Le prédateur de Saint-Quentin

  1. Un ignoble tueur en série sévit aux alentours de Saint-Quentin. Il viole et assassine des femmes. La paranoïa croît aux environs. Le monstre est de sortie, et nul ne semble à même de l’arrêter. Pourtant, cet ogre n’est autre qu’un homme. Seulement, sa vie amoureuse tumultueuse a décidé qu’il ne pourrait jamais être un individu comme les autres.

    Sous ses allures de thriller, cet opus n’en est pas un. Même si la figure toute-puissante du tueur en série existe, l’ouvrage est avant tout un portrait. Violent. Cinglant. Celui d’un être humain de prime abord ordinaire, paisible quidam qui cultive ses fruits et légumes, a des voisins avec lesquels il converse avec sympathie, et dont n’importe qui dirait qu’il n’éveillait pas les soupçons. Pourtant, c’est un terrible criminel. Dès l’enfance, la destinée a fait de lui un pervers, abandonné auprès d’une mère affectueuse. Très affectueuse. Trop affectueuse. Car entre eux deux s’est nouée une puissante passion. Sentimentale. Charnelle. Ce couple amoral, jouissant au propre comme au figuré des instants partagés, a vécu dans le secret un désir barbare, sans commune mesure, et ayant à jamais brisé les relations que l’enfant pourrait un jour nouer avec d’autres femmes. Gilles Toulet a une plume absolument magnifique, emplie de poésie et de lyrisme, mettant en scène de très nombreux passages où l’érotisme est clairement matérialisé. La virtuosité de son style contraste d’ailleurs brillamment avec la férocité des liens entretenus entre les deux amants. C’était une véritable gageure que de rendre cette relation avec beauté alors que la réalité des faits la rend hideuse, vicieuse, écœurante. Pourtant, grâce à un talent de narration absolument fabuleux et un véritable chatoiement de sentiments, Gilles Toulet y est parvenu.

    Voilà un roman singulier, et d’une rare dureté, aussi magnifique dans ses propos que brutal dans son histoire. Un long inceste, traduit avec sensibilité, où un homme, brisé par cet amour irraisonné et affûté par les guerres auxquelles il aura participé, s’est transformé en prédateur sexuel. Une œuvre sensuelle et enragée qui n’a certainement pas fini de diviser les lecteurs. Mais pour ses partisans, il aura constitué un ouvrage d’une exceptionnelle gravité, bien au-delà des codes établis en la matière.

    /5