Le Bal des frelons

  1. L’essaim humain

    Un village anonyme de l’Ariège. Ses habitants ? Anonymes également. Fades ? Certainement pas. Et il ne faudra d’ailleurs qu’une étincelle (ou un simple animal ailé, velu ou hérissé) pour mettre le feu à ce champêtre décor.

    Pascal Dessaint est un auteur français que l’on ne présente pas. S’il n’est assurément pas le plus médiatique, il n’en demeure pas moins que sa bibliographie recèle de nombreuses pépites. Ce Bal des frelons est d’ailleurs un excellent exemple de son talent littéraire. Le principe semble pourtant classique : prenez quelques personnages croustillants, ajoutez-y des sentiments délétères et quelques hasards, secouez le tout et vous obtenez à coup sûr un cocktail explosif. Pourtant, pour réussir une telle recette, il faut bien plus qu’une simple énumération de ces éléments fondamentaux, et ça, l’auteur le sait. En remarquable cuisinier, il a choisi les meilleurs produits du terroir. Jugez plutôt. Rémi, un déséquilibré persuadé de l’invasion prochaine du Mal, prêt à exhumer le cadavre de sa compagne pour qu’il vienne lui tenir compagnie à la maison. Deux anciens prisonniers devenus homosexuels et amoureux fous, dont l’un soûle l’autre avec sa passion pour le groupe Status Quo. Un maire aux pratiques parfois douteuses poursuivi sexuellement par une secrétaire encore vierge malgré la quarantaine passée. Un apiculteur qui voit réapparaître le fils de son ancien amour et qui va déclencher, sans le vouloir, quelques malheureux accidents. Un ex gardien de prison dont la femme, sceptique vis-à-vis des banques, a dissimulé toutes les économies du couple. Et c’est sans compter sur les animaux, abeilles et frelons, une vache et un ours, ainsi qu’un hérisson et une taupe qui vont tous jouer un rôle dans cette divine comédie. Nouant entre eux des relations particulièrement exacerbées, de la jalousie à l’appétit de vengeance, du besoin licencieux à la vénalité, les divers individus de ce roman sacrément jouissif vont exploser en plein vol.

    Des composants jubilatoires, un assaisonnement très relevé, un tour de main inégalé pour combiner et cuisiner le tout, et voilà un plat succulent. Pascal Dessaint assure à tous les niveaux de sa cuisine. Un livre épicé qui donne envie de consulter la carte de l’auteur pour se resservir une autre gourmandise littéraire. Un coup d’essaim et un coup de maître.

    /5