Le secret de sir Adrian F.

  1. Mystères à l'époque victorienne

    Dans le Londres de 1893, la jeune Clare Tracy, journaliste assoiffée de célébrité, tente d'être sur tous les terrains qui lui semblent fertiles en sujets pour ses articles : féminisme, anarchisme, spiritisme, milieux artistiques... Malgré ses multiples tentatives, elle ne parvient pas à obtenir la renommée qu'elle désire tant. Par le truchement d'un ami restaurateur de tableaux, Walter Slade, Clare se met à présent sur la piste d'un étrange peintre, Adrian Fitzherbert, dont le comportement s'est soudainement détérioré : paranoïaque, persuadé que le fantôme de son père vient constamment le hanter, des démangeaisons anormales le dévorant quand il se met à peindre. Mais la journaliste ignore encore que l'on ne pénètre pas sans péril dans la demeure de l'artiste...

    Dans la lignée d'auteurs étrangers comme Lee Jackson ou Gyles Brandreth, Béatrice Nicodème signe un ouvrage sobre et érudit. L'atmosphère, les lieux et la culture victorienne de la fin du dix-neuvième siècle sont très bien restitués, par d'élégantes touches culturelles sans que celles-ci ne tournent à l'ostentation stérile. Les divers personnages – assez nombreux – sont bien campés, avec une mention particulière pour Clare Tracy, ambitieuse pigiste ne parvenant pas à réaliser ses grands rêves littéraires, et Adrian Fitzherbert, inquiétant dandy dévoré de sombres tourments. La langue de Béatrice Nicodème est avenante, les chapitres alternant habilement entre les multiples protagonistes, et l'on plonge avec plaisir dans cette ambiance tantôt radieuse, tantôt étouffante. Si l'intrigue est très intéressante, avec une ultime page offrant une fin ouverte qui laissera le lecteur décider d'une partie de la solution, il faut noter que l'histoire reste sobre, sans recours à d'improbables complots ni à des arcanes ésotériques : on retrouve une ambiance de whodunit à la Agatha Christie, posée et rationnelle, tout à fait crédible. A cet égard, le lecteur ne pourra que relever une nette similarité de plume avec Mensonges, l'autre livre de Béatrice Nicodème paru aux Éditions Timée.

    A la fois classique et bien mené, Le secret de Sir Adrian F. est un roman proposant une belle alternative aux livres qu'offrent les écrivains anglo-saxons dans le domaine du polar historique. Même si certains passages ne sont pas toujours utiles au déroulement de l'intrigue, ils permettent de passer un bon moment de lecture distractive et instructive, brossant un portrait très plaisant du Londres de la fin du dix-neuvième siècle.

    /5