Lys, morne plaine

  1. Plaies rouvertes

    Lille, septembre 1980. À l’occasion d’un enterrement, l’inspecteur Macquart se souvient. Une affaire ancienne, datant de la fin 1963. Un cadavre découvert en forêt, non loin de Merville. Un homme abattu au fusil de chasse, le visage massacré à l’aide d’une pierre. Un fantôme surgi du passé encore mal cautérisé de la Seconde Guerre mondiale. Une réapparition qui avait réactivé de sombres tourments. L’affaire criminelle la plus douloureuse pour Macquart.

    Après L’Écorcheur des Flandres, Le Réseau Flandres et Triple meurtre à Hazebrouck, Philippe Declerck poursuit chez Ravet-Anceau avec ce nouveau roman. L’action et le décor sont immédiatement mis en place, et les chapitres s’enchaînent à un rythme soutenu, offrant leur lot de situations captivantes, de rebondissements prenants et de personnages interlopes. Presque vingt années après la guerre, bien des rancœurs subsistent, des drames que l’on pensait ensevelis ressurgissent, déchaînant la violence. Bien loin des écrits stéréotypés et autres histoires percluses de bons sentiments, Philippe Declerck évoque des circonstances atroces, des comportements immondes, où la Libération est l’occasion de se refaire une virginité, de faire oublier ses propres lâchetés, de célébrer cette délivrance en maltraitant des boucs-émissaires. Une page d’histoire sordide où le bien et le mal peinent à être différenciés. L’intrigue, très réaliste, accapare littéralement le lecteur, jusqu’aux ultimes révélations, qui sont aussi assourdissantes que sombres. Les deux policiers Macquart et Stordeur composent un habile duo de limiers, et les personnalités de tous les protagonistes sont rendues avec habileté et crédibilité.

    Roman après roman, Philippe Declerck affirme son talent et rend ses ouvrages encore plus efficaces. Ténébreux et poignant, celui-ci est très probablement le meilleur. Un véritable petit bijou de noirceur littéraire, autant pour passer un excellent moment de lecture que pour oser regarder en face des instants volontairement négligés de notre propre histoire nationale.

    /5