Une affaire de sorciers

(An Affair of Sorcerers)

  1. C’est pas sorcier !

    Robert Frederickson n’est pas seulement docteur. Celui que l’on surnomme Mongo le magnifique, héritage du temps où il travaillait dans un cirque, est également un criminologue estimé et ceinture noire de karaté. Ah, il est aussi nain. Ces derniers temps, il semblerait que l’on ait vraiment besoin de lui. Le président de l’université où il enseigne lui demande d’enquêter sur les relations d’un collègue avec un hypothétique agent chinois. Un sénateur le sollicite pour prouver l’innocence d’un magnétiseur afin que ce dernier, une fois remis en liberté, puisse aider sa fille qui souffre d’une maladie pulmonaire. Et c’est aussi la fille de son voisin qui implore son aide pour qu’il défende son papa. Décidément, Mongo ne va pas chômer. Et, même s’il doit affronter une clique de sorciers, il n’est pas du genre à se laisser mener à la baguette. Ça tombe bien, il a décidé de se mettre à jouer des timbales.

    Ce troisième opus des enquêtes de Mongo est un petit bijou. Ecrit en 1979, il mérite amplement que l’on se (ré)intéresse à lui, sachant que le poids des ans ne l’a pas du tout accablé. George C. Chesbro, malheureusement décédé en 2008, conjugue ici toutes les qualités requises. Le récit est vif, entraînant, et l’on se régale à chaque chapitre. Comme on peut s’y attendre, les trois investigations vont finir par se rejoindre, et c’est avec brio que ces lacets vont lentement former, aux yeux du lecteur, un habile nœud, nœud que Mongo va délier avec entrain. C’est un plaisir que de voir ce petit homme se lancer à corps (et cœur) perdu dans ces recherches où rien ne lui sera épargné. Des sorciers réunis en une clique semblable à une secte, des expériences parapsychiques, un « livre des ténèbres » recélant d’étranges secrets, sans compter une ancienne star du rock (« Harley Davidson », excusez du peu !) aux mains d’un curieux agent, des pratiques maléfiques et une chauve-souris enragée particulièrement zélée ! Sous la plume d’un autre auteur, tout cela aurait été chaotique, voire franchement ridicule ; avec George C. Chesbro, cela devient un véritable enchantement. A la manière d’un Elmore Leonard, il entrelace le noir et l’absurde d’une manière si fine et juste que jamais le ton n’en devient hésitant ou ridicule. Un véritable tour de force littéraire. Car, au milieu des facéties, demeureront longtemps en mémoire des scènes effrontément brillantes et poignantes, comme ces saynètes où Mongo ouvre son cœur et son âme, le combat particulièrement électrique contre la compagnie de mages, ou encore ce final si saisissant où il affronte celui qui se cache derrière le pseudonyme d’Esobus, dans un spectacle pour le moins foudroyant. Préfacé par Stéphane Bourgoin, ce roman constitue une réussite totale !

    /5