Alice

  1. Le destin d’Alice

    Alice ne rentre pas dans le moule. Ah ça, non. Vraiment pas. Dans un avenir proche où les normes sécuritaires mettent facilement de côté les individus à la marge, la fillette nous narre son existence. Depuis le CE1 jusqu’à ses vingt-et-un ans, elle témoigne de sa vie, sans ambages.

    Premier roman de Paul Cabine, cet ouvrage atypique se constitue sous la forme d’aveux. Des chapitres courts pour un récit également lapidaire, où la fillette devient femme. La découverte de la puberté, la transformation de son corps, l’appétit qu’il suscite chez les hommes, et la manière inéluctable avec laquelle ses aspirations vont entrer en collision avec les règles sociétales. Le futur y est décrit de manière très réaliste, plombé par des lois strictes quant aux comportements. Les nomenclatures, les institutions, les classements des êtres humains, tout claque avec crédibilité, jusqu’à formater une société stricte et intransigeante. Et dans cette machinerie totalitaire, il y a un grain de sable, porteur d’un grain de folie : Alice. Belle jusqu’à en devenir affriolante, intelligente voire dangereuse, si vive qu’elle n’hésitera pas à faire imploser les préceptes communautaires. Une audacieuse petite femme devenue petite flamme. Un viol embrasera définitivement sa conscience d’être libre.

    Voilà un véritable régal de roman noir. Impertinent et singulier, à travers le regard lucide d’une gamine trop affranchie pour se conformer aux usages, Paul Cabine signe, pour son premier écrit, un ouvrage difficilement classable et terriblement envoûtant. À la fois simple et subtil, au-delà du portrait de femme qu’il peint, il offre aussi un cliché au vitriol de ce que pourrait être notre avenir. Et l’on serait bien coupable, une fois le livre achevé, d’oser dire que l’on n’aurait jamais imaginé pareille société.

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