Le Train de Venise

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  • 8/10 … ou comment Justin Calmar, ancien enseignant et désormais cadre dirigeant, en vient à récupérer une mallette qu’il doit transporter jusqu’à Genève et la donner à une dénommée Arlette Staub. Sauf qu’il découvre cette dernière morte. Assassinée. Et ce n’est que plus tard qu’il se rend compte que la valise contient une énorme quantité d’argent. Présentée comme ça, cette entame ressemble beaucoup à un polar pur jus, avec cette histoire d’argent qui ressemble beaucoup à ce que la littérature noire ainsi que le cinéma des années 1950 ou 1960 a pu produire. Cependant, Georges Simenon ne s’intéresse guère par la suite à ce potentiel policier, se consacrant presque exclusivement aux errements, questionnements, introspections de Calmar. Il en vient à multiplier les interrogations quant à ce qu’il doit faire, puis s’il doit ou non utiliser cette manne afin d’en faire profiter sa famille. Il ira même jusqu’à sonder son propre passé de professeur, notamment dans sa relation avec le dénommé Mimoune. Paranoïa, anomie, vide existentiel : notre « héros » (j’emploie les guillemets car c’est un être on ne peut guère plus plausible, et dont la crédibilité se démontre dans des instants très communs, depuis sa relation avec ses deux enfants et sa femme jusqu’à son travail). En fait, c’est surtout la déchéance d’un être que nous croque Georges Simenon, son impuissance, et la découverte, sacrément brutale et soudaine, de l’inanité de sa vie. Je connaissais, comme beaucoup, le talent de l’auteur pour souligner les absurdités d’une destinée, les affres d’un quotidien grotesque, les faux-semblants et l’hypocrisie sociale, mais là, malgré quelques lenteurs à mon goût, il s’illustre ici à mettre en exergue les bonheurs captieux avant la brutale prise de conscience et le terrible retour à la réalité : même si je ne suis pas persuadé de me souvenir longtemps des articulations de ce livre, je ne suis pas prêt d’oublier le final, avec cette « maigre silhouette rouge, une petite fille qui agitait la main tout en suçant un cornet de crème glacée ».

    01/03/2020 à 18:18 El Marco (3227 votes, 7.2/10 de moyenne) 1