Blanche et la bague maudite

  1. Trésor damné

    1871. Alors que Paris peine à se relever de l’épisode sanglant de la Commune, Blanche, une jeune femme particulièrement espiègle et nièce de Gaston Loiseau, commissaire de police, va se mettre sur une nouvelle enquête. Cette fois-ci, tout semble tourner autour d’une mystérieuse bague appelée « L’Œil du grand khan ».

    Voici le deuxième tome de la série consacrée à Blanche. Immédiatement, on retrouve toute la saveur du premier opus : brillante reconstitution tant géographique qu’historique et culturelle, et foisonnement des idées. Hervé Jubert ne manque nullement d’imagination, au point que ses trouvailles fleurissent à chaque chapitre. Bien au-delà de l’attrait engendré par cette plongée dans ce Paris souvent interlope des années 1870, l’auteur multiplie les rencontres avec les personnages étonnants, les scènes impeccables, ainsi que les moments de grande tension. En vrac : un étrange scaphandrier, un tueur insaisissable recouvert de bandelettes et qui décapite ses victimes à l’aide d’un sabre, des individus doués de pouvoirs parapsychiques, une pègre surnommée « L’Hydre » dont chacun des parrains règne sur un domaine d’exaction, une fabrique de culs-de-jatte, etc. Si le premier ouvrage de la trilogie charmait et surprenait, celui-ci va bien plus loin : il envoûte. L’écriture est toujours aussi remarquable, mais elle sert à présent un récit encore plus épicé que le précédent, où les divers ingrédients que sont le style, les protagonistes et l’histoire sont immergés dans un singulier bouillon avec, au final, un mets littéraire à la fois pimenté et diablement surprenant. Même remarque que pour l’ouvrage originel, mais encore plus patente : le livre est plus à mettre entre les mains de lecteurs aguerris que de jeunes, en raison de certains passages marquants et enlevés – tel le zootrope constitué de têtes humaines ou la fin de Carlotta sur le Pont des Arts.

    Avec son effervescence créatrice, sa restitution de lieux et époques passés, et sa plume émérite, Hervé Jubert signe un véritable bijou, aussi magnifiquement taillé et ensorcelant que le joyau après lequel courent tant de ses créatures d’encre dans cet ouvrage. En sera-t-il de même pour Blanche et le vampire de Paris ? Très probablement. L’on en vient surtout à se poser une question hautement improbable – à étudier dans la tempérance que nécessite l’emploi de tels termes – et pourtant si évidente à la lecture de telles réussites littéraires : Monsieur Hervé Jubert, pourquoi ne violenteriez-vous pas le concept de la trilogie pour lui donner de nouveaux enfants ?

    /5