Poe

    8/10 … où il est question du bouffon d’un roi, Hop-Frog, à la fois amuseur de ce monarque aux plaisirs grossiers, boiteux et nain, ami d’une autre naine, Tripetta, qui décide à son public constitué du monarque et de sept de ses ministres, de leur faire la démonstration d’une représentation où l’auditoire est partie prenante après un geste d’exaspération du tyran. Une nouvelle savoureuse, riche en symboliques diverses (j’ai lu ensuite l’article de Wikipédia qui m’a éclairci sur quelques points probablement autobiographiques de l’histoire), et imparable du point de vue du déroulement et de la mise en scène, particulièrement visuelle.

    21/06/2020 à 19:18

  • Le Cri

    Nicolas Beuglet

    7/10 Un thriller qui commence vite et fort, avec le mystère de ce patient 488 découvert mort au terme de ce qui ressemble à une autostrangulation. Je découvre l’œuvre de Nicolas Beuglet avec ce roman, et j’ai passé un agréable moment en sa compagnie. Un style fluide et une écriture qui ne s’embarrasse pas d’envolées lyriques ou de beaux mots (dommage, j’aime bien quand les auteurs nous prouvent que de belles tournures de phrases et un vocabulaire enrichi ne sont pas antinomiques à une lecture limpide), un scénario apte à tailler des croupières à ce que font les auteurs américains, et des ressorts presque cinématographiques. Dans le même temps, comme souvent avec ce type de littérature, j’ai eu du mal avec certains clichés et personnages (ces derniers étant souvent, à mon goût, d’une épaisseur psychologique proche de celle de l’hippocampe), sauf peut-être pour Mark Davisburry qui m’a étonnamment plu dans son rôle de méchant désarçonné par la révélation finale. Je ne compte pas les coups du sort, où notre duo tombe au bon endroit au bon moment sur la bonne personne et s’en tire de la presque meilleure des façons. Beaucoup de moments et de scènes invraisemblables, ou comment deux individus, presque lambdas, en viennent à enquêter sur un complot à l’échelon mondial, datant de la Guerre froide, impliquant notamment la CIA, et capable de bouleverser notre vision de l’univers, de la mort, de la religion, etc. Indéniablement, le style immédiat et sans fioriture de Nicolas Beuglet aide à faire défiler les quelque 550 pages de ce thriller ultra calibré, et je n’ai pas perdu mon temps ni regretté cette lecture prenante et efficace. Néanmoins, je persiste à penser que le talent de l’écrivain lui aurait permis de sortir de certains chemins déjà trop empruntés et balisés, renouveler cette sempiternelle valse des psychologies si banales des protagonistes, et nous éviter des instants tellement téléphonés qu’on a envie de décrocher avant leur arrivée. En revanche, comme je le disais précédemment, une mention particulière pour l’épilogue entre Davisburry et le confesseur, qui m’a très agréablement surpris et séduit, en finalement peu de pages, et qui apporte un éclairage intéressant et novateur à l’ensemble de l’ouvrage.

    14/06/2020 à 16:35 5

  • Partie de foot

    Hervé Jourdain

    9/10 … ou la sauvagerie, monstrueuse, inhumaine, animale, des islamistes en Irak. Quelques scènes, croquées avec la plume riche et impitoyable d’Hervé Jourdain, de violences et barbaries perpétrées par ces êtres dont les reliquats d’humanité se sont liquéfiés dans la rage de leur sectarisme. Un condensé d’atrocités vues à travers les yeux du jeune Hemin, où rien n’est épargné au lecteur. Une nouvelle accablante d’impérativité, parce qu’il ne faut JAMAIS RIEN OUBLIER, et dont le seul « défaut » (il aurait fallu que je mette des dizaines de paires de guillemets autour de ce terme) est le choix du titre dont on devine, presque dès l’ambiance sinistre posée, à quoi il fait en réalité référence.

    11/06/2020 à 18:30 2