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Ils savent tout de vous
6/10 Iain Levison conduit son récit comme un bulldozer carburant au diesel, lancé à vive allure sur les voies de Big Brother, une histoire de télépathes échevelée et à haut débit, très tarantinesque, le premier thriller post-Snowden et Guantanamo... La connexion avec ses personnages se fait immédiatement, l'auteur réussit à capter notre attention tout du long, et l'on passe finalement un bon moment, même si l'on peut regretter la rupture brutale du faisceau, et les zones d'ombre qui subsistent...
28/12/2016 à 23:34 5
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Je sais pas
5/10 D'une manière générale, Barbara Abel maîtrise les ressorts de nos peurs les plus domestiques, et sait s'introduire dans la plus stricte intimité de ses personnages pour les placer dans des situations dramatiquement banales, cas de conscience et autres dilemmes moraux, permettant une identification immédiate et empathique... Elle prend le temps de délayer son intrigue, de faire monter la mayonnaise, avant de dresser ses chroniques d'une vie qui, subitement, sort des clous; malheureusement, en ce qui me concerne, ce temps d'exposition, copieusement garni d'analyses psychologiques, m'a fait perdre l'appétit à l'heure d'entamer le plat de résistance, et j'ai dû batailler avec moi-même pour parvenir à la fin d'une histoire pas forcément si ratée que cela, mais à laquelle il me manque les bons ingrédients...
23/12/2016 à 21:42 3
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La Prunelle de ses yeux
7/10 Comme souvent, Ingrid Desjours nous conte, avec cette rencontre les yeux dans les yeux, des histoires de mimétisme; mimétisme dans la construction de l'intrigue, en miroir, à travers lequel se répondent les trajectoires heurtées d'un père et de son fils, lancés chacun vers l'acceptation de leur nature véritable, et celle de l'autre, prêts à en découdre avec leurs démons intérieurs...
Mimétisme dans le rapport qui se noue entre Maya et Gabriel, et qui renvoie à celui existant entre l'auteur et son lecteur: l'un se fie à l'autre dans la découverte d'un monde qu'il ne peut totalement appréhender seul... Un roman sensitif, presque sensoriel, dont chacun des personnages pourrait être défini par un organe atrophié, comme un négatif sensible: le silence assourdissant de l'exil forcé pour Maya, le goût amer de l'échec pour Gabriel, la carence tactile paternelle pour Victor, l'odeur fétide de la mort qui colle aux basques de Tancrède...19/12/2016 à 11:00 6
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Troupe 52
9/10 Quand un groupe de scouts croise, sur une île coupée du monde, la route d'un quidam solitaire, ils ne savent pas encore que pour eux, c'est le début de la faim...
Le pitch est alléchant, le résultat bien plus encore; mixant The Thing et The Body, la magnifique nouvelle de Stephen King, Craig Davidson parvient, par le biais d'une situation extraordinaire, à créer un état de malaise, une configuration aux ressorts éminemment dramatiques, prétexte pour souligner que le ver est déjà dans le fruit: toute la complexité et la noirceur du genre humain, passés au révélateur d'une catastrophe qui lève le voile sur la véritable nature de tout un chacun...
L'aboutissement de l'auteur réside dans ce sens de l'observation et du détail, dans cette analyse de la dynamique du groupe, qui régit les rapports de cette bande de pré-ados, leur caractérisation, d'une justesse émouvante...
L'horreur de leur situation est de plus rendue de façon si imagée et figurative, si formellement visuelle, qu'on ne peut s'empêcher de ressentir, nous aussi, presque physiquement, les dégâts occasionnés par ce parasite monstrueux...13/12/2016 à 21:27 9
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Nous allons mourir ce soir
6/10 Féroce
Licencieux
hYpnotique
haNté
décoNvenue...06/12/2016 à 14:52 4
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Comme une ombre dans la ville
8/10 Nicolas Zeimet réussit la prouesse d'imposer à son lecteur une expérience sensorielle inédite, à l'image des tourments psychologiques qu'il inflige à son héros; l'impression d'avoir lu une espèce de roman polymorphe, voire métamorphe... Une mosaïque littéraire, comme une addition de trames, dont on ne discernerait le motif qu'après avoir refermé la dernière page...
Un "ouvrage à personnalités multiples", comme si plusieurs auteurs s'étaient relayés pour produire cet écrit; d'abord, une première partie qui m'a furieusement rappelé du point de vue de l'intrigue, le manga "Erased", de Kei Sanbe, l'histoire de ce mangaka possédant des capacités de chronokinésie... Zeimet parvient néanmoins à insuffler suffisamment de malice et de mystère à son sujet pour ne pas lasser, et échapper à la redite... Puis, avec l'apparition du principal personnage féminin, la sensation de basculer d'un coup dans l'univers d'une Helen Fielding, ou d'un Gilles Legardinier, ces comédies romantiques légèrement loufoques et assez désopilantes, mettant en scène de jeunes célibattantes à la recherche du grand amour
Le dernier tiers du roman, à glacer les sangs, tranche (!) avec les deux précédents, et Nicolas Zeimet de démontrer son aptitude à détourner les canons du genre, se les approprier, pour mieux nous frapper d'étonnement...05/12/2016 à 23:08 3
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L'Héritage de Jason Mac Lane
4/10 On commence vraiment à s'y perdre dans toute cette histoire d'héritage des pères fondateurs... Peu de lisibilité, et un Jason Mc Lane de moins en moins charismatique dans cette seconde mouture signée Jigounov et Sente... Un épisode dispensable...
03/12/2016 à 22:36 3
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Le Carnaval des hyènes
9/10 Débit mitraillette, en mode sténo, Michaël Mention dézingue les cadors de l'info-spectacle, et défouraille à tout va, clouant au pilori une société de la désinformation qui nous refait les jeux du cirque chaque soir au 20 heures...
Carl Belmeyer, dont la parentèle avec un certain PPDA saute aux yeux, sert, à son corps défendant, de blanc-seing dans cette guerre de l'audimat, à grands coups de mystification évènementielle... Ici, le temps d'antenne se monnaye le prix d'une vie, despote publicitaire, et tout un chacun d'alimenter le reality-show de l'info, travestissant la vérité, l'accomodant à sa sauce aigre-douce, où l'acronyme supplante l'anonyme...
In fine, Mention très bien pour ce brûlot à charge contre le grand barnum journalistique, et son corollaire, le média télévisuel; entre cynisme et pastiche, l'auteur se permet un tour d'horizon décapant des acteurs du jeu médiatique, pointant du doigt les dérives d'un système à l'origine de sa propre décadence...30/11/2016 à 22:34 8
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Le Cri
6/10 La lecture du roman de Nicolas Beuglet- le bien nommé- ne m'aura pas arraché de cri d'effroi, comme il ne m'aura pas laissé muet d'admiration; tout au plus lui accorderais-je un vague murmure d'approbation...
Une histoire à l'intrigue un peu trop ambitieuse à mon goût, au vu du résultat, notamment dans sa volonté de traiter une multitude d'éléments à la foi(s), qui ont déjà été abordés dans d'autres ouvrages, en mieux- j'ai notamment pensé au Syndrome E de Franck Thilliez... Malheureusement, le traitement ne suit pas toujours...
A de nombreuses reprises, j'ai eu l'impression que l'histoire prenait toute la mesure de son potentiel, notamment lors de l'apparition de Christopher, le personnage masculin principal, qui tranche avec le début du roman, et les évènements de l'hôpital psychiatrique, qui m'auront laissé de marbre... Las... Une hétérogénéité dans le tempo que l'on retrouve tout au long du récit, due tantôt au sentiment de redondance de certaines scènes, tantôt au caractère abusif de certaines situations, et qui porte préjudice au plaisir que l'on peut prendre à la lecture de ce roman... Quant à l'épilogue, il faut le voir pour y croire...28/11/2016 à 20:18 10
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Erased tome 4
5/10 L'histoire se répète, mais pas seulement du point de vue de Satoru; le lecteur commence lui aussi à trouver le temps long, et l'histoire de tourner en rond...
26/11/2016 à 16:48 1
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Erased tome 3
7/10 L'étau se referme sur Satoru, qui peine à entrevoir la vérité, mais peut compter sur le soutien d'Airi, convaincue de son innocence... Même si l'intérêt pour la suite des mésaventures de Satoru ne faiblit pas, grâce au rythme imposé par le découpage et le sens des rebondissements de Kei Sanbe, la progression ne s'effectue pourtant qu'à petits pas vers l'identité du véritable tueur, en délaissant de manière dommageable l'aspect fictionnel des rediffusions...
25/11/2016 à 21:23 1
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Erased tome 2
7/10 Deuxième tome des aventures de Satoru, où Kei Sanbe, et son personnage avec lui, s'interroge : a-t-on vraiment prise sur les faits marquants de notre existence ou bien notre destin est-il déjà tout tracé ?..
La tension grimpe petit à petit, à mesure que se rapproche le jour fatidique... Le lecteur reste dépendant de cette chronologie à rebours, au suspense intense...25/11/2016 à 18:45 1
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Erased tome 1
8/10 Etonnant postulat de départ que celui de ce feuilleton dessiné: le personnage principal possède le don de revivre certains situations qui vont s'avérer potentiellement dangereuses, voire létales, afin de pouvoir y remédier... Cette faculté s'apparente somme toute à une malédiction, dans le sens où, Satoru étant un individu très renfermé sur lui-même, limite asocial, le fait d'être investi de cette capacité extraordinaire l'oblige, presque malgré lui, à s'impliquer et s'investir dans ces opérations de sauvetage...
L'étude presque anthropologique du phénomène d'intégration, et de sociabilisation, à travers cette histoire et les souvenirs d'enfance qui vont graduellement refaire surface, constitue l'une des valeurs principales de cette série, tout comme la trame du récit, qui va connaître, dans la dernière ligne droite, un revirement stupéfiant, démultipliant le champ des possibles...23/11/2016 à 22:55 5
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Le Premier Miracle
8/10 Gilles Legardinier retrouve le filon du bonheur, avec son Premier Miracle, en nous embarquant dans ce périple aurifère, quelque part entre Indiana Jones et James Bond, une intrigue que n'aurait pas renié Jules Verne... C'est érudit, c'est bien écrit et ça donne franchement envie... Sa bonne fortune lui permet de juxtaposer deux genres qu'il affectionne et auxquels il s'est déjà frotté par le passé, avec plus ou moins de réussite: le thriller ésotérique et la comédie romantique...
Ici, l'alchimie fonctionne parfaitement, par la grâce d'une intrigue pleine de mystères et de savoirs, et de premiers rôles souvent drôles, aux rapports savoureux... Ici, les coups d'éclat sont généralement le fruit des déductions et de brainstorming délectables, plutôt que le fait de superhéros intouchables, des personnages faillibles et proches de nous, la richesse du propos se suffisant à elle-même; à cet égard, la relecture de la disparition d'une des figures les plus marquantes de l'histoire du siècle dernier mérite que l'on s'y attarde...19/11/2016 à 22:14 4
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Un coeur sombre
8/10 Ca commence comme dans " Réservoir Dogs" de Tarantino, un braquo qui tourne au bain de sang, mais assez vite, on est chez Ellory, et l'impression première de déjà lu est battue en brèche par l'étude de caractère, et l'introspection glaciale et pleine de cynisme à laquelle se livre Vincent Madigan, le personnage principal, véritable oxymoron vivant, ripou presque malgré lui, coincé entre une situation familiale déplorable et un engagement personnel délictueux...
C'est une histoire de rédemption impossible, comme un ultime coup de poker, pour Madigan, une virginité perdue à force de coups foireux, une dernière dette à honorer pour un homme de peu d'honneur... C'est un vortex arachnéen sur le mode du " qui piège qui", dans lequel chaque solution débouche sur un nouveau problème, où les situations inextricables succèdent aux cas de conscience...
Le style d'Ellory diffère d'ailleurs un peu de ses précédents romans, dans une sorte d'hommage aux romans noirs des années 50, une prose moins poétique et plus pragmatique, un ton direct et musclé qui nous plonge au coeur de la psyché de Madigan, et nous oblige à épouser les réflexions et le questionnement de ce dernier, nous interrogeant sur ses choix et ses décisions...
14/11/2016 à 18:30 8
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Trois heures avant l'aube
8/10 Après le télescopage, le choc frontal: après s'être souvent servi du passé pour interagir avec le présent, Gilles Vincent pioche dans nos maux les plus immédiats ( pédophilie, délocalisation, fanatisme religieux), pour concocter une histoire gigogne dont il a le secret... La misère du quotidien comme terreau de leurs souffrances, les personnages de Gilles Vincent subissent des choix qui n'en sont pas, agissent en dépit d'un bon sens qui n'a plus cours, pour finir par s'empaler sur leurs rêves brisés, ou leurs ambitions déçues... Son style, les trajectoires biseautées de ses protagonistes, sa géométrie de la prostration, peuvent contrarier les esprits cartésiens, ou froisser les esprits chafouins, mais il sait toucher ce qu'il y a de plus profond en nous, de plus viscéral... Une écriture sur le vif, qui ébranle, pour des récits d'écorchés par la vie...
09/11/2016 à 23:03 4
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Beso de la muerte
8/10 Gilles Vincent a ce talent indéniable du raconteur d'histoires qui vous prend par la main, quitte à vous broyer les phalanges et à vous pulvériser les métacarpes... Des histoires à partir desquelles la brutalité des hommes, la noirceur de l'âme et les fardeaux du passé se plaquent sur vos rétines pour composer une chanson de gestes, mélancolique et désespérée, un ciel de traîne dont on guetterait la prochaine éclaircie...
Ici, le baiser de la mort se donne à pleine bouche, embrassant l'Espagne du franquisme et de Garcia Lorca, embrasant Madrid et Marseille du même feu punitif...
L'amour à mort, l'amour d'un mort, la ferveur d'une étreinte passionnée et passionnelle, entre envoûtement et déraison, l'essence même du style de Gilles Vincent, à travers cette nouvelle histoire d'une contagieuse exaltation...06/11/2016 à 22:38 4
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Un monde meilleur
8/10 Après avoir abordé l'aspect social, voire sociétal, de la question de la différence et des difficultés d'adaptation et de cohabitation des Brillants dans le premier tome, Marcus Sakey s'intéresse ici au versant politique et politicien de la chose, en confiant à son personnage principal, sorte de Jack Bauer 2.0, le rôle de conseiller du président... Il nous donne à voir un futur pas si anticipé qu'il n'y paraît, à l'heure de la menace terroriste à grande échelle, et autres groupuscules activistes, dans lequel le ressentiment à l'égard de l'autre prend des proportions catastrophistes, et nous pousse à nous interroger sur le véritable bien-fondé de la modernisation, cette "hallucination partagée et profitable" : que se passe-t-il quand nous ne parvenons plus à y croire ?...
Les pastilles, destinées à donner plus de corps et de chair à cette uchronie, sonnent toujours aussi justes, et achèvent de rendre l'ensemble plus que séduisant; et le final cataclysmique d'aiguiser notre fébrilité de savoir comment tout cela va bien pouvoir se terminer...04/11/2016 à 09:05 7
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Un Souffle une ombre
5/10 " Un souffle, une ombre", diffus et prégnant, comme cette angoisse qui phagocyte l'existence de ce professeur de faculté, bien décidé à faire toute la lumière sur l'effroyable massacre qui a bouleversé le village de son enfance, et mis un terme à la sienne...
Si l'intrigue qui sous-tend l'histoire étend son ombre maléfique le long des 400 et quelques pages du roman, Christian Carayon a le souffle un peu court pour nous immerger complètement, et nous garder sous pression...Pas complètement thriller, pas franchement tranche de vie, ni même roman d'apprentissage, un style d'une austérité très didactique, presque administrative, comme un procès-verbal de maréchaussée, l'ensemble montre assez rapidement des signes d'essoufflement, ponctués de trop nombreuses descriptions naturalistes, plus propices à la contemplation et l'introspection qu'à l'investigation...
Reconnaissons tout de même à Christian Carayon un talent certain pour nous donner l'envie de connaître le fin mot de cette histoire, même si la progression de l'intrigue souffre d'un emphysème chronique et de sautes de rythme un peu trop fréquentes...16/10/2016 à 21:30 5
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Survivre
8/10 Un pur moment de thriller...
Une histoire que l'auteur déroule comme un long plan-séquence continu, un suspense qui s'étend comme le ruban d'asphalte parcouru par Kristine, sombre, obsédant, menaçant... Une jeune femme déterminée à sauver les siens, le désert de Mojave, une mise à l'épreuve(s) comme une mise à nu: trois axes autour desquels gravite ce drame intense et suffocant...
Le personnage de Kristine, amazone blessée, pulse d'un éclat frondeur, comme le témoin d'une batterie en fin de vie...
Le cadre minéral qui lui sert d'écrin, ou d'écueil, s'apparente à une sorte de thébaïde, prête à expier une faute qu'elle-même ignore...
Il y a du Gillian Flynn dans cette Vicki Pettersson, dans son écriture de la douleur, dans sa propension à étirer, et éprouver, la résistance de ses personnages principaux; dommage que le final soit rattrapé par le syndrome du " méchant qui ne voulait pas mourir "...
Néanmoins, et contrairement à ce que ne cesse de se répéter l'héroïne du roman, faire du bien à ses lecteurs est à coup sûr ce à quoi parvient Vicki Pettersson, avec ce " slasher book " électrisant et sauvage...08/10/2016 à 23:04 7