Passe-temps pour les âmes ignobles

  1. Quelques messieurs trop tranquilles

    Richard Carter est l'un de ces très nombreux Anglais venus habiter en Dordogne. Au hasard de ses achats, il est intrigué par un roman policier, et son étonnement chavire en profonde inquiétude lorsqu'il se met à le lire. A mots presque explicites, le mystérieux auteur a mis en scène des événements du passé de Carter ainsi que ceux de trois autres Anglais installés dans les parages. Qui peut bien être cet écrivain qui en sait tant sur eux ? Quels sont ses objectifs ? Cet inconnu en sait beaucoup sur eux. Beaucoup trop. Il va falloir trouver une solution. Peut-être radicale. Quitte à sortir les fusils de chasse pour faire taire cet impudent.

    Troisième roman de Louis Sanders après Février et Comme des hommes, Passe-temps pour les âmes ignobles est un remarquable roman noir. Un peu moins de deux-cents pages qui passent à la vitesse de la chevrotine. Des personnages humainement brossés, avec leurs faiblesses, leurs haines et leurs passés peu avouables. Une plume alerte, aux dialogues rares, laissant la part belle aux descriptions psychologiques. Un lacis d'anecdotes et d'histoires révolues qui reviennent à la surface du présent, avec un impact décuplé par le poids des haines et des trahisons. Des petits bourgeois en apparence si recommandables, mais en réalité alcooliques, prétentieux, désargentés, prêts à bien des crimes pour restaurer la part d'honorabilité qui pourrait encore être sauvée. Ces destins vont s'entrechoquer et se fracasser en un petit jeu de massacre qui n'épargnera personne. Les fusils de chasse parleront presque aussi fort que ces individus pour lesquels le lecteur va nourrir des sentiments changeants : d'abord la compassion, voire une certaine sympathie, puis une haine aussi létale que les cartouches qui vont jaillir de leurs armes. Les rebondissements vont s'enchaîner quant à l'identité de cet écrivain de l'ombre, jusqu'au dénouement qui éclate comme une détonation dans les toutes dernières pages. Une manipulation remarquable qui rappelle, dans une certaine mesure, celle orchestrée par Serge Brussolo dans Le nuisible.

    Louis Sanders a signé un roman qui panache la retenue toute britannique des individus qu'il décrit et la violence de ces malveillances larvées qui éclatent quand le soupçon devient incandescent. Une peinture au vitriol d'une classe sociale qui s'embrase pour ses propres intérêts jusqu'à allumer plus d'incendies qu'elle ne voulait en éteindre.

    /5