Les Derniers Jours d'un homme

  1. Retour aux sources pour Pascal Dessaint

    Une cité industrielle du Nord-Pas-de-Calais.
    Clément, jeune papa, vient de perdre coup sur coup son père et son épouse. Il a décidé de quitter l'horreur de l'usine pour travailler dans l'élagage. Il lui est très difficile de faire face à ce double deuil.
    A cette voix répond celle de Judith, orpheline de dix-huit ans, élevée par son oncle Étienne, qui cherche à comprendre, quinze ans après les faits, ce qui est vraiment arrivé à Clément, son père.

    Dans Loin des humains, Pascal Dessaint s'intéressait à la catastrophe de l'usine AZF, à Toulouse. Délaissant la ville rose, cadre habituel de ses romans, il situe Les derniers jours d'un homme dans sa région natale, le Nord – il est né à Dunkerque.
    Beaucoup se souviennent sans doute de l'affaire Metaleurop. C'est aux ouvriers de la tristement célèbre usine de Noyelles Godault que Pascal Dessaint dédie son roman. Rappelons-le, Metaleurop, c'est plus de 800 licenciés, des conséquences désastreuses sur l'écologie locale tout comme sur la santé des habitants et d'innombrables drames humains. A son échelle, l'auteur veut rendre hommage à cette communauté d'hommes et de femmes qui continuent de souffrir à cause de l'usine.
    Grâce à ses deux personnages principaux, Clément et Judith, l'auteur parvient à nous faire voir l'histoire de Metaleurop dans son ensemble, sans tomber dans le procès à charge ou le pathos larmoyant. Clément est un père courageux, attentionné, qui se bat pour que sa fille pâtisse le moins possible de la situation. A ce propos, il est à noter que le délicat sujet du deuil est très bien traité par l'auteur, qui trouve le ton juste pour nous faire part de la difficulté de vivre sans ceux qu'on aime, de la longue reconstruction de soi suite au décès d'un proche.
    Les protagonistes se rendent compte, tout comme le lecteur, des désastres causés par la mauvaise gestion de l'usine. À cause des métaux lourds, la nature se meurt autour de hauts fourneaux. Les enfants peuvent à peine sortir jouer dehors tant l'air est pollué. Les malades sont nombreux, leurs reins sévèrement touchés par la plombémie. Clément n'en demeure pas moins un amoureux de la nature. Il aime retrouver son arbre préféré et, au coucher, faire rêver sa fille en lui faisant découvrir toutes sortes de papillons.

    Les derniers jours d'un homme est bien plus qu'un texte dénonciateur, c'est un grand roman noir. Puissant, fort bien écrit, émouvant, il confirme tout le talent qu'à Pascal Dessaint pour raconter des histoires à plusieurs voix, prenantes au possible. Nul doute que les personnages de Clément et Judith, profondément humains, habiteront longtemps l'esprit du lecteur. Magistral !

    /5