Le Pacte Allen Dulles

  1. Le dernier des Justes

    21 juin 1943 : Jean Moulin, représentant du général de Gaulle en France et missionné pour tenter de rallier les diverses ramifications de la Résistance, est arrêté. Plusieurs mois plus tôt, les espionnes du Salève ont fort à faire, d’autant que la zone libre vient d’être envahie par les forces allemandes et italiennes au cours de l’opération Anton. Agents doubles, suspicion d’expérimentations à Dachau, armes diaboliques : les Alliés autant que les nazis vont peut-être dévoiler ici leur ultime carte.

    Après L’Envers du miroir et Bletchley Park, voici le troisième et dernier tome de la série consacrée aux espionnes du Salève. Mark Zellweger, une fois de plus, nous régale avec ce roman qui, paradoxalement, surprend très rapidement. En effet, nos héroïnes que sont ces six jeunes femmes, aux motivations et profils si divers, n’entrent que rarement en jeu. Certes, elles vont risquer leur vie, tâcher d’extirper des renseignements aux ennemis, traquer les informations par tous les moyens, mais leur rôle passe ici largement au second plan, laissant l’auteur déployer son incroyable connaissance de la Seconde Guerre mondiale, de la Résistance et des enjeux politiques que cette dernière a induits. Au final, c’est presque une radioscopie des divers mouvements de lutte contre l’occupant nazi et une fresque ayant comme centre de gravité Jean Moulin que Mark Zellweger nous offre. D’ailleurs, là où l’on ne pouvait que reconnaître son érudition en la matière dans les précédents tomes, celui-ci se révèle encore plus impressionnant de maîtrise. Des faits, des dates, des lieux, des personnages en quantité, pour la plupart réels, et dont les noms, fort nombreux, sont cités dès l’entame du livre… sur près de six pages. Que l’on soit porté sur la culture historique ou pas, ce roman passionne d’un bout à l’autre, davantage, vous l’aurez compris, en raison des enseignements véridiques et incontestables qu’il véhicule, que pour sa réelle fantaisie littéraire. Certains déploreront peut-être ce choix, occultant presque le sort de ces dames émérites et valeureuses dont nous nous étions entichés, au profit de cette représentation presque documentaire, de même que l’on pourra, à la marge, reprocher à l’écrivain quelques dialogues peu crédibles, mais cet opus n’en demeure pas moins brillant à bien des égards.

    Mark Zellweger enchâsse la petite et la grande histoire pour notre plus ample plaisir, dressant par la même occasion un portrait nuancé de la Résistance où se sont écharpés tant de tendances et d’égos, certes pour un objectif commun, mais au gré de soubresauts, tiraillements et autres querelles individuelles. Un livre fort, au terme duquel Jean Moulin entre dans l’Histoire « avec [s]on terrible cortège ».

    /5