El Marco Modérateur

3271 votes

  • Doubt volume 3

    Yoshiki Tonogai

    7/10 Après tant de temps après le tome 2 (dont j’avais gardé un souvenir plutôt sympa), je replonge dans cet univers anxiogène de folie et de paranoïa. Le suspense est bien maintenu, et l’identité du tueur revêtant un masque de lapin demeure inconnue malgré quelques pistes. Le graphisme est léché et a plutôt bien vieilli, et l’intrigue, sans être renversante d’originalité, saisit bien l’attention. Quelques bons moments, comme cet affrontement presque final dans les toilettes. Le seul hic, à part le léger manque d’originalité, est que j’ai un peu oublié l’intrigue depuis le temps, ce qui fait que j’ai eu du mal à me remémorer les deux opus précédents, et donc leurs tenants et aboutissants.

    06/01/2021 à 19:48 1

  • Secret d'état

    Jack Heath

    8/10 Parce que sa famille a désespérément besoin d’argent, Jarli Durras accepte de participer à une proposition émanant du Ministère de la Défense australien : utiliser la fameuse application qu’il a développée afin de vérifier si l’interlocuteur ment ou pas lors de la conférence de presse du Ministre. Sauf que Jarli ne se doute absolument pas du fait qu’il est tombé dans un piège.

    Troisième épisode des Chroniques de Kelton, ce Secret d’Etat séduit à la même vitesse que les deux précédents opus, à savoir d’entrée de jeu. On y découvre Jarli et son camarade Doug en train de s’adonner au combat de robots avant que le passé de Doug ne revienne à la surface de manière imprévue. Jack Heath, à qui l’on doit également beaucoup d’autres ouvrages pour la jeunesse ainsi que l’excellent Mange tes morts, nous revient en très grande forme, avec cette intrigue aux nombreux rebondissements, où se mêlent diverses histoires et questions mystérieuses. Qui est cet étrange « Ninja rouge » dont la silhouette hante les nuits de la ville de Kelton ? Le magnat Plowman cache-t-il certains secrets ? Quel est le lien avec cette histoire de raid manqué et d’adolescents ayant disparu ? Toutes ces interrogations connaîtront leurs réponses au gré de cet opus particulièrement nerveux et enlevé, mais où jamais l’action ne devient pesante au point d’écraser les autres fondements que sont la réflexion ou les sentiments. Jack Heath parvient à nous emmener du début à la fin de l’ouvrage sans que l’on s’en rende compte, avec un final sacrément étourdissant autour de la révélation de l’identité – provisoire – de Cobra, l’un des hommes de main du terrible Viper.

    Un opus d’une grande tonicité, riche en événements, nourrissant avec intelligence la série. On a déjà hâte de connaître la suite.

    05/01/2021 à 09:29 3

  • No Guns Life tome 3

    Tasuku Karasuma

    7/10 Le troisième tome d’une série qui continue de me réjouir, et c’est toujours un plaisir que de retrouver Jûzô, même si ce début d’opus le met dans une situation particulièrement peu enviable. Le premier combat face à l’autre robot (Armed Sai) est un peu longuet même s’il est brillamment dessiné, mais juste après, l’intrigue ne reprend que de plus belle (notamment avec « La Racine »). Un projet d’attentat terroriste dans un train clôture presque cet opus assez vitaminé.

    04/01/2021 à 20:58 1

  • La Pourpre et l'or

    Philippe Delaby, Jean Dufaux

    7/10 Lors d’un combat de gladiateur, le fils de Claude, demande à ce que l’on épargne un Nubien, et ce dernier deviendra son ami. Dans l’ombre, des complots se nouent pour obtenir le pouvoir, notamment Agrippine qui souhaite tuer son époux afin de faire monter sur la plus haute marche du pouvoir son fils Néron. Une évocation qui semble bien tenir la route du point de vue historique (je ne suis pas expert en la matière), avec un graphisme un peu désuet mais qui se laisse encore bien admirer, et une biopsie de la société romaine antique dans ce qu’elle peut avoir de plus dur (les empoisonnements, les combats de gladiateurs, des meurtres commandités, etc.). A noter, pour les âmes sensibles, des scènes de nudité (pas de sexe, juste de nudité) et une tête tranchée dans l’une des dernières pages. Également à noter en fin d’ouvrage : un glossaire intéressant et une bibliographie instructive. A mes yeux, rien de renversant ni de franchement mémorable, mais ça reste très agréable, et ça me change de mes lectures du moment.

    03/01/2021 à 17:16 2

  • Teleski qui croyait prendre

    Florian Dennisson

    8/10 … ou comment Gabriel Lecouvreur, alias « Le Poulpe », en vient à découvrir la mort de Guillaume Verdannet, nabab de Courchevel, torturé et assassiné chez lui après ce qui ressemble à un cambriolage qui aura mal tourné. Sauf que, bien évidemment, la réalité va bien au-delà des apparences. Je n’avais pas lu d’opus du Poulpe depuis un sacré bail (depuis la disparition de la collection, en fait), et c’est avec plaisir que je me suis replongé dans cet univers si particulier, d’autant que l’auteur, Florian P. Dennisson, explique dans sa postface qu’il s’est régalé à écrire ce livre alors qu’il était susceptible d’être publié aux grandes heures des éditions Baleine. Au programme : une famille qui dissimule bien ses secrets, un tenancier de boîte de nuit qui cache également son jeu, la très chic ville de Courchevel, la belle Anaïs, et une sordide histoire qui ressort des égouts du passé. J’ai adoré la façon dont l’écrivain s’était fondu dans le cahier de charges du détective libertaire, avec le style et le ton, les passages obligés, les personnages récurrents, l’ouvrage qui lit Gabriel et qui sert de colonne vertébrale au récit, etc. Une petite exception : l’épilogue, un exercice inédit à ma connaissance). Une enquête intelligemment bâtie et construite, avec du suspense, les chausse-trapes, les coups tordus, les alliés du Poulpe (ici, un Irlandais et ses cambrioleurs Robin des bois). Bref, beaucoup de plaisir pour moi avec ce rejaillissement de la série, même pirate, en espérant très sincèrement qu’il y en aura d’autres. Un regret ? Oui : le nombre faramineux de fautes d’orthographes et de coquilles.

    17/12/2020 à 18:31 3

  • Ichi The Killer tome 9

    Hideo Yamamoto

    8/10 Maintenant qu’ils savent qu’Ichi est dans leur immeuble, ses trois adversaires n’ont plus qu’à le trouver. Après une dernière communication téléphonique avec son ancienne « victime », Ichi se lance dans la bataille. La confrontation avec le dernier des jumeaux est un peu trop expédiée à mon goût mais celle avec Kakihara tient toutes ses promesses, jusqu’à ce que Kaneko vienne s’interposer. Un très bon moment dans la série, d’autant que le dernier tome, en approche, réserve l’affrontement entre Ichi et Kakihara qui promet d’être autant physique que psychologique.

    17/12/2020 à 18:29

  • La Fille aux papillons

    Rene Denfeld

    9/10 Naomi, enquêtrice spécialisée dans les disparitions d’enfants, est encore marquée par son passé : elle se souvient vaguement avoir échappé à son séquestreur quand elle était gamine, sans pour autant savoir ce qu’est devenue sa sœur cadette, encore sous le joug du kidnappeur, ou morte. Toujours à sa recherche, elle entend parler de pauvres gosses dont on découvre les cadavres dans la rivière de Portland, Oregon. Naomi pourra-t-elle y sceller son passé ?

    Après Trouver l’enfant, c’est ici le deuxième tome de la série consacrée à Naomi Cottle. Un ouvrage assez court (un peu moins de trois cents pages), signé Rene Denfeld, et il aurait été bien inutile de vouloir le surcharger de chapitres supplémentaires. De la première à la dernière page, on a souvent la facilité de dire que l’on a été « emporté » ou « happé » : ici, le terme le plus adéquat serait « noyé ». Une lecture en apnée, dans les ravages du monde, l’écrivaine nous maintenant la tête bien en dessous de la surface, dans des eaux malsaines, toxiques. Et où l’on se refuserait, en temps normal, de se baigner. Naomi retient bien évidemment l’attention avec son passé chaotique et fracturé, devenue détective spécialisée pour conjurer ses propres fantômes, et usant volontiers de ses poings dévastateurs ailleurs que sur les rings de boxe. Elle est accompagnée de son conjoint Jerome, d’origine kapaluya, et qui a perdu un bras lors d’un conflit armé. Mais ce qui frappe le plus dans ce récit étouffant, c’est le personnage de Celia : gamine de douze ans – bientôt treize, elle vit dans les rues de Portland aux côtés de ses amis Rich et La Défonce, après avoir choisi la marginalité pour échapper aux viols de son beau-père Teddy. Dans la misère de la ville, elle se prostitue, survit plus qu’elle ne vit, gardant en tête la beauté des papillons pour lesquels elle s’est passionnée, avec le secret espoir de pouvoir sauver sa sœur cadette, Alyssa, des griffes vicieuses de son parâtre. Jamais Rene Denfeld ne sombre dans les descriptions sordides, tout est dans l’implicite, le suggéré, ce qui n’empêche nullement ce roman de rester très dur et brut au point qu’il ne saurait être conseillé aux âmes sensibles.

    Un opus sombre et déchirant, saturé d’émotions contradictoires, où le feu et le glacé se côtoient à merveille. Son style magnifique et sa concision servent à la perfection son propos, préservant quelques passages emplis d’espoir et de rédemption au beau milieu de ce marécage malsain. On n’est définitivement pas près d’oublier cette Fille aux papillons et les autres insectes nuisibles qui peuplent cet ouvrage remarquable.

    15/12/2020 à 06:41 5

  • Fortress of Apocalypse tome 1

    Kazu Inabe, Yuu Kuraishi

    6/10 Maeda Yoshiaki échoue à une maison de correction, l’Académie Shouran, avec 122 autres codétenus. Son crime ? Avoir tué un policier. Sauf qu’il n’en garde aucun souvenir. Dans le même temps, des cas de cannibalismes se multiplient en ville, et notre jeune prisonnier commence à se douter que quelque chose ne tourne pas rond quand apparaissent de très nombreux corbeaux dont l’un d’entre eux lâche… une oreille humaine. Un rythme effréné jusqu’aux planches finales (avec cette évasion et cette ignoble pyramide « humaine »), pas mal de sang, d’action et de scène d’anthropophagie (normal, hein…), pour ce qui est de la forme, mais le fond est assez décevant : des clichés pour décrire l’univers carcéral, des personnages pas bien profonds (mais peut-être est-ce dû au fait qu’il ne s’agit que du premier tome), et rien de vraiment nouveau sous le soleil du monde des zombies.

    14/12/2020 à 17:49 1

  • Firefly tome 1

    Koike Nokuto

    8/10 Juillet 2016. Yue, son demi-frère Yukito et leur père Masashi se rendent à Hirasaka, le village de naissance de Masashi, à l’occasion du décès de leur grand-mère. Ils retrouvent sur place leurs oncles, neveux et cousins, soit les sept membres de la famille Tamadura. On apprend alors que la vieille dame avait gagné une sacrée somme à la loterie, et le cadavre de la défunte disparaît sous les yeux de Yue, comme s’il était encore en vie. Et ce n’est que le début des mauvais présages alors qu’une étrange brime apparaît autour de la maison. Parhélie, nuées de mouches, végétation acéré, chiens devenus hostiles… Une délicieuse ambiance anxiogène où les premiers sentiments de malaise (l’eau, l’électricité et le téléphone coupés) laissent place à des phénomènes inexpliqués très inquiétants. Un esthétique qui mêle habilement traits typiquement mangas et graphismes plus occidentaux, une histoire classique mais très bien bâtie et prenante, pour un premier opus efficace qui m’a happé de la première à la dernière planche. Je vais tâcher de mettre la main sur les opus suivants.

    12/12/2020 à 18:14 1

  • La Menace Andromède

    Michael Crichton, Daniel H. Wilson

    8/10 Les mots manquent pour décrire ce qui vient d’être découvert dans la jungle amazonienne : une immense construction, qui semble en outre être en train de grandir. Une expédition se rend sur place alors que l’on se souvient encore de ce qui s’est passé, une cinquantaine d’années plus tôt, en Arizona, où la substance dite « Andromède » avait failli exterminer la population terrienne. Mais cette fois-ci, il se pourrait que la menace soit encore plus grave, d’autant que certains individus comptent bien l’exploiter…

    Après La Variété Andromède publiée en 1969 par Michael Crichton, Daniel H. Wilson signe une suite à ce techno-thriller, rendant hommage par la même occasion au génialissime auteur, entre autres, de L’Homme terminal, Un Train d’or pour la Crimée, ou Jurassic Park. Avec un style simple et efficace qui n’empêche nullement de beaux passages littéraires, l’écrivain nous plonge dans son univers, marqué par de nombreuses – et maîtrisées – références et connaissances à l’aérospatiale, la physique, les drones, et les sciences en général. L’expédition, constituée de divers spécialistes parmi lesquels figure James Stone, le propre fils de Jeremy Stone, le scientifique qui s’était illustré dans La Variété Andromède : un moyen intelligent et hautement symbolique pour Daniel H. Wilson de construire une passerelle avec l’œuvre de Michael Crichton, mais qui n’a strictement rien de stérile, puisqu’un élément habile interviendra dans les ultimes chapitres du roman. Approche de la construction, tribu sanguinaire, phénomènes inexpliqués, tractations scientifiques et militaires autour de cette découverte monumentale, sans compter de multiples rebondissements ultérieurs ayant trait, notamment, à l’électricité, à la constitution de cette molécule extraterrestre, aux ascenseurs spatiaux ou à la station orbitale : un très large panel d’événements qui maintiennent le suspense jusqu’à la dernière page qui ouvre, qui sait, la voie à un troisième livre dédié à cette terrible particule.

    Daniel H. Wilson signe un techno-thriller d’une très grande tenue, efficace, imaginatif et très distractif, tout en demeurant érudit. On pourra longtemps se souvenir du rôle de Sophie Kline, atteinte de la maladie de Charcot, des dégâts provoqués par Andromède, ou encore de l’épilogue dont on ne peut que souhaiter qu’il permette de déboucher sur un nouvel opus.

    10/12/2020 à 07:03 4

  • Dr. Stone tome 1

    Boichi, Riichiro Inagaki

    7/10 Un cataclysme inattendu (une sorte d’explosion nucléaire) transforme les êtres vivants en statues de pierre. 3700 ans plus tard, deux ados, Taiju et Senku reviennent à la vie en essayant de survivre avec les (rares) moyens du bord. Ils vont exploiter leur savoir en matière de chimie et des sciences en général, avec pas mal de (re)découvertes à la clef, comme l’élémentaire nécessité du sel, la chaux vive, le vin, l’acide nitrique, la poudre à canon, etc. Dans le même temps, un autre survivant, Tsukasa, au départ très utile face aux lions en raison de sa force physique et de sa violence, va devenir un ennemi mortel puisqu’il veut détruire le maximum de statues (donc des humains) afin de réduire la population et sauver l’humanité toute entière. Un manga très original, au pitch alléchant et au contenu assez bien mené, sans compter une esthétique agréable, même si je regrette la multiplicité des passages un peu bouffons, inutilement « balourds », pour reprendre une expression chère à l’un des protagonistes. Je serai au rendez-vous des tomes suivants, d’autant que je suis curieux de voir comment la série va évoluer.

    09/12/2020 à 17:39 1

  • Charlock et le trafic de croquettes

    Sébastien Perez

    8/10 New York, 1917. Alors qu’il est tranquillement en train de deviser avec son ami Claude, un pigeon gentiment toqué depuis l’éjection du nid quand il était jeune et une sacrée chute sur la tête, le chat Charlock entend une rixe en contrebas : le gang des Pet Shop Dogs est en pleine querelle avec celui des Chappuccini. La raison ? Les chiens accusent les chats d’empoisonner leurs croquettes. Pour régler ce problème et éviter une guerre rangée entre les deux bandes, Charlock et Claude décident de mener l’enquête.

    Après le très bon La Disparition des souris, Sébastien Perez et l’illustrateur Benjamin Lacombe nous reviennent avec cette nouvelle aventure de Charlock, le matou policier. Un opus très réussi, où nos compères vont suivre la piste de ces aliments corrompus, jusqu’à l’usine à croquettes « King Woof ». Un récit attachant, court et bien mené, toujours servi par les dessins remarquables de l’illustrateur qui constituent à eux seuls une réussite graphique. L’histoire est originale, prenante jusqu’à la chute. Cette dernière pourra éventuellement décevoir les défenseurs d’une ligne policière plus dure, plus primitive, mais elle n’en demeure pas moins originale et pertinente, jouant en quelques mots habilement trouvés sur l’émotion et la relation de profonde fidélité de nos compagnons domestiques.

    Voilà un livre de grande qualité, qui ne fait que confirmer tout le bien que nous pensons, en général, de cette série consacrée à Charlock. On en miaule de bonheur.

    08/12/2020 à 07:09 2

  • Détective Conan Tome 61

    Gosho Aoyama

    7/10 Au programme : l’affaire des pierres violettes, ou comment le célébrissime voleur Kid Kaito souhaite les dérober en utilisant, selon ses dires, la téléportation, mais notre limier en culotte courte saura démêler le vrai du faux : l’explication est classique, mais l’ensemble de l’enquête est très bien mené. Ensuite, nos héros se rendant à un camping mais tombent en panne de voiture, et l’homme qu’ils croisent dans sa magnifique Rolls-Royce Phantom meurt dans l’explosion de son automobile : le dénouement est finement trouvé, avec une belle économie de moyens. Puis une histoire d’avions en papier avec des points dessus qui pourraient, en réalité, composer un message crypté : très distrayant. Enfin, l’histoire inachevée d’un homme assassiné avec un fusil de chasse et que j’aurai plaisir à terminer dans l’opus suivant. Au final, un divertissement ingénieux et bien ficelé, qui me donne d’autant plus envie de me replonger dans les tomes de cette série que je n’en avais pas lu depuis déjà pas mal de temps.

    07/12/2020 à 18:11 1

  • 6000 tome 2

    Koike Nokuto

    8/10 On retrouve Kengo dans la base sous-marine appelée « Cofdeece » où le jeune homme est toujours sujet à de terribles hallucinations, sans pour autant savoir ce qui s’est déroulé là-bas trois ans plus tôt. On apprend cependant assez rapidement que les survivants, pris de folie, se sont confiés à « une déité perverse ». Un graphisme très travaillé qui souligne le côté anxiogène de cette station enfouie sous les flots. Ce tome s’achève sur une ultime apparition qui n’a rien de fantasmée par Kengo. Le suspense est total, je suis conquis, et vivement la suite !

    06/12/2020 à 20:17 1

  • Entrez dans la danse

    Jean Teulé

    8/10 Strasbourg, 12 juillet 1518. Une jeune femme, Enneline, se débarrasse de son nouveau-né, après quoi elle est prise d’une frénésie de danse. Peu de temps après, d’autres Strasbourgeois viennent se greffer à ce ballet, sans qu’on ne sache pourquoi, et c’est bientôt deux mille âmes qui sont prises dans cette transe collective. Punition divine ? Influence astrologique ? Réaction face à la présence fantasmée de Turcs dans les parages ? Jean Teulé, d’une façon atypique, peint cet épisode si particulier – et réel – de cet épisode d’hystérie collective, avec sa verve si particulière. J’ai d’abord été surpris par l’emploi de termes très contemporains (« moyen, moyen », « rave party », « dancefloor », etc.) avant de me rendre compte que cela fait partie de l’ADN de sa littérature : ajouter de l’humour – parfois potache – et de mots récents pour un ouvrage qui mêle véracité historique (cf. les documents cités en fin d’ouvrage) et cocasserie pour un cocktail détonnant. Des moments assez croustillants (les dialogues entre l’équivalent du maire et l’archevêque, les errements sexuels autour de cette immense fiesta générale, comment on les a encouragés en les nourrissant et en les hydratant et tous ces atermoiements des autorités autour de cette manifestation incompréhensible, les liens avec la religion, ce qui arrive réellement et finalement à ces convulsionnaires, etc.) pour un livre dont je n’ai pas vu passer les pages. Mon seul bémol, au final, c’est l’absence d’explication – ou de tentative d’explication, même partiale – quant à ce phénomène : je m’attendais, probablement à tort, à cette interprétation qui jamais n’est venue. Mais je renouerai avec plaisir avec d’autres documents de Jean Teulé.

    03/12/2020 à 19:42 3

  • L'Accident de l'A35

    Graeme Macrae Burnet

    9/10 Une sortie de route : c’est ce qui a causé la mort de Bertrand Barthelme, notaire dans la ville de Saint-Louis. Mais lorsque l’inspecteur Georges Gorski vient apprendre la terrible nouvelle à son épouse, Lucette, et à son fils, Raymond, l’ambiance n’est pas aussi sinistre qu’attendue : elle est indifférente voire dans la retenue de l’allégresse. Autre élément qui vient titiller le policier : la veuve lui apprend que feu son mari n’avait normalement rien à faire à cet endroit ni à cette heure. Y aurait-il anguille sous roche ? L’accident en est-il vraiment un ? Le défunt avait-il quelques secrets à dissimuler ?

    Après La Disparition d’Adèle Bedeau, voici le deuxième opus de la série consacrée à Georges Gorski. Un peu plus de trois cents pages d’une bien belle tenue, forte et prenante, qui emporte le lecteur de la première à la dernière page. Graeme Macrae Burnet nous entraîne dans un ouvrage à l’ambiance poisseuse, où le flegme apparent des mots et des ambiances n’en est que plus trompeur. A la manière d’un Georges Simenon que l’écrivain semble avoir pris comme tuteur littéraire (la référence, notamment, à Saint-Fiacre, une rue où se rend le fils de la victime, n’est sans doute pas choisie au hasard), il se commue en portraitiste acide, usant du vitriol avec maestria, et nous livre des tableaux acerbes, notamment dans les rapports de couple. L’histoire se découpe nettement en deux parties, avec l’enquête de Gorski d’un côté, et celle de Raymond de l’autre, un adolescent mal dans sa peau, à la sexualité perturbée, qui va tenter de mieux connaître son paternel une fois mort que vivant. Il sera ainsi amené à côtoyer la belle Yvette, allant au-devant d’une terrible vérité. Dans le même temps, notre inspecteur résoudra une autre affaire, dont la chute, à la fin du vingt-deuxième chapitre, va tomber en quelques mots, habiles et judicieusement choisis, comme le couperet d’une guillotine. Tentant de renouer avec sa femme, Céline, dont il est séparé, et cherchant à récupérer sa fille, il se débat encore avec ses légers problèmes d’alcool, tout en entretenant sa mère qui perd la tête.

    Un roman qui, paradoxalement, érige son intrigue avec une immense économie de moyens tout en déployant une réelle puissance de percussion. Graeme Macrae Burnet nous régale de bout en bout, avec des atmosphères adroitement tissées, des personnages d’une rare densité humaine, et une histoire d’une crédibilité sans la moindre faille. Pour les fans de Geroges Simenon et les amateurs d’une littérature qui privilégie la peinture des âmes et des cœurs aux effets pyrotechniques, voilà un pur bijou.

    30/11/2020 à 07:00 8

  • L'Ange gardien

    Robert Muchamore

    8/10 Pourchassé après la mort de sa mère, Ethan a été contraint de rejoindre sa famille, le terrible clan Aramov, au Kirghizstan. Un clan hautement criminel, mené par sa grand-mère, Irena, bien mal en point depuis quelque temps puisqu’elle suit un traitement contre le cancer. Ethan a conservé un lien très fort avec Ryan, qui lui avait précédemment sauvé deux fois la vie, et qui travaille en réalité pour l’unité CHERUB. Mais lorsque Ethan s’apprête à mettre à bas les mauvais agissements de son oncle Leonid, il est enlevé et conduit au Botswana. CHERUB doit désormais intervenir.

    Après Le Clan Aramov, Robert Muchamore poursuit sa série consacrée à la terrible famille Aramov, et nous régale une fois de plus. Cela commence par un entraînement paramilitaire pour les jumeaux Léon et Daniel, ainsi que Ning, devant démontrer l’étendue de leur efficacité et de leur inventivité sur un îlot, alors que dans le même temps, on suit avec intérêt ce qui se passe au « Kremlin », quartier général de la caste Aramov. Une dynastie qui a accumulé d’immenses richesses avec des trafics illégaux, où chaque rejeton est un malfrat en devenir, violent et arrogant, et où le cruel Leonid semble bien décidé à reprendre le contrôle sur l’empire. Robert Muchamore nous séduit avec son sens de la narration, diablement efficace, creusant la psychologie de ses personnages et proposant de très bons moments de suspense et d’action. D’ailleurs, il est à noter que les explosions et autres courses-poursuites sont moins nombreuses que dans d’autres opus de la série. Certes, il n’y a vraiment pas de quoi trouver le temps long, notamment lors de fusillades bien conduites ou de palpitants instants de séquestration. Ici, c’est plus un ouvrage charnière dans la saga, avec les réminiscences de quelques personnages (la mort de la mère de Ning, par exemple) autant que la mise en œuvre d’un plan finement élaboré pour contrer la mainmise de Leonid sur les affaires familiales tout en asséchant les comptes bancaires de cette horde.

    Un roman où Robert Muchamore nous offre un schéma scénaristique un peu différent des précédents, ce qui n’empêche nullement ce livre d’être particulièrement réussi. On salive d’avance à l’idée de ce l’auteur nous réserve pour la suite.

    26/11/2020 à 07:38 4

  • Sang mentir

    Pierre Bordage

    8/10 A cette question, l’intéressée répondrait volontiers qu’elle est plutôt mal dans sa peau. Elle va sur ses quinze ans mais vit médiocrement son adolescence. Elle a bien deux amies, Louann et June, et sent bien que Gaspard en pince pour elle, mais cela ne suffit pas à se construire une existence apaisée et épanouie. D’autant que ses parents constituent une parodie de géniteurs : peu attentionnés, distants et parfois cruels. Alors, quand une Lincoln Continental des années 1960 se met à tourner autour d’Odeline, la jeune fille panique. Et elle n’est pas au bout de ses surprises.

    Pierre Bordage est un écrivain que l’on ne présente plus, tant sa bibliographie – principalement fondée sur la science-fiction – ravit la critique comme le public. Aussi, quand il se lance dans le polar pour la jeunesse, l’ouvrage en question attise la curiosité. Dès les premières pages, on ne peut qu’être emballé par le style de l’auteur : poétique, travaillé, plein de tact, rendant avec justesse les troubles de l’âge adolescent. Les premières ombres vont apparaître, avec ce Novak, personnage immense et costaud, travaillant pour un mystérieux personnage appelé Mirko Zladic, porteur d’un message contenu dans une enveloppe et dont le contenu pourrait bien révéler de tristes secrets à Odeline. Dès lors, graduellement, c’est une véritable descente aux enfers pour elle, avec la divulgation de sinistres vérités quant à sa famille. Pierre Bordage a parfaitement intégré le schéma narratif des romans policiers et l’a habilement adapté à un public plus jeune, sans pour autant que l’ouvrage ne perde de son panache ou de son suspense. D’ailleurs, le rythme demeure élevé jusqu’au final, et malgré quelques événements un peu téléphonés, il y a dans cet opus amplement de quoi satisfaire les ados.

    Un livre efficace, bien pensé et habilement mené : on n’a plus qu’à espérer que l’immense Pierre Bordage continue à nous offrir d’autres romans policiers. Quant à celles et ceux qui se demanderaient qui est cette énigmatique Anelise Jousset comme coauteure, il nous est expliqué à la fin du livre que, « du haut de ses 11 ans », elle a eu une idée dont a découlé l’histoire de ce Sang mentir.

    25/11/2020 à 07:12 3

  • Monstrueux

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    9/10 Alors qu’ils fouillent leur bastion et s’apprêtent à essayer de redémarrer le générateur, nos survivants trouvent des combinaisons façon maintien de l’ordre, et en testent très rapidement la résistance. Ils voient alors un hélicoptère s’écraser, et quand ils décident d’aller aider les éventuels survivants, ils ne sont pas les premiers arrivés sur place… Un opus très bien réalisé, alternant l’action et les dialogues – parfois intimes et poignants – notamment chez celles et ceux restés dans le camp, alors que l’on découvre le personnage du Gouverneur, suffisamment retors et détestable pour organiser des combats entre êtres humains (et ce n’est pas le pire de ses vices…). Des protagonistes que les auteurs laissent se faire tabasser, amputer, violer : un opus coup de poing très marquant, justement celui dont j’avais besoin pour me redonner un coup de pied où je pense et me faire continuer la série.

    24/11/2020 à 19:50 3

  • Qui sème le vent récolte la tempête

    Kazuo Kamimura, Kazuo Koike

    3/10 Je reste assez dubitatif en fermant la dernière page de ce deuxième opus de la trilogie, encore plus qu’avec le premier. Cette histoire mêlant tueuse professionnelle façon ninja, vengeance, nombreuses scènes de sexe, et la surabondance assez gratuite et stérile de meurtres m’a laissé particulièrement froid. Rien de très original, ni dans l’intrigue, ni dans la forme ou le récit, et les graphismes m’ont laissé indifférent au plus haut point. En plus, un peu plus de 500 pages (ce qui est énorme pour un manga !) qui ont consisté pour moi en long bavardage alors que les auteurs pouvaient sans mal retrancher une voire deux centaines de pages pour concentrer le scénario : bref, presque du soporifique. Et puis, aucune scène marquante à mes yeux : les freaks font une trop courte apparition, les épisodes avec le vieil original, façon « Tortue géniale », en étaient presque ridicules selon moi, et j’ai eu l’impression tenace que le dessinateur débitait son histoire parce qu’il était payé à la planche et que le malheureux scénariste devait suivre son compère sans trop savoir quoi faire dire à ses personnages ni comment remplir ces vides à moins que ça ne soit l’inverse. Pour résumer, avec sévérité mais en toute objectivité : une lecture hautement dispensable. Et même s’il ne me reste « que » le troisième opus pour conclure cette trilogie, je ne suis pas certain d’être de l’aventure.

    24/11/2020 à 19:48 2