La Stratégie des ombres

  1. Les spectres du passé

    Un homme qui tire sur la foule puis se suicide. Un visage ensanglanté découvert dans la forêt. Un mystérieux centre d'expérimentations, peuplé de personnages portant des noms sibyllins. Max Carel, un médecin plutôt couard. Ludovic Le Maoût, un policier amputé d'un pied suite à un accident dont il ne se souvient pas plus que de son enfance. Les routes de Carel et Le Maoût vont se croiser pour plonger vers un secret que certains veulent à tout prix protéger, quitte à sacrifier bien des vies.

    Le lecteur plonge rapidement dans l'ambiance trépidante de ce roman, avec un prologue violent et visuel. Puis les chapitres – nombreux et très courts – s'enchaînent à toute allure. Indéniablement, Jean-Paul Le Denmat dispose d'une plume racée et efficace, qui sait parfaitement retranscrire les scènes d'action. Le roman, malgré sa taille assez conséquente, se lit plutôt rapidement, notamment grâce à cette écriture bouillonnante, et l'on bascule d'un mystère à un autre avec des questions en tête, toujours plus nombreuses à mesure que l'on progresse dans le récit. Qui sont ces tueurs surentraînés ? Quel secret dissimulent-ils ? Que cache ce terrible foyer ?
    Si le style de Jean-Paul Le Denmat emprunte sans conteste à ceux d'illustres pairs comme Jean-Christophe Grangé ou Olivier Descosse, il ne parvient toutefois pas à atteindre le niveau de ces prédécesseurs, notamment en raison d'un double écueil : complexité excessive et vacuité partielle de l'intrigue. Les protagonistes apparaissent souvent très – voire trop – nombreux, parfois sans nécessité, et le lecteur pourra se perdre dans cette galerie de personnages dont certains vont jusqu'à endosser quatre identités différentes que l'on découvre au fur et à mesure. Parallèlement, alors que la structure du récit et sa forme sont particulièrement détonantes – rythmique des chapitres, scènes d'actions très bien chorégraphiées et style impeccable, on ne pourra que regretter que l'intrigue en elle-même soit finalement assez classique. Elle donne lieu à un complot peu innovant, que n'importe quel lecteur aura déjà pu voir ailleurs, avec des rebondissements qui se laissent parfois aisément deviner alors qu'ils auraient dû être de véritables catalyseurs. Du déjà lu, en somme.

    Si le titre du roman est ambitieux et l'élocution de Jean-Paul Le Denmat très réussie, l'intrigue ne convainc pas. Une étincelle d'originalité aurait pu enflammer ce matériau prometteur, mais la détonation n'a jamais lieu. Reste que le livre se laisse lire avec intérêt et permet d'espérer d'autres ouvrages plus réussis, si l'écrivain parvient à se démarquer de ses références littéraires et proposer un scénario plus original.

    /5