Charlie Martz et autres histoires

(The Unpublished Stories of Elmore Leonard : Charlie Martz and Other Stories)

  1. Fragments d’Amérique

    D’Elmore Leonard, on croyait tout connaître : son style lapidaire si typique, sa richesse, avec sa bibliographie si riche et variée. Et c’est donc avec un plaisir de gamin alléché que l’on apprend l’édition de nouvelles demeurées jusqu’à présent inédites. Tel un délicieux patchwork, chacun pourra y trouver son bonheur littéraire. Des scènes de western (« Charlie Martz », ou la vengeance de Billy Bushway face à un shérif vieillissant, ou « Confession », avec un prêtre atypique aux prises avec de sinistres individus bien décidés à récupérer le butin d’un vol), une peinture au vitriol du cinéma sur un plateau de tournage (« Un bon fantassin syrien est un fantassin mort »), une saynète de vie conjugale (« La coupe italienne »), une vendetta qui se clôt sur une bien étrange solution à des mots croisés (« Un, horizontal »), etc. Elmore Leonard maîtrise son art, alors que ces récits datent pour la plupart du milieu des années 1950, soit juste avant qu’il ne se lance dans les romans qui ont fait son succès critique et public. Des dialogues au cordeau, un sens de la mise en scène bien dépouillée, des descriptions réduites à leur plus simple expression sans jamais qu’un mot ne manque, et autant de démonstrations de ce que doivent être des nouvelles à chute. A cet égard, « Arma virumque cano » en est le plus bel exemple : seize pages décrivant un échange bien banal entre un conducteur et une autostoppeuse avant le final, excellent et mémorable. Tout le génie de l’écrivain est définitivement là : le vernis d’un moment banal, et l’épilogue qui surprend et fauche le lecteur puisque ce dernier était trop euthanasié pour voir venir le twist. Et même si la surprise ou l’originalité n’est pas toujours au rendez-vous (« Juste pour faire quelque chose »), ce recueil séduit indéniablement. Il fait un peu penser à une assiette d’antipasti dans laquelle on peut piocher, en fonction de ses goûts propres, avant de passer au plat de résistance, à savoir les autres ouvrages d’Elmore Leonard.

    /5