Criminal loft

  1. Le sanatorium de Waverly Hills a été récemment reconverti et est désormais le lieu de tournage d’une émission de téléréalité. Criminal Loft. Huit prisonniers reconnus coupables par la justice américaine, patientant dans le couloir de la mort, et qui peuvent, à l’issue de ce divertissement télévisé, obtenir la liberté, s’ils convainquent les spectateurs. Mais au sein de ce lieu que l’on dit hanté et où se côtoient des êtres dangereux et poussés à bout, les tragédies ne peuvent que se multiplier.

    Préfacé par Laurent Scalese, voilà un roman qui ne peut pas laisser indifférent. D’entrée de jeu, Armelle Carbonel pose ses pions : le récit sera particulièrement sombre. Sur le papier, il s’agit d’une nouvelle variation sur le thème de la téléréalité, cousin littéraire et sanglant de Loft Story. Pourtant, ce roman est bien loin d’être insipide. La langue employée est forte, juste et terrible, capable de rendre anxiogènes de nombreuses scènes à Waverly Hills. D’ailleurs, ce sanatorium, comme l’explique l’écrivaine dans sa postface, existe réellement (cf. cette page). Il devient un personnage à part entière, avec les légendes urbaines qui le parcourent, comme cette mystérieuse chambre 502, cet énigmatique tunnel, ces horripilants bruits d’une balle rebondissant contre un mur, ou le fantôme de la petite Mary, morte après une monstrueuse thoracoplastie. Dans cet immense bâtiment, les prisonniers vont bien évidemment se jauger, nouer certaines unions, mais également se confronter, parfois à mort. Des personnages très denses, rapidement reconnaissables, aussi marquants que menaçants, et dont les psychologies recèlent de nombreuses surprises. C’est aussi un sacré tour de force de la part d’Armelle Carbonel : faire en sorte que le lecteur ne soit pas écœuré par tant de violence et de ténèbres. John T., le prisonnier à travers les yeux duquel on suit l’histoire, est tout de même un psychiatre retors et psychopathe, ayant violé, mutilé et tué vingt-quatre victimes. Pourtant, et au même titre que les autres captifs de cette émission, le lecteur va finir par lier certains sentiments – peut-être inconsciemment, ou de manière honteuse – envers ces captifs.

    Criminal Loft est donc un roman puissant, se prêtant à de multiples interprétations. Il fait réfléchir sur la peine de mort, la claustration, la justice, et la puissance des médias. Sachant, avec talent, mêler diverses influences littéraires (Dix petits nègres d’Agatha Christie, Shutter Island de Dennis Lehane, ou encore Stephen King), Armelle Carbonel réussit un très bon thriller, angoissant et addictif de la première à la dernière page.

    /5