Le Président

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  • 9/10 J’avais adoré le film de 1961 avec Jean Gabin, et c’est avec appétit que je me suis rué sur cet ouvrage. On y retrouve Augustin, vieillissant ancien Président du Conseil, vivant en reclus dans sa demeure normande, entouré de quelques domestiques. Quelques habiles flash-backs nous renseignent sur son ancienne existence politique, les coups bas, les moments où il s’est illustré, et les renseignements qu’il a conservés sur quelques personnages politiques, dissimulés dans sa bibliothèque personnelle. C’est justement à l’occasion d’une crise gouvernementale que la silhouette de Chalamont, l’un de ses anciens collaborateurs, réapparait, puisqu’il pourrait constituer une solution de rassemblement autour de sa ligne de centre-gauche. Sauf que Chalamont a, par le passé, commis une grave faute alors qu’il était sous les ordres d’Augustin et que ce dernier ne lui a rien pardonné… J’ai retrouvé dans cet ouvrage de nombreux passages réexploités dans le long-métrage, mais également des scènes dues à Henri Verneuil et Michel Audiard, comme le monologue devant les parlementaires, et une fin très différente. Quoi qu’il en soit, ce roman demeure à mes yeux l’un des meilleurs de Georges Simenon, où s’illustre, une fois de plus, la plume remarquable de l’auteur, sèche et habile, distillant en quelques adroits coups de plume une ambiance, un physique, une attitude. C’est surtout la morosité, la déception face à la société, et un pessimisme acide qui dominent ces pages, avec ces livres déplacés qui indiquent que ses proches sont à la recherche des fameux papiers, ou cette vieillesse, accompagnés de ses maux physiques, qui nous guette tous. A cet égard, l’épilogue est la parfaite illustration de cette forte mélancolie, où le Président va réaliser un acte dicté par une logique que j’analyse comme étant celle d’une forme d’abdication. Lui, le vieux lion, capable d’emportements légendaires, viendra donc se comporter à l’encontre de ce que tout le monde, le lecteur en premier, aurait parié. Un acte qui résonne comme la fin d’un monde, même si les deux derniers mots du roman, l’un de ses rares dialogues, démontre que l’animal politique qu’il était n’est pas tout à fait mort. Un de mes ouvrages préférés de Simenon, qui n’a strictement rien perdu de sa fougue et de sa finesse dans l’examen du monde politique, veule et retors, de l’abandon et du déclin humains.

    03/02/2019 à 18:24 El Marco (3231 votes, 7.2/10 de moyenne) 4