Que le spectacle commence

(Walking in Pimlico)

  1. Mortelles apparences

    Amuseur public, Corney Sage est un homme exubérant, plein de malice et toujours prompt à croquer les plaisirs de la vie. Mais par hasard, il assiste au meurtre de la jeune et délicieuse actrice Bessie Spooner. Croyant trouver son salut dans la fuite, il ne se doute pas encore que l’assassin, passé maître dans l’art du déguisement, va de nouveau croiser sa route.

    Premier roman d’Ann Featherstone à être traduit en français, ce roman se déroule dans l’Angleterre victorienne. L’auteur ayant un solide bagage historique, sa reconstitution des lieux et de l’époque est un véritable régal. Les us et coutumes, et plus particulièrement ceux du peuple et des membres de l’univers du spectacle, sont très bien rendus. Ce qui est vite frappant, c’est le langage employé par l’écrivain lorsqu’elle laisse Corney Sage s’exprimer : en argot, avec des expressions fleuries et autres tournures de phrases populaires, c’est tout le petit peuple de l’Angleterre qui s’exprime par sa voix. À la manière de Gilles Bornais, notamment dans Le Diable de Glasgow, un tout autre monde que celui habituellement décrit s’offre au lecteur : nous sommes ici bien loin des parlers châtiés, des étiquettes mondaines et autres ambiances veloutées que l’on trouve dans d’autres polars victoriens. Ce choix narratif peut rebuter, mais il constitue une originalité de ton et une sorte d’honnêteté intellectuelle louables. L’intrigue est intéressante, avec une situation de départ singulière, et l’identité du criminel réserve quelques belles surprises.
    Cependant, par-delà ces qualités, cet ouvrage pâtit de longueurs. Les digressions sont nombreuses et les apartés réduisent considérablement le rythme du récit. Il y a parfois des pages entières que l’on pourrait lire en diagonale sans que cela ne nuise à l’intrigue, même si ces élucubrations peuvent séduire.

    On achève ce livre avec un sentiment mitigé : l’histoire et les connaissances d’Ann Featherstone sont enthousiasmantes, mais l’ensemble est gâché par des lenteurs narratives ; plus de noirceur ou de nervosité aurait peut-être été bénéfique à ce polar historique qui demeure néanmoins attachant.

    /5