Deux mille kilomètres avec une balle dans le cœur

  1. L’ange gardien

    Daniel Ferrey mène une vie inexistante. Vivant de petits paris sur les chevaux pour le compte de son beau-frère grâce à d’habiles calculs et statistiques, il en vient à être la victime d’un tireur, non loin d’un abribus. Pourquoi a-t-on cherché à le tuer ? Mystère. Tout ce dont il se souvient, ce sont des mains qui se sont penchées vers lui et d’une personne qui lui a porté secours. Il n’aura alors de cesse de découvrir qui a bien pu être ce bienfaiteur.

    Ce premier roman de David Agrech interpelle rapidement par son étonnant phrasé. Racontée à la première personne, avec des chapitres très courts et un style indirect martelé, l’histoire séduit immédiatement, et l’on se plait à en savoir plus à propos de ce protagoniste singulier, antihéros absolu, tentant de vivre du mieux qu’il peut de médiocres expédients. Le récit est intelligemment bâti, il intrigue autant qu’il enjôle. Si les différents éléments finissent par se rejoindre comme les pièces du puzzle patiemment réunies, il faut néanmoins apporter un bémol, et de détail : les bavardages. David Agrech est capable de tenir de longues dizaines de pages pour expliquer sa fausse martingale pour recevoir des dividendes de ses paris équestres, sa relation chaotique avec le mannequin de chairs et d’os qui figurait sur l’abribus au moment où il a été la cible du criminel, ou encore les plus de cinquante pages où la prostituée Clara se livre quant à sa jeunesse et les raisons qui l’ont menées en France. Ces passages, étirés et furieusement prolixes, auraient probablement pu être abrégés ou rendus moins logorrhéiques, quitte à développer, par exemple, cette passion presque symbolique et fantasmée que Daniel entretient, sans la connaître, avec la personne qui lui a probablement sauvé la vie.

    Si le style est unique et l’histoire brillamment métaphorique, permettant plusieurs lectures du livre, voire plusieurs niveaux de lectures, il n’en demeure pas moins que cet opus aurait peut-être mérité davantage de retenue ou de concision. Néanmoins, ce choix littéraire est clairement voulu et assumé par David Agrech. Il faut alors se dire que l’écrivain s’adresse de prime abord moins à des habitués de romans policiers qu’à des lecteurs avides de se plonger dans un récit d’amour qui ne ressemble à aucun autre.

    /5