Le Boucher de Chicago

(American Gothic)

  1. Le Maître du Haut Château

    1893, Chicago. L’Exposition universelle bat son plein. Un homme d’affaires, G. Gordon Gregg a fait bâtir un immense manoir afin d’accueillir les touristes. Le rez-de-chaussée abrite la pharmacie de ce docteur au charme élégant et au charisme magnétique. Jim Frazer, qui travaille pour une compagnie d’assurance, doit enquêter sur la mort récente de la femme de Gregg suite à un curieux incendie. Crystal, compagne de Jim et journaliste, va enquêter sur ce mystérieux personnage autour duquel les femmes ont une curieuse tendance à mourir ou disparaître.

    Robert Bloch, l’auteur du cultissime Psychose porté au cinéma par Alfred Hitchcock, signait ce roman en 1974. Habilement, le lecteur est transporté dans cette époque et ce lieu, avec une belle économie de moyens et de mots. Et lentement, se hisse l’ombre d’un être étrange, docteur, inventeur d’élixirs, et membre du gotha mondain. Au-delà des apparences, comme on s’en doute vite, il est en fait un dangereux psychopathe, séducteur invétéré, tueur compulsif, en plus d’un escroc de haute volée. Les autres personnages sont également intéressants, comme Crystal, chroniqueuse téméraire et féministe, ou Charlie Hogan, son patron. C’est aussi l’occasion de pénétrer dans un château bizarre, opulent et impressionnant, débordant de salles, d’escaliers et de pièces dérobées. L’intrigue est intéressante, se lit vite et facilement, et la langue de l’écrivain colle parfaitement à la période. Dans le même temps, il faut reconnaître qu’une frange du lectorat pourra être un peu déçue par le manque de noirceur de l’écriture, ou le fait que l’on ne pénètre jamais totalement dans la psyché du monstre ; certains pans de son passé n’apparaissent que brièvement, les ultimes chapitres dévoilent des éléments troublants ainsi que quelques-uns de ses terribles méfaits, mais cet individu reste, au final, une inquiétante énigme tandis que l’on reste un peu sur sa faim. Si cet homme a réellement existé, sous le nom de H. H. Holmes, Robert Bloch s’est inspiré de ses crimes pour créer une œuvre fictive, sans rapport fidèle avec la terrible histoire.

    Un polar historique intéressant, qui fait frémir, notamment dans les scènes de Crystal dans le château. On retiendra aussi le fait que H. H. Holmes apparaîtra prochainement au cinéma, sous les traits de Leonardo Dicaprio, dans un film réalisé par Martin Scorsese, et inspiré du livre Le Diable dans la ville blanche de Erik Larson.

    /5