Langue de fer

  1. Cherchez la femme, et trouvez les morts

    Claire a tout pour être la plus heureuse des femmes. Marc, un vétérinaire, un mari aimant, parfait dans tous les domaines. Et c’est justement cette perfection qui oppresse Claire au point de vouloir le tuer. Elle a préparé son plan, est prête à l’exécuter. Mais il va peut-être lui falloir une aide extérieure, un tueur à gages, ou un complice. Les prétendants se multiplient alors, au même rythme que les impasses et les ennuis…

    Pierre Grundmann n’est assurément pas l’auteur auquel on pense immédiatement lorsque l’on évoque les romans noirs, du fait notamment d’une bibliographie peu étoffée. Pourtant, à lire cet ouvrage, on pourrait aisément penser que l’homme n’en est pas à son coup d’essai. On retrouve en effet dans ce livre tous les éléments caractéristiques, dont le personnage de femme fatale, au physique de rêve et parée à toutes les manigances. Pourtant, l’écrivain sait se dégager de ce poncif pour créer un univers très particulier. Claire n’est pas machiavélique ni d’une intelligence rare, c’est une dame lambda, étouffée par le carcan des noces, et déterminée à briser les chaînes maritales. Un joli portrait de femme, tout en finesse et en clair(e)-obscur, d’où naît une figure dont les lecteurs se souviendront longtemps. Dans sa quête du meurtre parfait, elle va croiser des personnages interlopes, mus par le désir d’argent ou de chair. Un policier lubrique et retors, un dépanneur de voitures particulièrement angoissant, une femme de ménage plus rouée qu’il n’y paraît, un soi-disant combattant… Autant d’individus qui pensent, à leur guise, pouvoir manipuler ou se servir de Claire. C’est une des immenses points forts de cet ouvrage : Pierre Grundmann ne joue jamais des effets faciles, des épisodes téléphonés ou des clichés du genre ; il parvient même à se jouer des codes, jusqu’au final, pour croquer une compagne décidément aussi insoumise que dangereuse, à la fois opiniâtre et fragile, dont les ultimes lignes du livre confirment, paradoxalement, son immense humanité.

    Un roman d’une grande noirceur, dont l’opacité se double d’une réflexion pointue sur la place des femmes dans la société. Un récit tragiquement humain et crédible, sans lyrisme malvenu ni niaiserie douteuse, qui emporte le lecteur de la première à la dernière page de cette sanglante tragédie.

    /5