Les Dossiers de l'Agence O

  1. Il serait inutile de s’appesantir à présenter Georges Simenon, avec ses cent-trois épisodes mettant en scène le commissaire Maigret, cent-dix-sept romans, plus de cinq-cents millions d’ouvrages vendus et presque cent-quatre-vingt-dix adaptations cinématographiques. Et c’est avec plaisir que l’on redécouvre l’œuvre de ce grand monsieur à travers ce recueil de quatorze nouvelles. Leur lien : elles sont toutes en rapport avec l’Agence O, une boîte d’enquêteurs privés. On y compte Torrence, le prétendu chef de l’entreprise, Emile, jeune roux qui est en fait le véritable cerveau, mademoiselle Berthe, la secrétaire ayant le béguin pour Emile, et Barbet, un ancien voleur à la tire qui leur rend bien des services. Ce spicilège est un petit régal, avec des histoires très variées. Une femme qui est persuadée d’avoir vu un cadavre, un homme séquestré qui envoie une lettre à l’agence, une vieille dame qui leur demande de retrouver un homme qui s’est travesti pour intégrer un club de femmes âgées, un docteur qui chercherait à empoisonner une légataire sur le déclin, une morte nageant au milieu de trois bateaux sans que personne ne se rende compte de rien, etc. Des histoires prenantes et efficaces, avec le style si particulier de Georges Simenon : des intrigues finalement simples mais agrémentées de fines analyses psychologiques, où les personnages déploient, pour la plupart, de larges parts d’ombre, le tout composé sur un style narratif tout en fluidité. Les mots coulent simplement, facilement, mais recèlent de petits joyaux littéraires. Car les tragiques manœuvres, les sales agissements et les personnages détestables ne manquent pas au gré de ces divers récits. Tout est finalement résumé dans ces quelques phrases extraites de la nouvelle « Le Ticket de métro » : « On ne sait rien, on ne soupçonne pas encore la vérité et pourtant chacun est empoigné par le sentiment de quelque chose de tragique ». L’humour ne manque cependant pas, par touches salvatrices, notamment dans les relations entre Torrence et Emile, ou dans une certaine causticité dans la peinture des prétendues convenances, notamment quand Emile interroge pour la première fois la brave madame Pitchard dans « Le Club des vieilles dames ».

    Une aisance remarquable dans l’étude des rapports humains, qui se double d’énigmes fort intéressantes. Et dire que ces écrits ont été publiés pour la première fois en 1943, avec une prépublication en 1941. Une foudroyante modernité.

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