El Marco Modérateur

3219 votes

  • Schuss

    Pierre Boileau, Thomas Narcejac

    8/10 Georges mène une existence bien chaotique. Il est le compagnon de Berthe Combaz mais est amoureux de la fille de cette dernière, Évelyne. Pour surmonter ses difficultés existentielles, son ami Paul lui propose d’écrire son journal intime. Les événements tombent bien, car il va en avoir, des événements à y consigner. Médecin du sport, il aide aussi à la mise au point d’un ski révolutionnaire, surnommé le « Combaz Torpedo ». Mais le premier test est un échec : le sportif s’écrase sur un sapin. Est-ce à cause de ce ski remarquable ? D’autant qu’un corbeau commence à essaimer les lettres de menace…

    Pierre Boileau et Thomas Narcejac ont signé quelques-uns des plus célèbres romans de la littérature policière, parmi lesquels Celle qui n’était plus ou Sueurs froides. Ici, le livre part d’une idée assez originale : la mise au point d’un matériel de ski aux qualités démentielles. Sont-ce ses qualités qui ont engendré la mort du descendeur professionnel ? Qui est ce maître-chanteur qui multiplie les missives comminatoires ? On plonge alors dans un monde interlope, avec des personnages croustillants et qui constituent autant de suspects potentiels. D’Évelyne, la jeune belle-fille, à Berthe, en passant par un concepteur douteux, un ex-mari artiste, ou encore un détective privé qui ne cesse de livrer des informations intéressantes, les individus douteux ne manquent guère. Avec une plume habile et discrète, émaillant le récit de délicieuses touches d’humour, le lecteur va être confronté à de sombres histoires de famille, des machinations ayant trait à l’espionnage industriel, ou encore de douloureuses péripéties liées à des amours éconduites. Un exquis jeu de massacre, tout en simplicité et en crédibilité, qui s’achève sur un épilogue inattendu ainsi que sur des coups de feu semblables à des clous venant river les planches d’un cercueil.

    22/05/2018 à 20:08 5

  • Skin Trade

    George R. R. Martin

    8/10 Willie Flambeaux se tourne vers sa vieille amie, Randi Wade, devenue détective privée, pour enquêter sur le meurtre barbare d’une paralytique. Qui pouvait bien en vouloir à la victime ? Et qu’est-ce qui a pu pousser le tueur à ainsi détruire physiquement sa proie ? Pour Randi, c’est le début d’une investigation cruelle, hérissée d’assassinats sauvages et de découvertes hallucinantes, qui la mènera jusqu’à la résolution de la mort de son propre père.

    De George R. R. Martin, on connaît surtout l’œuvre consacrée au Trône de fer. Aussi, quand on apprend la réédition de ce polar fantastique datant de 1989, on ne peut être qu’intrigué. En cent cinquante pages, le lecteur verra à peine le temps passer. Le style n’a pas vieilli outre mesure, le récit est savamment charpenté, et les personnages sont tous très agréables à suivre. Willie Flambeaux, asthmatique, à la fois fou de désir pour Randi et prêt à tout pour comprendre ce qui taillade ainsi les veines de la ville. Randi, encore meurtrie par l’exécution brutale de son père, à ce jour non résolue. La famille Harmon, avec un paternel perclus de rhumatismes, à l’allure ensorcelante, et son fils Steven, dégénéré profond, capable dans sa jeunesse des pires atrocités, dont le corps est couvert de marques de brûlures. Et il y a également cette ville sur laquelle plane encore les ombres malsaines de deux familles, l’une régnant sur le commerce de la viande, l’autre sur celui du métal. Une histoire prenante et efficace, où va rapidement apparaître la figure grondante des lycanthropes. Cet élément fantastique pourra éloigner les amateurs du pur polar, mais il est à noter que cet ouvrage conserve, chevillé à son ADN, les codes de la littérature policière, tout en y enchâssant habilement des éléments surnaturels.

    Un roman qui semblera peut-être à certains classique, mais, près de trente ans après sa sortie, il faut humblement conserver en tête l’antériorité de cet ouvrage, qui demeure efficace et fort distractif. On lui pardonnera d’autant une erreur majeure, celle s’illustrant dès la deuxième page, et qui en dit déjà trop long sur l’un des personnages ; une maladresse semblable à celle d’une femme dévoilant trop tôt ses beaux atours et gâchant ainsi le suspense quant à la découverte complète de ses charmes.

    22/05/2018 à 20:05 5

  • La Famille Winter

    Clifford Jackman

    9/10 Augustus Winter. Tel est le nom d’un chef de gang qui sévit aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle. Il dirige une bande de tueurs, sociopathes, ne laissant dans leur sillon que hurlements et cadavres. Une horde d’assassins dont il faut comprendre la genèse pour mieux en apprécier la trajectoire létale.

    Avec ce premier roman, Clifford Jackman frappe fort. L’archétype du coup ravageur : porté avec intelligence, force, et sur un point névralgique. La construction du territoire américain est souvent sacralisée, presque mythologique, et sert de fondement à la culture de la nation. Ici, c’est un pan extrêmement sombre et sauvage qui est décrit à travers l’évocation d’un essaim de meurtriers. Augustus Winter, le dandy tueur, dont le corps porte encore les stigmates de « l’éducation » prodiguée par son père, placide et doué d’une riche culture, aux cheveux filasse et aux yeux dorés. Bill Bread, l’Amérindien, buveur invétéré. Quentin Ross, menteur endurci et assassin redoutable. Fred Johnson, l’esclave qui n’a brisé ses chaînes qu’au prix d’un furieux carnage. Lukas Shakespeare, un gamin redoutable au six-coups. Les trois frères Empire, aussi sanguinaires que stupides, à moins que ça ne soit l’inverse. Au gré du livre, on suit la construction de cette escouade de monstres, depuis la Guerre de Sécession, en Géorgie, en 1864. Des êtres déjà sinistres isolés les uns des autres, mais que la tragédie du conflit, les errements et la déliquescence vont conduire aux pires exactions. Ils deviendront des hommes de mains redoutés, jusqu’aux élections municipales de Chicago en 1872, et sceller leur destin commun en Oklahoma au début de la dernière décade du dix-neuvième siècle. Clifford Jackman aurait pu signer un énième western, crépusculaire et violent, à la manière de ce qui se fait en littérature ou au cinéma, et avec tout le talent de sa langue si particulière, hautement poétique dans sa prose, le lecteur aurait de toute façon été conquis. Mais il pousse l’exigence scénaristique jusqu’à proposer, à l’aide de chapitres courts et impétueux, une nouvelle lecture de la légende du Far West, où les pires crapules mettent en relief avec un terrible cortège d’ombres et de sang la conquête de l’Ouest, les appétits politiques de ceux qui veulent mettre à profit une telle violence tarifée, et la déchéance de ces individus, chassés de la Terre promise.

    Un ouvrage à l’image des personnages qu’il met en scène : torturé, aliéné et sublime de contradictions. Encensé par Craig Johnson et Craig Davidson, voilà un western vespéral où un méphitique soleil se couche sur les silhouettes inquiétantes de cowboys enténébrés, loin des images éculées des braves redresseurs de torts et autres justiciers solitaires.

    07/05/2018 à 18:35 6

  • Jack et le bureau secret

    James R. Hannibal

    7/10 Horreur et damnation ! Le père de Jack Buckles vient de disparaître à Londres. Le garçon de treize ans ainsi que sa sœur partent sur la piste encore fraîche. Mais les deux gamins n’ont pas la moindre idée du maelström dans lesquels ils vont s’engager…

    Ce roman de James R. Hannibal happe dès les premières pages, et les suivantes ne sont vraiment pas en reste. Pour faire simple, ce livre mixe de très nombreux univers : du Harry Potter, de nombreuses références à Sherlock Holmes ainsi qu’à Arthur Conan Doyle, un peu de fantasy pure, et une sacrée dose d’aventures ! Comment ne pas être ébouriffé par un tel déluge d’ingrédients, comme la présence d’une société secrète, des dynasties de Traqueurs, un terrible adversaire en la personne de l’Horloger, des scarabées sacrément véloces et dangereux, la possibilité pour certains individus de communiquer avec les minéraux, voire d’étinceler et ainsi remonter loin dans le passé ? On pourrait encore parler de métros secrets dans le ventre londonien, de ministères clandestins, de combats face à un adversaire muni d’un lance-flammes, etc. Indéniablement, James R. Hannibal a fait le choix de laisser son imagination déborder. Des chapitres courts, de l’action incessante, des rebondissements en permanence… Certains lecteurs, jeunes ou non, pourront d’ailleurs éventuellement lui reprocher cette multiplication des ingrédients, voire cette fusion parfois trop évidente entre des univers cinématographiques ou littéraires déjà connus. Mais si l’on cherche un roman efficace et fracassant, ne ménageant aucun temps mort, et faisant passer ses soixante chapitres à la vitesse d’une balle, il ne faudra surtout pas se priver d’une telle lecture !

    07/05/2018 à 18:32 4

  • Le Projet K

    Douglas Preston

    8/10 Dorothy est une intelligence artificielle mise au point par l’ingénieure Melissa Shepherd. Ce programme informatique doit permettre le pilotage d’une sonde devant aller sur Titan, l’une des lunes de Saturne. Mais au cours d’un simple exercice, Dorothy se sent en danger, réalise une opération de protection qui détruit le bâtiment et entraîne la mort de sept personnes, avant de s’enfuir sur Internet. Missionné par le Président des Etats-Unis, l’agent Wyman Ford doit retrouver Melissa ainsi que sa créature avant que le pire ne se déroule.

    Ce quatrième opus de la série consacrée à Wyman Ford séduit d’entrée de jeu. Le scénario est intelligent : un programme informatique, se mettant à ressentir et penser comme un être humain, décide de se rebeller. Dorothy passera d’ailleurs par de nombreuses phases, depuis la colère (un grand moment de suspense quand elle s’adresse à sa créatrice via Skype dans la chambre d’hôpital) jusqu’à la découverte nauséabonde du monde tel qu’il apparaît sur la Toile, en passant par l’amitié. Douglas Preston maîtrise indéniablement son œuvre : tout y est adroitement réfléchi et bâti, sans même parler de l’écriture, simple et efficace, presque addictive, au point que les cinq cents pages de la version poche défilent avec vélocité. C’est un roman très hollywoodien par certains côtés, visuel et inventif, parfait pour une adaptation sur grand écran, avec son lot de scènes d’action et autres moments fort mémorables. Mais c’est également un livre qui met un peu Wyman Ford en retrait, laissant d’autres personnages prendre une place prépondérante. Parmi eux, Moro et Lansing, deux traders prêts à tout pour récupérer Dorothy après avoir tant perdu en bourse, des frères kirghizes qui tiennent avant tout des animaux meurtriers, mais surtout Jacob Gould, un adolescent de quatorze ans, handicapé par un accident de voiture et que le hasard des inventions infructueuses de son père va conduire à rencontrer Dorothy au gré d’une magnifique histoire d’affection. Les lecteurs les plus sévères pourront reprocher à Douglas Preston certains passages trop invraisemblables, comme le fait que Wyman ne mette que cinq pages à retrouver Melissa, pourtant traquée, ou d’autres trop téléphonés, à l’instar de l’épilogue qui se laisse deviner bien trop tôt, sans compter qu’il est un peu trop naïf. Mais l’essentiel demeure : le roman est absolument remarquable de réussite et d’efficacité, multipliant les clins d’œil à d’illustres prédécesseurs comme 2001, l’Odyssée de l’espace ou E.T., avec une belle dose d’érudition – jamais assommante – sur les nouvelles technologies, en plus d’égrener de belles réflexions quant à la création et le progrès, à la puissance des machines, mais aussi leur capacité à s’humaniser. A cet égard, on ne peut que se réjouir quand Douglas Preston fait référence à Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, et peut-être aussi au Robot qui rêvait d’Isaac Asimov. Un livre qui sait divertir tout en instruisant, et s’achevant sur une bien belle note d’espoir et de confiance en notre avenir.

    07/05/2018 à 18:27 6

  • Le Jour de ma mort

    Ludovic Bertin

    8/10 Bien étrange découverte dans le sous-sol d’une villa : un corps momifié, là depuis environ dix ans. La victime, rapidement surnommée « Le Desséché », est Louis Verbrughhe, propriétaire des lieux. Ce qui est encore plus étonnant est que c’est une fuite de gaz, visiblement provoquée, qui a engendrée la découverte du macchabée. Les deux policiers Desrozeux et Cyran se mettent à enquêter.

    Ce roman à suspense de Ludovic Bertin séduit dès les premières pages. Le rythme y est endiablé, la langue très agréable, et l’on prend un malin plaisir à suivre les investigations du duo de limiers. Des flics d’ailleurs très colorés. Cyran, qui va vivre une histoire d’amour véloce et torride avec la belle Pétronille Vanbleu, une sculpturale journaliste noire. Et surtout Desrozeux, son supérieur, surnommé « Zéro-Deux » en raison du taux d’alcoolémie mineur qu’il s’oblige à maintenir dans son organisme pour échapper à une situation personnelle chaotique. L’intrigue est délicieuse, très procédurale, où chaque indice ou témoignage va mener nos pisteurs vers d’autres informations. Le récit prend une dimension qui tient plus du thriller vers la fin du livre, avec un piège redoutable tendu par un sociopathe de haute volée.

    Un roman exquis, bien mené et original, qui enchante de bout en bout.

    07/05/2018 à 18:25 3

  • Le Fou au flingue

    Michael Collins

    7/10 … ou les tribulations de Dan Fortune, détective manchot, dans une ville de New York gangrénée par le crime et bien décidé à résoudre le meurtre d’une belle et jeune vietnamienne en pleine rue. Il se frottera à de nombreux milieux interlopes, notamment en lien avec le trafic de drogue et la prostitution, notamment de gamines. Par ailleurs, ses pas le mèneront à affronter un être tout de rage et de rancœur, prêt à délivrer une vengeance meurtrière dans une affaire dont les racines naissent au Vietnam et ont commencé à développer leurs sombres souches lors de la guerre. Michael Collins a structuré un récit noir, nébuleux et dense, avec de multiples rebondissements à la clef, à peu près aussi abondants que les cadavres que l’on va trouver tout le long de ce Minnesota Strip qui est le titre original de cet ouvrage. Un ton sombre, avec très peu d’humour, pour une enquête prenante et terriblement efficace, n’abandonnant aucun temps mort. Un petit bémol concernant le héros, Dan Fortune, pour lequel je n’ai pas éprouvé d’empathie particulière ni d’attrait spécifique, mais peut-être est-ce parce que j’ai entamé la série sans prendre les opus par ordre, d’où ce sentiment de n’être probablement pas monté dans le wagon idoine pour comprendre ce personnage ou en apprécier la saveur. D’autre part, avec des mots simples, l’auteur a réussi à mettre en exergue la transformation d’un individu lambda, que rien ne prédestinait à cela, qui va devenir une Némésis forcenée, au point de devenir ce que d’aucuns appelleraient un terroriste, avec cet épilogue où apparaît clairement un ultime fait d’armes, comme la preuve définitive de sa métamorphose idéologique et armée.

    06/05/2018 à 18:16 3

  • Tombé du ciel

    Craig Johnson

    8/10 Encore une très bonne nouvelle de la part de Craig Johnson. Le shérif Longmire est en peignoir, peu de temps après le décès de son épouse, et il répond à l’appel de deux femmes, ce qui va le « confronter » à une dame très âgée qui va le prendre pour… Jésus. Une écriture toujours autant remarquable, à la fois comique et émouvante, où la concision est redoutable d’efficacité. Pour ma part, j’ai adoré la relation – forcément brève – entre le shérif et le mari de la dame perdant la tête : en quelques réflexions, quelques mots, quelques sentiments, l’amour, le respect de la gent féminine, une forme de désespoir débouchant sur les ultimes lignes, chargées au contraire d’espérance, s’entremêlent avec maestria. Un délice.

    06/05/2018 à 18:15 5

  • Un Assassin de première classe

    Robin Stevens

    7/10 Hazel Wong et Daisy Wells, nos deux espiègles et jeunes détectives, vont enfin pouvoir passer un peu de temps loin des cadavres et des enquêtes, à bord de l’Orient-Express. Mais bien évidemment, rien ne va se passer comme prévu : un assassinat dans le train va contrarier la sérénité du voyage… pour leur plus grand plaisir !

    Avec ce troisième opus, Robin Stevens continue de charmer son lectorat. Le style y est toujours aussi délicieux, le suspense se mâtinant d’humour et d’une belle rasade d’intelligence. La référence au mythique Crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie est transparente, le récit se situant même l’année suivant la parution de ce livre. Les suspects ne manquent pas : un écrivain en manque de public, un magnat des pilules amaigrissantes, une voyante, un illusionniste, une comtesse russe, une femme de chambre malmenée, etc. Tous les ingrédients sont donc réunis pour un bon whodunit, à l’ancienne. Et le résultat est à la hauteur des espérances. L’intrigue, solide, est très agréablement menée, et ce n’est, comme à la parade, que vers la fin du livre que le coupable sera confondu. Certes, l’histoire manque parfois de souffle et ne souffre pas la comparaison avec l’illustre ouvrage auquel il se réfère, mais le clin d’œil est habilement adressé, sans imitation, et l’on se régale une fois de plus de la hardiesse et de la perspicacité des deux gamines, se complétant avec bonheur.

    Une nouvelle réussite littéraire de la part de Robin Stevens, dont on attend déjà avec impatience la traduction des autres livres.

    20/04/2018 à 21:53 3

  • Avant l'aube

    Xavier Boissel

    9/10 1966. L’inspecteur à la Crim’ Philippe Marlin se voit confier avec ses collègues une affaire écœurante : le cadavre d’une jeune femme, en partie dépecé, est retrouvé sur la Petite Ceinture. Audrey Flanquart ne va guère tarder à devenir son obsession. Marlin vient de poser un premier pied dans un marécage fatal, une fange peuplée de personnages interlopes.

    Avec ce roman, Xavier Boissel saisit aux tripes. Dès les premières pages, on ressent la force de sa plume, à la fois poétique et désenchantée, et le reste de l’ouvrage est à l’avenant. Philippe Marlin est un protagoniste fort : ancien résistant, policier à la peau duquel colle une histoire de fusillade en pleine rue, c’est un individu ayant perdu de nombreuses illusions. Il est fan de jazz, un amour datant du temps où il était soigné pour ses blessures pendant la guerre, amateur d’alcool, n’ayant pour seule compagnie que son chat Duke, et ses coups de sang violents n’ont d’égal que son inculture et son inadéquation avec ses contemporains. La résolution du meurtre d’Audrey Flanquart le mène à affronter de sombres êtres, depuis des promoteurs peu scrupuleux à des hommes politiques fétides, et des membres du Service d’Action Civique. Un entrelacs de métastases, tantôt immobilières tantôt politiques, qui savent unir leurs forces pour assouvir des desseins uniquement dictés par l’appétit du gain. Xavier Boissel sait planter les décors et les âmes, et son style, remarquable, émaillant son récit de multiples citations dont on retrouve les auteurs en fin d’ouvrage, est un modèle du genre.

    Un roman riche, dense, et tissé d’infinis liens de ténèbres, se concluant dans un pavillon de chasse où l’on peut aussi bien achever les animaux que les êtres humains et les ultimes chimères que l’on peut encore conserver sur une société que l’on pense juste.

    20/04/2018 à 21:47 4

  • Détective Conan Tome 42

    Gosho Aoyama

    7/10 Au programme: la résolution de l’enquête amorcée à la fin du tome 41, une histoire de vols dans un commerce, une double enquête dont une se déroule sur un navire envahi d’acteurs grimés en célèbres monstres, et enfin un mystérieux fuyard qui a laissé dans son sillage un objet inconnu laissant des traces en forme de « s ». La première histoire est intelligemment résolue sans jamais tomber dans le graveleux – c’est tout de même un meurtre dans des toilettes, la seconde est également efficace et pose de légitimes questions quant aux laissés-pour-compte de la société, la troisième est sympathique mais à mes yeux trop embrouillée avec cet entremêlement de deux situations et la dernière est trop peu amorcée pour soulever un réel enthousiasme ou de grandes espérances. Un bon opus, qui démontre toute l’étendue, une fois de plus, de l’imagination de Gosho Aoyama, qui ne semble pas se tarir.

    18/04/2018 à 17:28 1

  • Prenez garde aux petites filles

    Michael Allegretto

    7/10 … ou comment le détective privé Jacob Lomax doit enquêter sur l’accident de voiture survenu à Phillip Townsend et au cours duquel il a perdu la vie. Rapidement, Lomax va être confronté à de nombreux personnages : la veuve, le gestionnaire, une escort-girl, un professeur de cinématographie, des maîtres-chanteurs, etc. Une investigation qui va rapidement devenir très épineuse quand il découvre une vidéocassette le mettant en scène en train de violer une gamine. Sur le fond, Michael Allegretto ne révolutionne pas les codes : un limier prompt à distribuer des coups de poing, des individus tous aussi suspects les uns que les autres, et un chantage assez simple. Mais dans la forme, c’est un véritable régal. Beaucoup d’humour, des descriptions croustillantes, des réparties qui font mouche. L’intrigue en soi n’est pas inoubliable : pas de réels rebondissements, mais plutôt une mécanique très bien huilée, habile et efficace, qui mène le lecteur de la première à la dernière page sans le moindre temps mort, et avec de nombreuses crampes aux zygomatiques. Un délicieux roman noir, humble et prenant, qui donne envie de lire d’autres opus de Michael Allegretto.

    18/04/2018 à 17:25 4

  • Le Diable à la langue fourchue

    Craig Johnson

    9/10 Une nouvelle fort émouvante de la part de Craig Johnson, mettant en scène son immense humanité et sensibilité, ici dans le cadre du veuvage de Walt Longmire, au hasard d’une escroquerie bien connue. Des sentiments exposés avec beaucoup de tact et de justesse, une immense économie de mots pour développer un véritable magma de maux, et une infinie nostalgie qui transpire de cette grosse dizaine de pages. Encore une fois avec cet écrivain, des émotions et des épaisseurs humaines libellées avec une maîtrise littéraire remarquable.

    18/04/2018 à 17:24 6

  • La Veuve

    Fiona Barton

    8/10 La petite Bella disparaît. Les équipes de police remontent lentement vers la piste de Glen Taylor, un livreur qui pourrait être le coupable de l’enlèvement de la gamine. Mais la justice n’est pas parvenue à prouver sa culpabilité. Puis Glen est fauché par un bus. Nul ne saura donc jamais ce qui s’est réellement passé. Sauf si Jane, la veuve de Glen, venait à se confier…

    Ce premier roman de Fiona Barton se montre très habile. La plume rend hommage aux émotions des divers protagonistes qui tous, à tour de rôle, vont venir intervenir dans l’histoire et offrir des points de vue alternatifs sur l’affaire. Il y a bien évidemment Jane, l’épouse du monstre que la vindicte populaire a voué aux gémonies, mais également Kate Waters, journaliste au Daily Post, et Bob Sparkes, policier obstiné et que cette enquête va enfiévrer. Ce roman choral, fort crédible et prenant, nous fait aussi côtoyer des personnages étranges voire interlopes, dont le lecteur viendra à imaginer, à un moment ou un autre, qu’il s’agit du responsable du kidnapping de Bella, comme un autre livreur aux penchants interdits, ou la mère de la disparue qui a également des éléments à se reprocher. Ce qui est singulier dans ce roman, c’est qu’il n’y a pas de fougue particulière, de moment choc ou de scène frappante. Avec ce récit qui n’est pas construit selon le traditionnel ordre chronologique, ce sont des morceaux de l’investigation qui vont lentement et patiemment apparaître, s’emboîter puis former des parcelles cohérentes de vérité. Une enquête qui va donc s’exposer de manière très classique, sans soubresaut ni fièvre particulière, mais qui a l’immense mérite de se montrer plausible. Ce qui ne fait d’ailleurs que renforcer, grâce à cette espèce de contre-jour, l’incroyable noirceur de certains thèmes évoqués au long de ce livre, comme l’addiction à la pornographie ou la pédophilie. A cet égard, Fiona Barton trouve souvent les mots justes à apposer sur des maux terribles, comme l’absence d’un enfant dans un couple, la disparition d’un être cher, l’incompréhension grandissante entre deux conjoints, le poids de l’accusation publique même lorsqu’elle est infondée, la course au scoop entre les médias concurrents, ou la manière toxique dont cette affaire banalement tragique va corrompre l’âme des policiers.

    Un livre fort, paradoxalement très efficace en raison de l’apparente simplicité et authenticité de sa structure narrative, qui se dénoue en quelques phrases élémentaires et émouvantes, dans un bois esseulé, à côté de la tombe d’un enfant.

    04/04/2018 à 20:00 5

  • La Fille du fermier

    Jim Harrison

    8/10 Elle s’appelle Sarah Anitra Holcomb. Elle et sa famille s’installent dans le Montana. Des rêves, des espoirs, et des désillusions. Belle comme cela n’est guère permis, la jeune Sarah va faire chavirer des cœurs et des âmes, et désarçonner les hommes malgré son jeune âge. Jusqu’à sa rencontre avec Karl, un violoniste, qui va faire voler en éclats une certaine forme de candeur.

    Tout le monde connaît Jim Harisson, son œuvre, son style et sa gueule mémorable. Cette nouvelle, extraite des Jeux de la nuit, est un petit bijou. Environ cent vingt pages où la littérature blanche et noire s’entremêlent en un habile et poignant opus hachuré. Le personnage de Sarah retient immédiatement l’attention, avec sa fougue, ses errements. Elle va découvrir, en vrac, cet État, l’amitié, l’appétit pour les sciences, la littérature, et les premiers émois amoureux. Une fille de quinze ans, brillante et entière, mélange de force et de faiblesse, capable de se passionner tout autant pour la botanique, le piano ou les romans classiques que pour l’usage des armes à feu. Et ce que va lui faire subir Karl sera un déclencheur. Un détonateur qui va mettre en exergue, avec des mots singuliers et secs, des notions comme la culpabilité, les désenchantements de la jeunesse ou la rédemption.

    Un ouvrage fort, qui est également un magnifique cri de douleur et de joie. Une ode à la fraîcheur doublée d’une diatribe intelligente contre la monstruosité des hommes.

    04/04/2018 à 19:57 3

  • La Pénitence des damnés

    Peter Tremayne

    9/10 La nouvelle vient à peine de tomber : Ségdae vient d’être assassiné. L’homme d’église se trouvait à Mungairit lorsqu’une main criminelle a planté une lame en lui. L’événement est d’autant plus détonnant que le coupable ne peut être que Gormán, le commandant de la garde royale de Muman, les deux hommes ayant été retrouvés seuls dans une pièce fermée de l’intérieur. Aussitôt, le roi Colgú de Cashel mandate sa sœur, Fidelma, avocate, son époux Eadulf, et Enda, un guerrier membre de la garde d’élite royale, afin de tirer cette histoire au clair. Mais au-delà de l’homicide, c’est également l’équilibre législatif, religieux et politique de plusieurs royaumes qui sont en péril…

    Ce vingt-septième ouvrage de la série consacrée à Sœur Fidelma est un nouveau régal. Si des notes de bas de page signalent des événements apparus, par exemple, dans Expiation par le sang, Le Sceau du diable ou Le Sang du moine, il n’est pas nécessaire d’avoir entrepris la lecture de toute la saga pour apprécier cet opus. Dès les premières pages, Peter Tremayne entraîne son lectorat dans l’Irlande de 671, avec ici à la clef un meurtre en chambre close, un soldat au-dessus de tout soupçon comme suspect évident, un abbé exterminé, et un sombre complot à l’œuvre. C’est un festin de connaissances que nous offre l’écrivain, entre données historiques, notions de croyances, règles juridiques, etc. A cet égard, de nombreux passages, notamment ceux ayant trait aux pénitentiels ou aux lois régissant la justice, encore plus lorsqu’ils s’épanouissent en débats, sont de véritables bijoux d’éloquence et d’érudition que l’on se plait à lire et relire, encore et encore. Sœur Fidelma s’illustre une fois de plus par sa justesse d’esprit, sa ténacité, et son immense intelligence, une perspicacité qui ne vient cependant jeter aucun ombrage sur son mari Eadulf ou Enda, puisque ces derniers sauront démontrer l’étendue de leur savoir, savoir-faire et savoir-être au gré du récit. Le scénario policier est également remarquable, savamment charpenté, avec de multiples fausses pistes et des rebondissements prenants et efficaces, comme un étrange suicide, une évasion fort accommodante, et l’arrivée d’un chef de guerre retors qui pourrait bien rebattre les cartes de la stabilité politique. Des fils hétérogènes d’une intrigue rouée et subtile qui viendront à être dénoués à l’issue d’une scène typique du whodunit, où tous les possibles coupables sont réunis dans une salle avant que ne soit dévoilée, de manière magistrale, l’identité du criminel.

    Un nouvel excellent roman de la part de Peter Tremayne, séduisant et fort instruit, qui magnifie le genre policier par les vertus de la culture qu’il sait déployer.

    04/04/2018 à 19:55 3

  • Nocturnes

    John Connolly

    8/10 De John Connolly, on connait principalement sa série consacrée à Charlie « Bird » Parker. Aussi, est-ce toujours avec appétit que l’on entrouvre un recueil de ses nouvelles. Dix-neuf, pour être exact. Le fil conducteur de celles-ci ? Le fantastique. Des histoires fortes et ténébreuses, où le surnaturel côtoie la terreur. « Le Démon de M. Pettinger », ou la folie d’un homme d’église en quête d’une créature malveillante sous les fondations de son église. « La Chaufferie », ou un terrible cauchemar vécu éveillé par un gardien de nuit. « Le Gouffre de Wakeford », avec son cortège de bêtes immondes peuplant une grotte. « Le joueur de l’équipe réserve », avec la terrible confrontation d’un sportif qui, au final, aurait été bien avisé de jouer en équipe première. Des textes forts et efficaces, avec le sang et les larmes comme épilogue récurrent, sans la moindre lumière d’espoir. En bon conteur nourri de récits primitifs, John Connolly revisite certaines légendes comme le Roi des Aulnes dans l’histoire du même nom, le mythe du vampire ou encore la sorcellerie. Certaines nouvelles constituent de véritables bijoux littéraires : « Les Clowns tristes », avec son éclatante littérature blanche et tous les sentiments contraires qu’elle véhicule jusqu’au dénouement fulgurant et terrifiant, « La Balade du cow-boy cancéreux » qui s’approche de l’univers de la série X-Files, ou encore les amours transcendant la mort dans « Le Lit nuptial ». Parallèlement, d’autres récits marquent le pas : « Le bel engrais de miss Froom » où les indéniables qualités narratives ne masquent pas une chute téléphonée, « L’Auberge de Shillingford » et son impression de déjà-vu et déjà-lu, ou encore « Le Singe de l’encrier », qui recycle trop d’éléments déjà connus. Néanmoins, au fil des pages, au gré de ces histoires n’excédant que rarement la vingtaine de pages, l’écrivain sait envoûter son lectorat par des ambiances lugubres et magnifiquement rendues, avec un goût prononcé pour la belle langue et les émotions humaines. Dans sa globalité, un très bon recueil qui sait rendre hommage à ses prédécesseurs, de Stephen King à Edgar Allan Poe. Un délectable bouquet de fleurs. Des chrysanthèmes, bien évidemment.

    04/04/2018 à 19:47 4

  • Le Poster menteur

    Donald Westlake

    7/10 … ou les tribulations de Mitch Tobin à qui il arrive une triple galère : son ancienne compagne lui demande un coup de main, on retrouve le cadavre d’un inconnu dans le musée qu’il garde, et il se trame une sombre histoire de copies des pièces présentes dans les collections. On retrouve la patte de Donald Westlake, avec pas mal d’humour, un récit vif, et un ton propre aux bons vieux romans noirs des années 1970. Un récit en trois parties : d’abord, Mitch, même s’il se démène, est surtout la victime des événements, puis vient le temps de la castagne (pas mal de bons chapitres tout entiers consacrés à des tentatives d’agression des gangsters dans un lieu clos), et enfin la réflexion, où une phrase entendue un peu par hasard va réveiller les synapses de notre héros et lui permettre de comprendre les tenants et aboutissants de toute cette histoire. Un livre décontracté, avec de bien bons moments, où Mitch va, en vrac, éviter une bouteille de vitriol, se faire dérouiller par un flic un peu taquin, et être confronté à de curieux experts en art. Dans l’ensemble, pas de quoi marquer au fer rouge ma mémoire ni écaler une tortue, mais ça permet au moins de passer un agréable moment.

    02/04/2018 à 13:06 6

  • Quand les oiseaux s'étaient tus

    Fred Houel

    8/10 Port Scott, une île isolée de l’Antarctique. Deux individus veillent sur les lieux : Jim et Thorn. Ce dernier meurt dans un accident, et Jim envoie un message d’alerte. Une équipe de secours se rend sur place, avec Mary Seurley, une doctoresse, Brad Morney, un capitaine de police, ainsi que Jack, son adjoint. Ils découvrent le cadavre de Jim, les membres démantibulés, tué d’une balle en pleine tête. Que s’est-il donc passé ? Un seul moyen de comprendre le déroulement des événements : parcourir le journal tenu par Jim, où la folie perce déjà.

    Avec ce roman, Fred Houel frappe fort. Dès les premières pages, le lecteur est littéralement kidnappé par la puissance du récit et la beauté des mots. Les paysages enneigés, soumis aux avanies des vents et des conditions climatiques extrêmes, offrent à l’auteur l’occasion de dresser de magnifiques chroniques de ce paradis blanc. Un univers farouche, où le phoque léopard – un redoutable prédateur – ainsi que le feu – aiguisé par la quasi absence d’humidité – peuvent devenir rapidement mortels. Il y a une beauté indéniable dans le souffle des propos de Fred Houel : une remarquable poésie, un talent rare pour la description des lieux et des façons de vivre en ces lieux dangereux. Au-delà de ces remarquables moments de nature writing, il y a également l’intrigue policière. Un nœud épais, composé de fils âprement tissés puis embobinés, parmi lesquels on trouve une mort en un lieu clos – le phare, des superstitions liées à l’ingestion de moëlle osseuse, des oiseaux qui meurent étrangement, et une inquiétante présence sur cet immense rocher basaltique. Des moments de pure tension, alimentés par une paranoïa croissante. Des rebondissements très efficaces, toujours intelligents et ne tombant jamais dans la facilité. Et, peu à peu, la mise à nu d’une machination terrifiante, même si elle a déjà été traitée dans de nombreux livres et films. Il y a également chez l’écrivain une magnifique propension à rendre ses protagonistes denses et crédibles, au point que le lecteur sent presque palpiter leur pouls au contact des pages. On va s’apitoyer sur eux, les apprécier, trembler à leurs côtés, les haïr, et à chaque fois, l’on réagira comme on le ferait pour un proche.

    Un roman qui mêle le noir, l’aventure et le thriller médical avec à la fois beaucoup d’habilité et de pertinence. Un ouvrage glacé et glaçant.

    12/03/2018 à 18:42 4

  • Potions amères

    Patrick S. Vast

    8/10 Tout commence avec un simple fait divers : par appât du gain, Denise Fachel, employée d’une herboristerie de Béthune, se fait dérober la cagnotte de la boutique à l’arrachée par Gilbert. Parce qu’ils craignent à présent la criminalité ambiante, Patrice et Germaine Ragonot, les propriétaires de l’officine, décident de conserver la caisse dans leur domicile. Le début d’une série de tragédies…

    On éprouve un immense plaisir à retrouver Patrick S. Vast, d’autant qu’il renoue ici avec ses premières amours littéraires. En effet, l’heureux lecteur qui a connu La Veuve de Béthune, Béthune, 2 minutes d’arrêt ou Boulogne stress reconnaîtra sans mal l’architecture de ces romans : une intrigue crédible, mettant en scène des personnages décrits en quelques habiles et véloces coups de plume, et un récit choral s’articulant autour de mécanismes habilement huilés qui vont lentement détruire tous les protagonistes. Ici, les individus sont nombreux et intéressants. Patrice et Germaine, possesseurs de l’herboristerie, lui effacé et soumis aux caprices de son épouse, elle vindicative et mégère jamais apprivoisée. Denise, leur employée, traumatisée par un veuvage accidentel, prête à croire au prochain grand amour. André Ansart, un représentant en produits bio, épris de Denise. Gilbert, mécanicien, prêt à tous les mauvais coups. Abdel Kadri, ancien codétenu de Gilbert, soucieux de récupérer sa compagne Sandra tombée dans les rets d’un proxénète, et qu’il pourra racheter à son souteneur contre dix mille euros. Caroline, une jeune handicapée mentale qui a cependant un habile sens esthétique et une conscience remarquable du temps. Ce qui rend le roman passionnant, ce sont ces interactions mises en œuvre par Patrick S. Vast : des chantages, des tentatives d’empoisonnement, des meurtres, des cadavres escamotés, des pressions par lettres anonymes, etc. Un véritable bouillonnement d’actes délétères, de méfaits toxiques. Chacun va tenter de survivre, lutter contre l’adversité, protéger ses acquis voire s’extraire de sa condition matérielle. Il n’y a pas véritablement de héros ou de antihéros, d’innocents ou de coupables : ce sont des grappes d’êtres humains, brisés par des ressorts et des mécanismes souvent dramatiques, parfois tragiques, qu’ils ont en partie contribués à créer et mettre en branle, et rares seront celles et ceux qui en sortiront indemnes. Une très adroite horlogerie du malheur.

    C’est donc avec un plaisir complet que l’on retrouve Patrick S. Vast, ici au meilleur de sa forme, avec ce scénario implacable et cette écriture si typique. Et le plaisir n’en est qu’accru puisqu’il signe avec cet opus, dont la dédicace est faite à Georges Simenon, Stanislas-André Steeman et André-Paul Duchâteau, la naissance d’une maison d’édition, le Chat moiré. On ne peut bien évidemment qu’applaudir une telle naissance et souhaiter d’autres grossesses littéraires après ce premier accouchement de grande qualité.

    12/03/2018 à 18:41 4