El Marco Modérateur

3219 votes

  • Les Egouts de Los Angeles

    Michael Connelly

    10/10 Un thriller remarquable, documenté et efficace. Mon préféré de la série.

    03/06/2009 à 20:10 4

  • Moisson rouge

    Dashiell Hammett

    10/10 Quelque part pendant les années 1920, le narrateur, détective privé pour le compte de l’agence Continental de San Francisco, est engagé par un client qui lui demande de venir le rejoindre à Personville, mais à peine est-il arrivé que son commanditaire est assassiné. La ville est sous la coupe d’une horde de gangsters qui y avait jadis pris position pour mater une grève massive mais n’avait pas quitté la ville depuis. L’enquêteur se voit alors confier une nouvelle mission par le père du défunt : libérer la cité du joug des truands. Pour ce faire, le détective va employer une méthode ingénieuse : monter les malfrats les uns contre les autres. Ce sera le début d’une véritable « moisson rouge » jusqu’à la purification totale.

    Ecrit en 1929 par Dashiell Hammett, La moisson rouge est un délicieux roman noir qui réunit tous les ingrédients du genre : des criminels en grande quantité et toujours prêts à faire parler la poudre, de belles femmes causant bien du désagrément aux hommes qui les côtoient et une ambiance crépusculaire. Le récit y est viril à souhait, avec son lot de scènes d’actions et d’affrontements, avec un langage qui manie la concision et l’argot. Les descriptions des protagonistes sont savoureuses, le personnage de détective privé est un brillant calculateur, et c’est avec joie que l’on plonge dans cette intrigue dense et aux nombreuses ramifications. L’ensemble tient du whisky millésimé dont on savoure chaque gorgée et dont on s’étonne presque naïvement qu’il ait pu conserver un tel arôme malgré les années.

    31/08/2008 à 17:06 2

  • Mygale

    Thierry Jonquet

    10/10 Un roman incendiaire comme j'en ai rarement lu. Court, mais d'une puissance incroyable. Une noirceur et une imagination fabuleuse. A posséder obligatoirement !

    05/11/2005 à 21:54 3

  • Pas d'orchidées pour Miss Blandish

    James Hadley Chase

    10/10 Un groupe de gangsters enlève la fille d’un homme multimillionnaire, Miss Blandish, qui passe ensuite entre les mains d’une bande de criminels menée par M’man Grisson. D’une beauté phénoménale, la jeune femme va devenir l’objet de toutes les attentions de Slim Grisson, un sadique jouant du couteau doublé d’un psychopathe inquiétant. Pour Miss Blandish, ce sera le début d’un long calvaire tandis que la rançon obtenue par le gang aiguise les appétits de chacun et qu’un détective est engagé par le père Blandish pour retrouver sa fille.

    Ecrit selon la légende en seulement six week-ends, Pas d’orchidées pour Miss Blandish constitue un thriller de haute volée et qui n’a pas pris la moindre ride. James Hadley Chase exploite avec un incroyable talent une intrigue parfaitement bâtie et devenue depuis un véritable classique. Les personnages de truands sont bien angoissants, les répliques excellentes, parfois très drôles, et le final est saisissant. Par ailleurs, le style de l’auteur est très épuré, décrivant la psychologie de ses protagonistes ainsi que les lieux en seulement quelques mots, et offrant des scènes d’action très spectaculaires et marquantes.

    A n’en pas douter, Pas d’orchidées pour Miss Blandish est un des chefs-d’œuvre de la littérature policière du vingtième siècle ainsi qu’une pierre angulaire des écrits de James Hadley Chase. Il est à noter que ce roman a connu une suite : La chair de l’orchidée.

    05/08/2008 à 12:26 2

  • Peur

    Thierry Serfaty

    10/10 Johan Jamin pénètre dans la cage aux fauves d'un zoo et se laisse déchiqueter par les félins. Sa veuve, persuadée qu'il ne peut s'agir d'un suicide, contacte le commissaire Erick Flamand pour qu'il découvre les raisons d'un tel geste, d'autant que Johan était sujet à une peur panique des félidés. D'abord perplexe, l'équipe du commissaire doit se rendre à l'évidence après qu'une jeune femme s'est jetée du haut d'une des tours de la Défense alors qu'elle éprouvait pourtant une phobie des hauteurs : quelqu'un manipule les phobiques. Mais qui ? Et pourquoi ? Le compte à rebours a déjà commencé avant que ne surviennent d'autres suicides spectaculaires.

    Après La Nuit Interdite qui traitait du sommeil, voici le deuxième volet de la "La Pyramide Mentale" élaborée par Thierry Serfaty, consacré à la peur, et autant le dire d'entrée de jeu : ce livre est une bombe ! Avec un style très travaillé, l'auteur a bâti une intrigue parfaitement maîtrisée où son sens de la narration n'a d'égal que sa facilité à se glisser dans la peau des divers personnages : enfants, policiers hors-normes, meurtrier, phobiques en tous genres, médecins, etc. Le récit se découpe entre les différents points de vue, tous très bien sentis et rendus, et le parcours professionnel de Thierry Serfaty dans les milieux médicaux lui permet avec aisance de parler de thèmes aussi variés que le scanner, la phobie, la structure du cerveau... De nombreuses scènes très visuelles émaillent ce livre, avec des rebondissements très bien menés, jusqu'à un final qui laisse augurer quelques pistes pour les romans à venir de l'auteur.

    Peur est donc une immense réussite, un livre vertigineux que le lecteur n'est pas prêt d'oublier !

    27/09/2007 à 17:05

  • Tout ce qui meurt

    John Connolly

    10/10 Un thriller de très grande classe. Un livre stupéfiant de maîtrise et de noirceur.

    05/06/2005 à 09:56 3

  • Trois cercueils se refermeront

    John Dickson Carr

    10/10 Par une froide soirée d'hiver à Londres, un homme entre dans un pub et lâche des menaces de mort sibyllines où il est question de cercueils qui se refermeront. C'est tout d'abord Grimaud qui meurt dans une pièce fermée alors qu'un inconnu venait de se ruer à l'intérieur, puis c'est un autre homme qui est retrouvé assassiné d'un coup de pistolet dans une impasse sans que le criminel n'ait laissé de traces dans la neige. Comment ces crimes ont-ils pu se réaliser ? Il faudra tout le flegme et l'esprit cartésien de Gideon Fell pour expliquer ces homicides, quitte à rouvrir des plaies ouvertes il y a bien longtemps en Roumanie.

    Auteur ayant développé et magnifié le thème du meurtre en chambre close et comptant comme successeurs célèbres des écrivains comme Paul Halter, John Dickson Carr nous a offert avec Trois cercueils se refermeront l'un de ses chefs-d'œuvre. Les intrigues sont parfaitement imaginées et maîtrisées, le récit habilement mené, avec quelques notes d'humour salvatrices au milieu d'une ambiance pesante et maléfique. Par ailleurs, les crimes analysés laisseront perplexes le lecteur par leur aspect irréalisable, et leur résolution est un remarquable moment d'ingéniosité car si logique, mais en même temps impensable. Le lecteur se trouvera donc bluffé par les explications de Gideon Fell alors que le texte aura multiplié les fausses pistes ainsi que les indices.

    Assurément, Trois cercueils se refermeront est un prodige littéraire : virtuose, prenant et marquant. Les ultimes rebondissements achèvent de parfaire cet ouvrage écrit il y a plus de soixante-dix ans et qui reste un joyau en la matière.

    17/04/2009 à 10:48 1

  • 1991

    Franck Thilliez

    9/10 En 1991, Franck Sharko a tout juste trente ans et a intégré le 36 du Quai des Orfèvres. Encore novice, il va participer à une enquête vertigineuse qui commence par une histoire de lettres anonymes envoyant leur destinataire sur les lieux d’un crime où une femme a été massacrée (organes génitaux brûlés). Mais ce n’est que le début d’un long hiver pour l’équipe de policiers, un enfer graduel qui va les mener à la chasse menée par un prédateur d’un rare machiavélisme.
    Des Franck Thilliez, j’en ai lu un bon paquet, mais celui-ci, indéniablement, est un régal. On y retrouve le style de l’auteur, avec des phrases simples et directes, sans recherche particulière, qui vont à l’essentiel et cognent rapidement. Des descriptions lapidaires, des personnages écorchés, un peu trop souvent reliées à un surnom à mon humble avis, et confrontés à une énigme redoutable. Une fois la dernière page refermée, j’ai essayé de remettre tout à l’endroit et tout se tient : date, processus meurtrier, interactions, charpente narrative. Un extraordinaire travail de documentation, un soubassement scénaristique de premier ordre. Et sur ces fondations, la patte Thilliez : des chapitres courts et véloces (77 en tout), qui s’enchaînent avec maestria, un pur page-turner à la française qui a l’excellent goût de ne rien pomper aux auteurs américains. Je ne parle même pas de la richesse des thèmes abordés (vaudou, magie, expérimentations médicales bien trash, psychés déstructurées, jeu de piste infernal, enfants bousillés, etc.). Difficile d’en dire plus sans déflorer l’intrigue, mais, même si l’on retrouve effectivement, comme noté dans d’autres commentaires de mes petits camarades, des éléments déjà présents dans d’autres ouvrages et ainsi « recyclés », ce cocktail m’a littéralement bluffé. Et puis, quelle riche idée de proposer une enquête de Sharko, sa première, où se dessine déjà son caractère fort et sagace, à une époque révolue où les communications étaient si différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui (le « mot de la fin » de l’écrivain nous éclaire en peu de mots à ce sujet à propos de son confinement mais avec beaucoup de tact et de justesse). Bref, encore une fois, un excellent thriller de la part de Franck Thilliez : je ne suis pas près d’oublier la scène avec le mamba noir, les références à Houdini, les traitements médico-sexuels sur les gamins ou encore ce qu’est la cryptophasie. Un diamant littéraire brut(al).

    03/04/2023 à 18:11 6

  • 20 pieds sous terre

    Charlotte Erlih

    9/10 Un excellent roman, prenant de bout en bout, avec des pages très belles quant au deuil. Une écriture sobre, sombre et acérée, parfois très proche de la littérature adulte, qui magnifie une histoire intelligente. Une réussite totale, dont je ne regrette que l’épilogue, trop à l’eau de rose à mon goût, quand le récit tout entier baignait dans le noir.

    23/04/2016 à 11:18 3

  • 5150, Rue des Ormes

    Patrick Senécal

    9/10 Suite à un accident de vélo, le jeune Yannick Bérubé demande de l'aide aux habitants d'une maison voisine, les Beaulieu. Il découvre par pur hasard un corps dans l'une des chambres, et le cours du temps s'envole : il est agressé et séquestré par cette famille de psychopathes, parmi lesquels on trouve Michelle, l'adolescente au charme vénéneux, Anne, la petite fille aux yeux de ténèbres, Maude, la mère obnubilée par Dieu, et surtout Jacques, le père de famille, dévoré de l'intérieur par sa passion pour les échecs et une certaine vision de la justice. Pour Yannick va commencer un long calvaire...

    Auteur des remarquables La loi du talion et Le passager, Patrick Senécal donne à nouveau une magistrale leçon d'effroi. Les divers personnages sont remarquablement campés et façonnent une inquiétante galerie de portraits. Le scénario, de prime abord classique, se révèle très vite prenant et excitant, et le lecteur a bien du mal à lâcher les pages tant le suspense est intéressant. Par ailleurs, ce qui retient l'attention, c'est l'écriture de Patrick Senécal : pas d'envolées lyriques ni de figures de style inoubliables. Son style est dépouillé, efficace, épousant brillamment les terreurs et les incohérences du protagoniste, et rendant cette descente aux enfers pertinente et réaliste, par paliers successifs. De nombreuses scènes morbides viennent ponctuer l'histoire, rappelant parfois Misery de Stephen King, avec quelques passages assurément inoubliables comme la découverte du contenu de la cave ou l'affrontement final entre Yannick et son geôlier.

    5150, rue des Ormes est donc un thriller de très haute volée, bien conçu et marquant. La tension psychologique et l'imagination de Patrick Senécal sont de véritables modèles du genre, achevant de placer cet auteur parmi les meilleurs du genre.

    28/12/2009 à 10:33 3

  • A Cache-cache

    M. J. Arlidge

    9/10 Disgrâce totale pour la commandant de police Helen Grace : la voilà en prison après la manipulation opérée par Robert Stonehill dans Oxygène. Peu de temps après, on retrouve une détenue, Leah, morte, la bouche et les yeux cousus, les autres orifices bouchés à la vaseline. Alors que l’heure de son procès approche, Helen ne peut faire autrement que de mener l’enquête.

    Voici le sixième volet de la série consacrée à Helen Grace, et c’est de nouveau une réussite. M. J. Arldige nous permet de retrouver notre policière de choc dans une situation pour le moins compliquée, puisqu’emprisonnée et donc incapable de prouver son innocence, et confrontée à un ennemi particulièrement diabolique et mystérieux. L’auteur réussit, une fois de plus, à imprimer un rythme fou à son ouvrage, avec cent quarante-et-un chapitres, la majorité d’entre eux ne comptant que deux ou trois pages. Chacun s’emboîte à merveille au précédent et au suivant, ce qui fait que le livre est impossible à lâcher. On découvre, dans cette prison d’Holloway, des personnages variés et denses, depuis le terrible Campbell, maton acéré et brutal, aux prisonnières altruistes, en passant par les ignobles Annie et Alexis, la première étant handicapée par une sclérose en plaques et devenue chef de meute, la seconde jouant les gros bras et prête à se mesurer à Helen. M. J. Arldige joue habilement sur les faux-semblants, les rebondissements et les psychologies, et l’on ne voit pas passer les quelque trois cents soixante-dix pages. De plus, en dehors du pénitencier, l’action se poursuit avec Charlie Brooks, fidèle à son ancienne supérieure hiérarchique désormais derrière les barreaux, et prête à tout pour retrouver le retors neveu d’Helen, héroïnomane et usurpateur d’identité, et ainsi démontrer l’innocence de la capitaine.

    M. J. Arldige mène son histoire pied au plancher, avec un scénario de prime abord classique mais redoutable d’efficacité. Probablement l’un des meilleurs opus de la série.

    22/09/2020 à 07:22 7

  • A cause de la Nuit

    James Ellroy

    9/10 Un livre bien trop puissant pour rester dans l'ombre des autres oeuvres de James Ellroy. Style, psychologie, intrigue, densité : un thriller passionnant !

    04/06/2005 à 08:07 1

  • À la recherche de Rita Kemper

    Luna Satie

    9/10 Rita Kemper était une star adulée, chanteuse et muse d'un groupe de rock aux accents sombres. Elle a fini par se suicider sur scène. Par la suite, le FBI a découvert dans la serre de sa propriété les cadavres de trente-neuf de ses fans, décapités. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le propre corps de la jeune femme a mystérieusement disparu. Le gouvernement a fait interdire les disques de son groupe, craignant un phénomène meurtrier de masse qui ensanglanterait le pays, provoqué par la noirceur de ses textes. Mais l'histoire ne s'arrête hélas pas là. Mary Blake apprend que son mari, Gregory, journaliste spécialiste de la chanteuse, vient de mourir dans des circonstances étranges aux côtés de l'un des membres du groupe auquel appartenait Rita Kemper. Cette dernière est-elle encore en vie ? Est-ce son ombre terrifiante qui continue de semer le chaos ? Y aurait-il un ultime secret que l'on chercherait à enterrer définitivement ? Mary Blake n'a plus qu'une seule solution : suivre les pas de son époux décédé pour tenter de comprendre l'incompréhensible.

    A la recherche de Rita Kemper est l'unique ouvrage écrit par Luna Satie. L'écrivaine n'avait alors que vingt-cinq ans en 2002 quand elle signait cet opus hors du commun, et son talent et sa maturité explosent littéralement au visage du lecteur. Le style est ténébreux, glauque, et le récit à la première personne fait basculer dans un univers d'une rare opacité, rappelant les meilleurs ouvrages de Gillian Flynn ou Mo Hayder. Tous les personnages sont désenchantés, tourmentés, meurtris dans leur chair et leur conscience comme autant de cadavres qui s'ignorent. Et même quand l'humour intervient, il est à l'instar du livre : noir, presque désespéré. L'intrigue est particulièrement originale et riche, offrant de véritables instants forts et un suspense savamment entretenu. Il faut attendre les ultimes pages du livre pour voir éclore la vérité, à la fois très crédible et profondément déstabilisante, achevant de marquer les esprits d'un jet de vitriol en pleine âme.

    Assurément, A la recherche de Rita Kemper est une œuvre folle, presque fétide, croquant les pires pans de l'âme humaine. Luna Satie signe un véritable brûlot de littérature noire dont on ne peut sortir qu'essoufflé, voire troublé. Une pépite qui n'a rien à envier aux standards anglo-saxons, et qui peut même servir de jalon tant le génie et la virtuosité de Luna Satie sont patents. Une chose est certaine : quiconque aura lu cette perle ne pourra que se souvenir durablement de Rita Kemper et des démons qu'elle aura invoqués.

    08/11/2010 à 20:05

  • À mains nues

    Paola Barbato

    9/10 Je suis entré un peu à reculons dans ce livre, parce que les ouvrages « à la mode » ou dont on parle beaucoup m’intéressent moins que les perles délaissées. A la fermeture du roman, je garde en tête quelques bémols : une violence singulière et qui aurait pu n’être traitée que de manière allusive, des combats pas toujours crédibles, et une écriture qui n’a rien de recherché ni de soigné. Mais au final, alors que je viens de refermer la dernière page, quelle claque globale. Une histoire qui ne ressemble à aucune autre, avec des gladiateurs modernes, dressés comme des molosses, perdant tout repère moral, et s’adonnant à des barbaries incroyables. Une étonnante galerie de personnages retors et sombres, emportés et sanguinaires jusqu’à l’ivresse de l’hémoglobine qu’ils font couler. C’est aussi une histoire solide et travaillée, parcourue d’idées remarquables (les affrontements dans le noir, les règles de la tuerie finale, les numéros attribués aux coups en fonction de la douleur provoquée, etc.). Et il y a ces images qui me resteront longtemps en mémoire. Il m’arrive fréquemment de (très) bien noter un livre et, quand je revois passer bien longtemps plus tard, ma note et mon commentaire ou avis, d’avoir un doute, un flou, une hésitation quant au contenu du roman. Ici, pas de risque : il me sera assurément inoubliable. Avec son cortège d’images démentes, comme les snuffmovies, les carnages, la séquence de danse entre Minuto et Batiza. Avec ses moments de bonheur captieux, de joie éphémère, d’espoir mensonger, qui surnagent fugacement au beau milieu de cette sauvagerie et de cette anomie. Et puis, il y a cette fin, inattendue et vicieuse qui rebat les cartes et oblige une relecture mentale de la totalité de l’ouvrage. Un mémorable festin de mâles et de maux.

    15/01/2017 à 19:57 9

  • A pile ou face

    Samantha Bailly

    9/10 Emma a perdu son frère Maxime dans un accident de voiture. Plusieurs mois après le drame, la lycéenne reçoit un mail envoyé par le défunt grâce à un ingénieux système qui permet de délivrer des courriels à retardement. Maxime lui parle de la puissance du Yi King, un livre ancestral permettant de décrypter la réalité et savoir quelle voie emprunter en cas d’embarras. Emma découvre progressivement que Maxime travaillait pour Mantis, une étrange fondation. Et si cette dernière était responsable de sa mort ?

    Samantha Bailly signe ici un thriller de très haute volée pour les adolescents. Le style, mature et terriblement efficace, sait faire vivre en quelques mots un personnage, une attitude, une pensée, ce qui accroit la crédibilité de l’ouvrage. Sur le thème original du Livre des mutations, l’écrivaine a su bâtir une intrigue solide et prenante, originale et marquante, où les pièges, faux-semblants et rebondissements affluent. Fait remarquable, et assez rare pour être encensé : ces effets n’apparaissent jamais comme une surenchère, là où tant d’auteurs, à force de quérir la surprise ou de susciter l’étonnement chez le lecteur, finissent par se perdre en raisonnements dédaléens abscons et autres situations abracadabrantes. Et le récit, s’appuyant sur cette vraisemblance, ne fait que gagner en qualité, et ce jusque dans les ultimes pages, où les raisons profondes de l’enlèvement d’une jeune fille sont révélées.

    Dans cet univers clair-obscur, où les ténèbres le disputent à la clarté, Samantha Bailly a réalisé un roman d’une très grande classe, énergique et passionnant, aussi distractif que captivant par les questions qu’il impose au lecteur quant au libre arbitre et au destin. Une réussite totale !

    12/02/2014 à 18:13

  • Adieu demain

    Michaël Mention

    9/10 Vingt années ont passé depuis que l’Éventreur du Yorkshire a été arrêté. Et le sang coule de nouveau. Des victimes, féminines, perforées par des carreaux d’arbalète. Deux flics vont se lancer aux trousses du tueur : Mark Burstyn, superintendant encore tourmenté par sa précédente enquête, et l’inspecteur Clarence Cooper, passionné de plongée sous-marine et expert en infiltration. Cette traque leur coûtera, à tous deux, extrêmement cher.

    Après Sale temps pour le pays, Michaël Mention poursuit sa trilogie anglaise. Rythme enfiévré, termes assassins, jeux avec les mots ainsi qu’avec la construction des phrases : on retrouve immédiatement le style si typique de l’écrivain. Saturé de références musicales, sociales et historiques, le lecteur plonge autant dans cette affaire criminelle que dans l’Angleterre de la fin des années 1960 au début du troisième millénaire. Ce qui frappe également, c’est la profondeur des personnages : depuis Burstyn, obnubilé par une voix enregistrée sur magnétophone et dont il n’a toujours pas découvert l’identité du propriétaire, à Cooper, remarquable caméléon dont l’immersion dans un groupe de parole dédié aux phobies va provoquer la chute morale. Tout y sonne juste et cruel, avec une large part faite à la psychologie de la peur, ou plus exactement, des peurs, tant elles sont nombreuses et protéiformes. Incandescente réflexion sur les anxiétés et la pusillanimité de l’humanité doublée d’une chasse policière de premier ordre, tortueuse, torturée, qui éclaboussera de sa boue méphitique le duo d’enquêteurs.

    On savait Michaël Mention doué, et l’on pouvait attendre avec une certaine appréhension ce nouveau volet, de crainte d’être déçu tant le précédent était réussi. Nous voilà rassurés. Son dernier-né, monstre littéraire aux chélicères inquiétantes et agressives, est certainement à ce jour son ouvrage le plus accompli. Un exceptionnel festin de mots et de maux.

    22/09/2014 à 18:49 5

  • Alice

    Paul Cabine

    9/10 Voilà un véritable régal de roman noir. Impertinent et singulier, à travers le regard lucide d’une gamine trop affranchie pour se conformer aux usages, Paul Cabine signe, pour son premier écrit, un ouvrage difficilement classable et terriblement envoûtant. À la fois simple et subtil, au-delà du portrait de femme qu’il peint, il offre aussi un cliché au vitriol de ce que pourrait être notre avenir. Et l’on serait bien coupable, une fois le livre achevé, d’oser dire que l’on n’aurait jamais imaginé pareille société.

    12/05/2013 à 20:01

  • Alice in Borderland tome 4

    Haro Asô

    9/10 Huitième jour à Borderland. Alice et sa nouvelle accompagnatrice Yuzuha cherchent à rejoindre la plage, et ils tombent sur une immense piscine associée à un hôtel de luxe et fréquentée par de jeunes gens en joie, un lieu qu’ils pensent être une sorte d’utopie et dirigé par Takeru Danma qui se surnomme « Le Chapelier ». Une sorte d’oasis nichée au milieu de cet environnement de cauchemar, de sang, de jeux mortels. Mais cet endroit paradisiaque a son revers : il faut partager toutes les cartes acquises dans une sorte de pot commun, ou alors c’est la mort des traîtres. Et que dire de ce « Groupe 2 », des guerriers bien tarés qui prennent leur pied en affrontant des animaux sauvages… Un quatrième opus vraiment bien troussé, anxiogène, habile, zoomant sur les jeux de pouvoirs et autres manipulations au sein de cet asile qui est beaucoup plus bancal et malveillant que prévu. Le final laisse nos deux protagonistes en bien fâcheuse posture, avec un suspense acéré. Ce que j’aime aussi énormément, c’est le fait que chaque tome est si différent des précédents tout en restant bien ficelé, angoissant et hautement addictif en attendant le shot du prochain opus.

    10/03/2022 à 19:39 2

  • American Gothic

    Xavier Mauméjean

    9/10 … ou comment, en pleine période maccarthyste, le patron de la Warner Bros veut racheter les droits d’un recueil de contes, « Ma Mère l’Oie », à Daryl Leyland. Mais afin de s’assurer le succès, il faut d’abord vérifier que ce Leyland ne présente aucun accroc dans sa vie ni dans son passé. On va donc charger Jack Sawyer, un dialoguiste et scénariste de seconde zone, d’enquêter sur l’écrivain.
    Un livre incroyable, franchement atypique, tant dans la forme que dans le fond. Ce n’est pas un récit classique, mais une juxtaposition de textes (rapports, analyses, témoignages, conférences, ou contes extraits du spicilège). C’est également une puissante plongée dans l’univers d’un auteur, ce Daryl Leyland, à la trajectoire brisée. L’orphelinat, les maltraitances à la ferme, l’asile, la guerre, la ville de Chicago (qui restera à jamais si intimement plaquée à l’existence de l’écrivain, à moins que ça ne soit l’inverse), etc. C’est aussi l’occasion de croiser des personnages mémorables, de François Parisot (traducteur de l’ouvrage de Leyland et donc avatar littéraire de Xavier Mauméjean) à Max Van Doren (l’illustrateur du recueil, un pauvre gosse un brin gentillet qui était en réalité un bien piètre dessinateur au sens classique, déboussolé par le succès, et dont les ultimes instants constituent un monument de littérature comme de surprise). C’est aussi une pure épopée de l’Amérique, portée par l’érudition de Xavier Mauméjean, remarquable, et qui aborde tant et tant de thèmes, depuis trois guerres (Première, Seconde et de Corée) à une campagne de publicité pour des bonbons, du maccarthysme à l’essor de la télévision, du film pour enfants au film porno. Un ouvrage fort, très original et dense, où l’on se plaît à s’égarer dans cette ballade littéraire tout en essayant de décortiquer où s’arrête la fiction et où commencent les faits réels, car tout sonne si juste que l’on se méprend à coup sûr entre ce qui a été inventé par l’auteur et ce qu’il a retranscrit. Grandiose, tout simplement.

    03/05/2020 à 23:33

  • And Back

    François Boucq, Alexandro Jodorowsky

    9/10 … où l’on retrouve Bouncer dans une prison au beau milieu du désert, le tout dans une ambiance sinistre (cf. les premières images avec les cadavres empalés et becquetés par les corbeaux). Un enfer sur terre où l’on adjuge aux enchères des jeunes femmes nues aux prisonniers. Où une dame lubrique règne en prêtresse. Où les moines, encapuchonnés vus dans le tome précédent, peuvent librement torturer les captifs. Où le train du ravitaillement constitue le seul moyen d’évasion dans ces terres stériles et esseulées. Un western aussi réussi que les précédents, c’est-à-dire excellent, âpre, violent et sombre, le tout parcouru de sang, de fusillades, de mutilations et de péripéties. Remarquable, tout simplement.

    14/11/2023 à 20:06 1