El Marco Modérateur

3219 votes

  • Le Feu de Dieu

    Pierre Bordage

    9/10 François-Xavier, surnommé Franx, avait tout prévu en cas de catastrophe mondiale, et notamment ce fortin isolé dans le Périgord, le Feu de Dieu. Et quand ce gigantesque cataclysme survient, Franx n'est pas aux côtés de sa famille mais à Paris, pour une histoire de succession. Il doit alors rejoindre le bastion mais la France, à l'instar du monde tel que l'humanité le connaissait, est complètement bouleversée : paysages ravagés, hordes de pillards, animaux maîtrisant certaines parties du territoire. Et Franx ignore encore que sa famille, confinée entre les murs de la citadelle retranchée, est sous la coupe d'un dangereux psychopathe.

    Avec ce thriller crépusculaire, l'auteur bouscule indéniablement le lecteur, notamment en choisissant de le plonger dans un univers en pleine implosion, et ce dès le premier chapitre. A la manière d'un Cormac McCarthy dans La route, Pierre Bordage peint un décor terrifiant, avec un climat détruit, des paysages désolés, en proie à la furie d'une nature incontrôlable. Dans le même temps, le comportement des êtres humains est particulièrement saisissant, devenant des prédateurs d'une rare férocité. On suit donc, parallèlement, le périple de Franx, accompagné d'une jeune orpheline, dans cet univers effrayant, et la survie de son épouse et de ses enfants aux prises avec un redoutable individu, que les circonstances vont transformer en nuisible. Indéniablement, le récit est crédible, et Pierre Bordage dépeint avec une plume d'une rare efficacité une population en pleine effervescence, cherchant de nouveaux jalons moraux, hésitant entre solidarité et égoïsme. Certains tableaux sont époustouflants, des descriptions des horizons balayés par la catastrophe à la barbarie d'individus revenus à une sauvagerie primitive. Cependant, dans cette histoire lugubre subsistent des éclats de vie, des fragments d'optimisme, comme l'espoir en cette jeunesse qui se réinvente et croit en des lendemains meilleurs : Surya, la jeune fille qu'escorte Franx vers le Feu de Dieu, ou encore ses enfants. Des étincelles de lumière dans un monde qui semble avoir inéluctablement basculé dans le néant.

    Le Feu de Dieu est assurément un livre percutant, aux images incandescentes qui marquent l'esprit du lecteur. Une histoire où la bestialité côtoie la promesse d'un avenir possible, avec de belles réflexions quant à la jeunesse et la famille. Un roman catastrophe d'autant plus envoûtant qu'il renvoie à des craintes tout à fait plausibles.

    20/11/2011 à 16:01 2

  • Le Feu du ciel

    Maza, Richard D. Nolane

    7/10 Après une nouvelle explosion en Antarctique à la base Argentina, les tractations politiques continuent, ce qui donne lieu aussitôt après à un autre combat entre avions. Pas le moindre temps mort dans ce tome, c’est indéniable, mais pas non plus le coup de fouet souhaité… jusqu’à ce qu’Hitler dévoile la puissance de son nouveau pouvoir au cours d’un discours public. J’espère que cet événement, dynamique, saura se montrer contagieux afin de stimuler les quatre derniers opus et achever cette série en beauté.

    13/01/2022 à 18:42 1

  • Le Feu écarlate

    Xavier Dorison, Grzegorz Rosinski

    8/10 Thorgal subit des tortures répétées de la part de ses geôliers, et il ne peut que constater le rôle prégnant qu’a pris son fils Aniel sous la férule de ses nouveaux tuteurs. L’armée d’orient de Magnus se fait de plus en plus pressante aux portes de la cité fortifiée. Un épisode enlevé, constituée d’une multitude de saynètes toutes très réussies, où le sang coule à gros bouillons dans ce magnifique (bravo à Grzegorz Rosinski pour les dessins !) décor moyen-oriental comme jailli d’un conte des Mille et une nuits, d’autant qu’il s’achève avec un protagoniste en fort mauvaise posture et donc sur un suspense de haute qualité.

    10/06/2022 à 18:20 3

  • Le Fils Cardinaud

    Georges Simenon

    7/10 … ou comment Hubert Cardinaud, employé d’assurances à qui son patron a d’ores et déjà fait comprendre qu’il sera son successeur, se rend compte en rentrant de la messe que son épouse, Marthe, l’a quitté, emportant avec elle trois mille francs. Il apprendra assez rapidement qu’elle est partie avec Emile Chitard, dit « Mimile », dit « Le fils à Titine ». Dès lors, il ne va avoir qu’une obsession : la récupérer. J’ai retrouvé le style de l’immense auteur belge, avec la concision de son histoire, sa construction de prime abord très simple, et sa plume acide. Ici, ce qui m’a davantage marqué que la quête de Cardinaud, c’est tout ce qui est périphérique, satellitaire à cet homme abandonné par sa femme et la mère de leurs deux enfants. Il y a la description acerbe du milieu d’où provient Hubert, cette basse extraction de vendeurs de sardines et autres petits métiers (la rencontre avec Lucien, l’un de ses frères, est de ce point de vue admirable), la veulerie de la populace lorsque cette dernière apprend les infidélités de Marthe (la lettre anonyme, les regards lâchés en coin, les propos que Cardinaud devine sans mal), et cette forme de Chemin de Croix que va devoir emprunter Hubert pour remettre la main sur Marthe. Une écriture toujours aussi paradoxale, à la fois prenante et passionnante tout en étant sèche et minimaliste, sans la moindre réelle action ou péripétie, se cantonnant à quelques déambulations en Vendée et un minuscule flash-back à Port-Gentil pour évoquer le caractère déjà misérable (la tentative de vol de la montre) de Mimile. En revanche, j’ai trouvé quelques longueurs (pour un roman d’environ cent soixante dix pages, tout est relatif…) dans le dernier tiers de l’ouvrage, ce qui n’enlève rien aux mérites de ce livre fort bien écrit, d’une crédibilité sans faille, et à hauteur d’homme.

    24/02/2021 à 08:12 1

  • Le Fils de Slappy

    R. L. Stine

    7/10 Jackson Stander et sa sœur Rachel sont diamétralement opposés : le premier est un enfant bien sage tandis que l’autre est une furie qui passe son temps à mentir. Leur mère décide un jour de les envoyer en vacances (forcées) chez leur grand-père qui habite dans un manoir aux allures de château hanté. Le vieil homme, qui vit avec Edgar, son chauffeur, est un collectionneur compulsif (depuis les flamants roses jusqu’aux mygales, en passant par les méduses et les nœuds coulants ayant servi à de véritables pendaisons). Mais il collectionne également les marionnettes, et il y en a d’ailleurs une dont il faut se méfier : Slappy, dont la légende raconte qu’elle aurait été « taillée dans le bois d’un cercueil par un méchant sorcier », et qui pourrait revenir à la vie à la faveur d’une incantation et jouer de terribles tours à son propriétaire. Mais est-ce réellement une légende ? De R. L. Stine, on connaît bien l’œuvre et les marottes littéraires : pitch mettant en œuvre des phénomènes paranormaux, des chapitres concis, un style sec, et un suspense qui se doit d’être constant de bout en bout. Ici, rien ne déroge à la règle avec ce pantin, capable de posséder son propriétaire, de lui faire dire et faire des horreurs, d’autant que ce Slappy a décidé que Jackson allait devenir son fiston (d’où le titre de l’opus). Une histoire sympathique et prenante, même si, tout du long, c’est surtout une litanie de vilénies et d’autres comportements inappropriés que Jackson fait, bien malgré lui, ce qui rend l’ensemble un poil monotone. Cependant, le final, avec le twist traditionnel, vient nettement réveiller l’ensemble ; une idée très bien trouvée, intelligente, et qui relève d’un coup l’intérêt de l’ensemble du livre.

    08/04/2021 à 08:25 1

  • Le Fou au flingue

    Michael Collins

    7/10 … ou les tribulations de Dan Fortune, détective manchot, dans une ville de New York gangrénée par le crime et bien décidé à résoudre le meurtre d’une belle et jeune vietnamienne en pleine rue. Il se frottera à de nombreux milieux interlopes, notamment en lien avec le trafic de drogue et la prostitution, notamment de gamines. Par ailleurs, ses pas le mèneront à affronter un être tout de rage et de rancœur, prêt à délivrer une vengeance meurtrière dans une affaire dont les racines naissent au Vietnam et ont commencé à développer leurs sombres souches lors de la guerre. Michael Collins a structuré un récit noir, nébuleux et dense, avec de multiples rebondissements à la clef, à peu près aussi abondants que les cadavres que l’on va trouver tout le long de ce Minnesota Strip qui est le titre original de cet ouvrage. Un ton sombre, avec très peu d’humour, pour une enquête prenante et terriblement efficace, n’abandonnant aucun temps mort. Un petit bémol concernant le héros, Dan Fortune, pour lequel je n’ai pas éprouvé d’empathie particulière ni d’attrait spécifique, mais peut-être est-ce parce que j’ai entamé la série sans prendre les opus par ordre, d’où ce sentiment de n’être probablement pas monté dans le wagon idoine pour comprendre ce personnage ou en apprécier la saveur. D’autre part, avec des mots simples, l’auteur a réussi à mettre en exergue la transformation d’un individu lambda, que rien ne prédestinait à cela, qui va devenir une Némésis forcenée, au point de devenir ce que d’aucuns appelleraient un terroriste, avec cet épilogue où apparaît clairement un ultime fait d’armes, comme la preuve définitive de sa métamorphose idéologique et armée.

    06/05/2018 à 18:16 3

  • Le Fou de Bergerac

    Georges Simenon

    7/10 … ou comment notre commissaire Maigret, par le plus grand des hasards, en vient à pourchasser l’inconnu avec lequel il partage un compartiment nuit dans un train, descendu au beau milieu du voyage et l’ayant blessé à l’épaule d’une balle. Notre policier va vite se rendre compte que la ville de Bergerac, en Dordogne, où il est hospitalisé puis logé à l’hôtel, connaît une vague de terreur suite à des meurtres perpétrés par un « fou ». Toujours, la magie opère. La plume de Georges Simenon est brillante, sèche, dans la retenue, et pourtant, flagrant paradoxe, cette austérité dans la forme exsude une profonde richesse dans le fond. Portraits au vitriol, fines déductions, psychologie pertinente, un véritable banquet littéraire. Pas mal d’éléments intéressants dans cette enquête, comme le rôle important de son épouse qui va grandement l’aider dans son investigation, en étant non seulement ses yeux, ses jambes et ses bras puisqu’il est alité, mais aussi par ses raisonnements et son bon sens. Jules Maigret va d’ailleurs déployer un large éventail d’attitudes, de la bonhommie à l’ironie en passant par l’exaspération voire la colère. En outre, Maigret comprendra tout en restant dans sa chambre d’hôpital puis d’hôtel, dans la tradition du « armchair detective », avec beaucoup de finesse, d’opiniâtreté et d’intelligence. Un récit daté (1932) avec quelques égarements parfois misogynes et antisémites (sur la tendresse plantaire des Juifs, même si Maigret s’en défend dans la foulée dans un ricanement allègre), mais dont le style ne m’a pas décontenancé. Une histoire complexe (un peu trop, même, à mes yeux, au point de la rendre un peu capillotractée), riche, remontant dans le passé, puisant même outre-Atlantique ses racines, avec un final très particulier quant à la démesure que peut entraîner l’amour fou. J’ai été également surpris, moi qui me souvenais de l’adaptation avec Bruno Cremer sous le titre « Le Fou de Sainte-Clothilde », parce que cette transposition télévisuelle est très lointaine du roman, au moins dans sa résolution et les motivations du tueur, mais peut-être est-ce que je me trompe, il faudra que je la revoie dès que possible afin de confirmer ou d’infirmer ce point. Au moins, comme dans « Maigret se trompe », cela m’a permis de ne pas m’attendre du tout à la solution dans la mesure où j’en avais une autre en tête. Bref, une nouvelle réussite pour Georges Simenon et son enquêteur fétiche.

    08/08/2019 à 08:45 3

  • Le Frisson

    Ross MacDonald

    9/10 Lew Archer est détective privé, et c’est en sortant du tribunal où il dépose qu’il est abordé par Alex Kincaid. L’épouse de ce dernier, Dorothy McGee, dite Dolly, a disparu juste après leur mariage. A-t-elle été enlevée ? L’a-t-on kidnappée ? Lew accepte cette mission sans savoir qu’elle va s’avérer beaucoup plus complexe que prévu, avec des racines s’enfouissant deux décennies plus tôt.

    Voici un pur roman noir que Ross MacDonald signait en 1963 et faisant partie de la série consacrée à Lew Archer. On se rend rapidement compte que ce limier dispose d’une personnalité bien particulière : peu porté sur la violence – même si distribuer des coups ne le choque pas, désintéressé, peu enclin à la boisson, doué d’une incroyable mémoire, il s’illustre par sa sagacité, sa morale et son humour. Il faut d’ailleurs reconnaître que Ross MacDonald nous régale avec la manière qu’il a de mener son récit : dialogues au cordeau, réparties soulignées par un bel esprit, descriptions concises et fort réussies. Dans le même temps, l’intrigue est particulièrement soignée et dédaléenne. Cela commence comme une disparition que l’on pourrait presque qualifier de banale, mais la suite des événements va rapidement contredire ce sentiment premier. Un mystérieux barbu venu à la rencontre de Dolly peu de temps avant qu’elle ne quitte la scène, des vieilles dames au-dessus de tout soupçon, le shérif Crane qui n’y va pas par quatre chemins, des personnages douteux dans le milieu universitaire, des mariages que certains auraient préféré garder secrets, un sénateur, un psychiatre, des individus connus sous plusieurs identités, des doubles vies, un suicide suspect… Et Lew Archer n’est pas au bout de ses peines dans la mesure où l’étendue de cette affaire va se complexifier avec un premier meurtre, l’obligeant à enquêter sur plusieurs assassinats, « espacés sur une période de vingt-deux ans ». Et il faudra attendre le trente-deuxième et dernier chapitre pour obtenir la résolution de cette trame serrée et vertigineuse de roublardise : après une succession de rebondissements et de fausses pistes, Ross MacDonald nous offre un dénouement de haute volée, inattendu et marquant, achevant ce livre de manière remarquable.

    Pas étonnant que des auteurs comme James Ellroy ou Michael Connelly encensent Ross MacDonald et son œuvre. Ce roman se distingue par l’excellence de son écriture, la complexité de son histoire et la finesse de ses analyses psychologiques – sobres et incisives.

    01/03/2023 à 07:00 6

  • Le Fugitif

    Chris Bradford

    8/10 Connor Reeves assure la protection d’une personne éminente au Mexique, mais sa mission tourne au drame. De retour en Angleterre, il découvre que le quartier général de Bodyguard a été victime d’un raid. On compte un mort tandis que les autres agents ont été enlevés. Le colonel Black, son supérieur, l’enjoint de rejoindre Shangaï à la recherche des assassins. Avec Amir et Zhen, une intrépide conductrice d’un rickshaw, il va devoir affronter pour la dernière fois Equilibrium et tenter de mettre un terme aux agissements de cette organisation criminelle.

    Cet opus, le sixième et dernier de la série Bodyguard se conclut de la plus belle des manières : avec intelligence et panache. Chris Bradford a concocté l’assortiment littéraire idéal, celui que les fans attendaient et dont ils se sont régalés jusqu’à présent. Un excellent mélange d’action, avec des scènes épiques (courses-poursuites dans les rues de Shangaï, bataille contre une boule de démolition, fusillades échevelées et combat final en haut d’un building), avec des touches d’un humour bienvenu ainsi que de l’émotion. Quelques personnages marquants perdront la vie dans ce roman, et le final, avec plusieurs rebondissements à la clef, viennent clore avec maestria autant ce livre que la série. La grand-mère de Zhen appendra quelques ficelles salvatrices d’arts martiaux à notre héros adolescent (ah, le coup de la porte du démon ou encore la chemise de fer), et Connor renouera avec Charley, sa copine handicapée, tout en mettant en pleine lumière les agissements destructeurs d’Equilibrium, cette entité qui n’a rien à envier au Spectre combattu par James Bond. La Présidente ainsi que Mr Grey, deux adversaires retors, machiavéliques et hautement dangereux, composent d’ailleurs un duo d’ennemis marquants et face auxquels Connor devra déployer des trésors de bravoure et de sacrifice.

    Un roman pyrotechnique et hautement cinématographique, concluant brillamment une série fort entraînante capable de rivaliser avec Robert Muchamore et ses ouvrages consacrés à CHERUB, ce qui n’est pas un mince exploit. Espérons que d’autres œuvres de Chris Bradford, pas encore traduits en français, seront publiés chez nous pour continuer de nous enchanter.

    20/12/2021 à 08:01 2

  • Le Furet égaré

    Denis Julin

    8/10 Marie-Christine Montfort-Louis n’est plus. On vient de retrouver son corps dans son appartement du 16e arrondissement, le crâne fracassé, une paire de ciseaux ensanglantée dans la main. Son mari ? Il erre près d’un lac lorsque quelque chose le percute violemment à la tête, entraînant une amnésie totale quant à son identité. C’est ensuite un véhicule qui bascule dans les eaux, et dans lequel on retrouve une mallette contenant une arme étrange. Il faudra au capitaine Brunie des trésors d’acharnement et de sagacité pour tout dénouer.

    Après La Lézarde du hibou, dont on avait pensé beaucoup de bien, Denis Julin revient avec ce deuxième tome des enquêtes menées par le policier Brunie. On retrouve la patte de l’auteur : une écriture léchée, parfois même très poétique, un suspense intelligemment construit, pas mal d’humour, et des personnages crédibles et d’une grande humanité. Le lecteur se plaira à suivre la traque menée par le capitaine, mais ce protagoniste, quoique fort réussi, ne constitue pas nécessairement le plus intéressant de l’histoire. En effet, c’est ici Arnaud, le veuf à la mémoire altérée, qui se révèle presque le véritable héros de cette histoire. En quête de lui-même, ne sachant plus qui il est réellement, il croisera la route de la délicieuse Stéphanie, belle jeune femme à la jambe artificielle, tandis qu’il se découvrira graduellement des aptitudes inattendues, comme une maîtrise du close combat, savoir comment désarticuler un pistolet en deux temps trois mouvements, manier un fusil de précision Dragunov, ou des relations avec des personnages interlopes. L’intrigue est une nouvelle fois fort bien bâtie, avec une savoureuse résolution, et les pièces du puzzle en viendront à s’emboîter de façon très satisfaisante. Aucun temps mort dans ce roman à suspense mâtiné d’espionnage et d’action, sans pour autant tomber dans les travers hollywoodiens et faciles de ces trois genres, sans compter une belle dose de cocasserie qui jamais ne vient ternir la densité dramatique de l’ouvrage. A titre d’exemple, ces titres de chapitres qui n’engendrent pas la mélancolie : « L’Affaire est dans le lac », « Qui perd le nord va à l’ouest », « A l’est, plein de nouveaux », ou encore ce vingtième chapitre, vide, et intitulé « Ben, il n’y en a pas ! ».

    Une nouvelle réussite de la part de Denis Julin. C’est sobre et adroitement mené, plaisant et distractif : la matière idéale pour un téléfilm de grande qualité.

    14/04/2020 à 22:55 2

  • Le Gang du serpent

    Hervé Jubert

    7/10 Après ses précédentes aventures relatées dans Les Voleurs de têtes, Billie Bird, jeune voleuse de son état, sait que son père est encore retenu prisonnier d’un gang mafieux si elle ne leur rapporte pas d’autres parties d’une fontaine mythique. Cependant, elle se rend compte qu’une énigmatique clé, remontant à l’Antiquité, ainsi qu’un mode d’emploi de la machine que tentent de reconstituer les ravisseurs de son père, peuvent être récupérés. Ni une ni deux, Billie reprend le chemin du cambriolage !

    Deuxième opus de la série Vagabonde, ce Gang du serpent ravira à coup sûr celles et ceux qui avaient apprécié le précédent ouvrage. On retrouve avec plaisir Billie Bird et son équipe : son chenapan de petit-frère, l’énigmatique et ravissant Octave, et le grand-père, de plus en plus victime d’Alzheimer. Si les scènes d’action échevelées sont moins nombreuses que par le passé, ce roman s’axe davantage sur les personnages et l’émotion. Hervé Jubert creuse les relations entre les divers protagonistes, notamment entre Billie et Octave, avec une amourette attendue à l’arrivée. Par ailleurs, le grand-père, surnommé le Capitaine, et sa maladie neurodégénérative, devient le centre des attentions du groupe, avec de nombreuses scènes poignantes où s’insère néanmoins un humour salvateur.
    Billie, au volant de sa fidèle Vagabonde, un combi Volkswagen antédiluvien, prend de nouveau la route à la recherche d’objets à dérober, et l’auteur fait montre d’un humour omniprésent, dans les dialogues comme dans les situations. Les exploits, même moins fourmillants, sont assurément réussis, et l’ouvrage s’achève sur un rebondissement qui donnera forcément aux lecteurs l’envie de se ruer sur le troisième et ultime écrit de la série.

    Indéniablement captivant, ce Gang du serpent constitue une habile passerelle entre le premier et le dernier ouvrage des romans consacrés à Vagabonde. La plume d’Hervé Jubert est efficace, et l’on attend avec impatience le futur ouvrage, à paraître en octobre.

    25/09/2012 à 18:44

  • Le Gène de la révolte

    Thierry Serfaty

    8/10 Un très bon roman, bien mené et au scénario intelligent !

    04/08/2006 à 22:51

  • Le général Enfer

    Alec Covin

    9/10 Après les événements des Loups de Fenryder et d'États primitifs, la société secrète qui a fait trembler New York s'apprête à bouleverser les États-Unis en y instaurant le chaos sous sa forme la plus brutale. Seules trois personnes peuvent encore se dresser face à cette menace : une journaliste, un détective borgne et un peintre incarcéré dans le pénitencier de Rikers Island. Parviendront-ils à empêcher le cataclysme ?

    Ultime roman de la Trilogie des Loups, Le Général Enfer se devait d'être la clef de voûte d'une œuvre fantastique – à tous les sens du terme –, et il faut l'avouer d'entrée de jeu : Alec Covin y est parvenu. On retrouve avec plaisir les protagonistes, laissés en bien mauvaise posture à la fin des États primitifs, et prêts à en découdre pour le combat final contre Fenryder et ses séides. Alec Covin sert son récit d'une langue et d'un style inimitables, alliant la brutalité de certaines scènes à des descriptions en profondeur des personnages. Quand s'achève le récit, il reste au lecteur des images ancrées dans sa mémoire, des persistances rétiniennes, où la violence côtoie un esthétisme certain propre aux grands films américains. Les chapitres s'enchaînent à merveille, se coulant avec bonheur dans une rythmique narrative qui fait qu'il est plus que difficile de s'extraire de la lecture. Suspense, frissons, visions d'horreur, complot parfaitement orchestré, manipulations des individus comme du lecteur : Alec Covin n'a strictement rien à envier à des plumes plus illustres, et leur est même supérieur sur bien des terrains. Chaque chapitre est un tableau à lui seul, effrayant, mémorable, aussi méphitique que ces terribles Loups sur le point de dévorer le continent nord-américain. Et puisqu'il s'agit là du final du triptyque consacré aux Loups, Alec Covin avait presque l'obligation de le clore de manière marquante : c'est chose faite, avec une confrontation finale qui tient toutes ses promesses et se permet, en outre, d'offrir au lecteur une succession trépidante de rebondissements à glacer le sang pour peu que l'on ait accepté certains postulats fantastiques propres à cette œuvre.

    Les Loups de Fenryder et États primitifs étaient remarquables, et on pouvait espérer qu'Alec Covin atteigne le niveau de ces deux précédents opus, voire les surpasse. Le Général Enfer est non seulement un point final à sa série, mais également un immense point d'exclamation, qui non seulement termine le triptyque mais se paie même le luxe de le magnifier.

    08/05/2011 à 16:59

  • Le glorieux plan quinquennal

    Garth Ennis, Darick Robertson

    7/10 Je retrouve avec plaisir cette esthétique si particulière, ce ton loufoque et souvent grossier, et ce pastiche si réussi de l’univers de nos superhéros qui se retrouvent ici après un saut en avion sur le sol russe pour y retrouver une vieille connaissance (et qui porte son costume de façon très particulière !). Du cul, des grivoiseries en pagaille, une intrigue qui n’a pas été délaissée pour autant, et quelques belles trouvailles visuelles (comme le coup du vibromasseur dans l’avion ou le massacre des superhéros sur l’air de « L’Hymne à la joie »). C’est impertinent et franchement insolent, alors j’en redemande !

    15/11/2023 à 13:45 1

  • Le gourou des Terres Froides

    Nicole Provence

    8/10 Dans sa jeunesse, Graziella a été la victime d’un gourou qui l’a, comme tant d’autres enfants appartenant à la secte, violée. Adulte, elle a ourdi des représailles contre le fils du monstre qui s’apprête à être jugé aux assises. Par ailleurs, un mystérieux « homme en gris » a lui aussi décidé que la justice des hommes serait insuffisante pour châtier le leader pédophile.

    Nicole Provence signe un habile roman policier chez l’éditeur Ravet-Anceau. D’entrée de jeu, le décor est posé : les personnages sont adroitement décrits et auscultés, entre enfances ravagées et espérances d’un avenir apaisé. La plume de l’auteur est belle, souvent poétique lorsqu’elle dépeint les paysages du Nord Isère, et fait la part belle aux émotions humaines. Le suspense est bien maîtrisé, et les pièces du puzzle se mettent lentement en place. Par moments, on regrette quelques faiblesses, comme le fait que la secte ne soit que lapidairement exposée et dont on n’obtient finalement que des contours alors qu’une plongée dans ces ténèbres auraient pu être mémorables, et d’autant plus efficaces qu’elles conditionnaient le désir de vengeance de Graziella.
    Cependant, dans les derniers chapitres, le livre prend une tournure remarquable, glaçante : il y a, dans l’histoire de Nicole Provence, des accents de tragédie grecque, plongeant les protagonistes en même temps que le lecteur dans un drame profond et sinistre particulièrement marquant. Viennent les ultimes pages, très touchantes, où la rédemption naîtra des flammes vengeresses.

    Le Gourou des Terres Froides est donc un ouvrage saisissant, où les dernières pages compensent sans mal les quelques modiques lacunes de l’histoire. Indéniablement, Nicole Provence a signé en 2007 un très bon roman, sans scène pétaradante ni outrancière, où le noir est une couleur.

    12/01/2012 à 19:09

  • Le Goût des Oiseaux

    Julia Wallis Martin

    7/10 Un bon polar psychologique, bien mené malgré quelques longueurs parfois et un petit manque de suspense quant à l'identité de l'assassin.

    12/01/2006 à 09:14

  • Le goût mortel de la pluie

    Michael Prescott

    3/10 En pleine saison des pluies à Los Angeles, un homme capture des femmes avant de leur demander d'écrire une demande de rançon à la ville, de les tuer puis de placer leurs cadavres dans les tunnels d'évacuation des eaux pluviales. Deux femmes que tout oppose vont alors se mettre à traquer ce tueur que l'on surnomme Rain Man : Tess McCallum, agent du FBI en lutte contre sa hiérarchie, et Abby Sinclair, "consultante en sécurité" engagée par une femme qui croit connaître l'identité de ce Rain Man. Malgré leurs caractères et leurs méthodes si différents, elles vont allier leurs forces pour arrêter ce serial killer si atypique.

    Malgré une idée de départ très intéressante, Michael Prescott n'est pas parvenu à écrire un roman de haute tenue. Les personnages - à part peut-être celui d'Abby Sinclair, détonnante et délurée - sont très convenus et sans épaisseur. Le récit est également émaillé de poncifs, tant au niveau des rebondissements très téléphonés que de la structure du livre. L'ensemble se laisse lire, mais sans émoi, sans éclat, et surtout sans âme, au point que l'on finit ce livre en énumérant difficilement les points positifs de ce roman. Au final, un thriller très banal que l'on oubliera rapidement une fois le livre achevé, les paupières alourdies par l'ennui.

    07/12/2007 à 17:18

  • Le grand amour du bibliothécaire

    Evelyne Brisou-Pellen

    6/10 … ou comment le gentil Fulbert, bibliothécaire dans le village de Tire-la-Chevillette, en vient à se transformer (et modifier ses pratiques professionnelles) quand il s’éprend de Rose-Marie, une jeune et jolie femme venue passer les vacances dans le bourg. Il faut dire que Fulbert, dans sa bibliothèque, n’a qu’un seul livre, sur le jardinage, et encore, relié par une grosse chaîne au mur afin qu’on ne puisse pas le lui emprunter. Fulbert trouve que « les livres ça fait désordre et ça prend la poussière », mais parce qu’il veut faire plaisir à Rose-Marie et l’attirer dans son antre, il va se mettre à acheter un autre ouvrage, puis un autre, etc. Autant le dire : c’est vraiment un opus pour les (très) jeunes lecteurs, en raison de son vocabulaire (simplissime), son sujet bien aimable, et sa concision (une quarantaine de pages, avec de grosses lettres et pas mal d’illustrations), et les adultes n’y trouveront probablement pas leur bonheur. En revanche, avec son humour (les doléances des cinq membres du conseil municipal face au maire sont cocasses), ses lapidaires péripéties (l’intervention de trois bandits qui en viennent à vouloir cambrioler la bibliothèque) et les amours complaisamment naïves entre Fulbert et Rose-Marie sauront séduire, d’autant que la morale de l’histoire, évident renversement de situation par rapport à celle du début, est vraiment réjouissante. Bref, c’est sympathique pour les débutants de la lecture, attachant et distractif, mais cela ne va guère au-delà pour les autres lectorats.

    01/04/2019 à 17:20 1

  • Le Grand Bob

    Georges Simenon

    8/10 Une histoire très humaine, ou comment le docteur Charles Coindreau apprend la mort par noyade de son ami Robert Dandurand, surnommé « le grand Bob », avant de se rendre compte que ce décès relève apparemment plus du suicide. Dès lors, il s’agit pour le toubib de comprendre qui était, sous ses allures de clown, réellement cet homme qu’il lui semble à présent ne pas avoir vraiment connu. Une belle histoire, constellée de flash-backs, avec la genèse du grand Bob aux yeux de tous, depuis sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme, Lulu, et son refus de passer l’examen de droit, puis la trajectoire enclenchée vers ce qui deviendra sa réelle existence. Comme souvent chez Simenon, l’intrigue ne constitue pas le fondement de l’intrigue, du moins pas sa partie la plus importante. Tout y est « prétexte » à des rencontres, des échanges, des pans de vie exposés, des unions qui se font et se défont (un peu plus de références au sexe que dans les autres romans), et un chapitre final très émouvant. De belles réflexions sur l’existence, l’amour, l’abandon, le deuil, toujours portées et magnifiées par une écriture qui va à l’essentiel, où chaque mot est habilement choisi. Assurément pas un polar, bien évidemment, parfois étoilé de quelques digressions quant aux autres personnages (notamment les adultères du médecin), et que j’ai lu de bout en bout avec un plaisir égal et supérieur.

    10/09/2018 à 17:25 5

  • Le Grand Braquage

    Dashiell Hammett

    8/10 A Philadelphie, environ cent-cinquante malfrats se donnent rendez-vous, et deux banques sont cambriolées dans la foulée, avec un assaut en règle de la part de ces gangsters. Les coups de feu inondent la ville, des bandits ainsi que des policiers et des passants sont au tapis. Le détective de la célèbre Continental Detective Agency avait pourtant été prévenu par un indicateur, mais l'ampleur du hold-up dépasse de loin ses pires pronostics. Il devra alors faire appel à ses collègues pour retrouver le butin ainsi que le cerveau de l'affaire, alors que les truands n'ont pas fini de régler leurs comptes...

    Auteur pionnier du roman noir, Dashiell Hammett était une plume de premier ordre, à la fois inventive et hallucinante de férocité. Écrites en 1924, Le grand braquage suivi du Prix du sang constituent deux nouvelles très efficaces, typiques du style de l'écrivain. Les personnages sont bien troussés, les dialogues souvent très drôles, et les situations visuelles. Ici, pas de larmes, de protagonistes timorés : ça castagne à mains nues ou à l'aide de poings américains, ça défouraille à l'arme automatique, et les femmes sont tout sauf fragiles. Les décors sont plantés en quelques mots habilement choisis et l'essentiel de l'histoire se résume à des coups bas, des trahisons, et des fusillades échevelées. Quiconque aura lu La clé de verre retrouvera avec un plaisir inégalé la verve de Dashiell Hammett, son appétit pour les durs à cuire, et la pléthore de personnages sombres et virils qui n'ont jamais peur de prendre des balles, et encore moins d'en faire pleuvoir.

    Le grand braquage est donc un ouvrage emblématique de l'œuvre de Dashiell Hammett, à des années-lumière des héros tendres, vivant une quelconque empathie pour leurs congénères. C'est de l'action, du brutal, de la testostérone en barils. Et le lecteur ne pourra que trouver un plaisir jouissif à suivre cette nouvelle enquête du détective anonyme si cher à son génial géniteur.

    23/02/2011 à 10:30