Sortie noire

  1. La prison, dur d'en sortir...

    Après avoir passé vingt ans en prison, Daniel se voit accorder une semi-liberté. Il peut sortir de l'établissement pénitentiaire pour travailler dans une menuiserie. Pour pouvoir supporter sa longue détention, il s'est construit un monde imaginaire, avec femme et enfants (fictifs). Le problème, c'est qu'il souffre aussi d'amnésie et qu'il ne se souvient plus de quoi il a été jugé coupable et qu'il n'ose pas demander, de peur de passer pour un déséquilibré.
    Une femme riche et âgée et sa gouvernante vivent ensemble, bon gré mal gré, depuis des années. L'arrivée d'une lettre du ministère de la justice annonçant la libération prochaine d'un prisonnier va mettre le feu aux poudres.

    Sortie noire n'est pas dénué de qualités. Sa double intrigue croisée – on imagine sans peine que les deux histoires vont se joindre à un moment donné – est intéressante, de même que le personnage de Daniel et les réflexions qu'il provoque sur les difficultés de la réclusion mais aussi de la réinsertion. Ses quelque 170 pages sont plutôt agréables à lire et l'action n'est pas en reste, surtout en fin de roman.
    Cependant, il souffre d'un gros problème, le manque de « crédibilité ». Le postulat de départ lui-même (un homme qui a passé vingt ans en prison et ne sait même plus pourquoi il est là) est un peu dur à avaler. Admettons. Plus gênant, les personnages, surtout quand ils interagissent entre eux, ne sont pas très naturels. Le point culminant est atteint dans certains dialogues qui prêtent (malheureusement) plutôt à sourire, comme ce détenu et ce patron de menuiserie qui se parlent au boulot comme deux gentilshommes sortis d'un roman de Balzac.
    Pour faire une analogie, le scénario tient plutôt la route, mais on a souvent l'impression que les acteurs sont mauvais. La faute au directeur du casting ? Pas sûr, car les personnages sont plutôt riches. Ce manque de réalisme, de « naturel », serait plutôt à mettre sur le compte du dialoguiste, peu inspiré, ainsi que sur celui du metteur en scène. Les émotions sont parfois exagérées, et ces personnages excessifs dans ce qu'ils font ressemblent à des acteurs qui surjouent leur rôle. Tout y est mais ça sonne faux.

    Sortie noire, malgré ses défauts plutôt gênants, se laisse néanmoins lire sans réel déplaisir. Christian Laurella, qui n'en est pas à son premier livre, a-t-il eu une petite baisse de régime ? Pour le savoir, on pourra lire Lili Maldives, autre polar paru en 2005, ou attendre le prochain...

    /5